Grand médecin et écrivain de talent, il a quitté ce monde et cette Afrique qu'il chérissait. Le poète et romancier gambien Lenrie Peters est mort il y a deux semaines à l'âge de 76 ans à l'hôpital Dentec de Dakar, au Sénégal. Sa sœur a confirmé que Lenrie Peters était décédé suite à problème cardiaque. Lenrie Peters était chirurgien et travaillait encore dans sa clinique privée à Banjul quelques jours avant son décès. Il est une figure emblématique en Gambie de par sa personnalité ouverte et généreuse, soucieux qu'il était des progrès de son pays et de l'Afrique et du bien-être des Africains. Je l'avais rencontré en Gambie en juin 2005. Il m'avait accordé pour El Watan un entretien dans sa maison des quartiers huppés de Banjul. Je me souviens d'un homme ouvert et prêt à répondre à toutes les questions, sans langue de bois et avec une élégance sans pareil. Il avait alors 73 ans et d'une vigilance intellectuelle étonnante, d'une jeunesse d'esprit qui témoignait d'un amour pour la vie et pour les autres. Il avait beaucoup de projets en perspective, dignes d'un jeune homme de 20 ans s'élançant dans la vie. En effet, il était sur le point de publier un dernier roman et il voulait créer un prix du meilleur étudiant en médecine en Gambie pour l'octroi d'une bourse de soutien aux études de chirurgie et assurer ainsi la relève. Ce projet a vu le jour car le Prix existe aujourd'hui et il en est le mécène. Lenrie Peters est né en 1932 à Bathurst, le nom colonial de Banjul. Son père s'est endetté pour l'envoyer étudier, d'abord à Freetown en Sierra Léone, et ensuite en Angleterre pour poursuivre des études de médecine à la prestigieuse Cambridge, ce qu'il accomplit avec succès. Il a même exercé à Londres en tant que chirurgien. Cependant, le jeune Lenrie Peters avait une âme d'artiste. Intéressé par la musique, il a été aussi chanteur d'opéra. Mais il fallait choisir. Dans le même temps, il écrivait des poèmes qu'il a commencé à publier dans des recueils comme Katchikali ou Satellites. Il était observateur de son temps, de cette Afrique colonisée, il était choqué par la traite des esclaves et il a écrit sur cette page d'histoire aussi. Il a publié son premier roman The Second Round en 1965, publié chez Heinemann à Londres. Il a écrit aussi des scénarios pour son frère réalisateur de cinéma aux Etats-Unis. Ses thèmes abordent des questions qui touchent aux relations humaines souvent difficiles, à la mort, à l'amour, à la solitude et à l'exil. Lenrie Peters était un panafricaniste convaincu. Il souffrait de voir l'Afrique toujours sous-développée, plus de quarante après les indépendances. Sur un plan strictement personnel, il a tout donné à son peuple, il soignait et opérait souvent gratuitement les plus démunis comme on me l'a affirmé à Banjul. Il était à l'image du héros de son premier roman Second round , un jeune médecin qui revient dans son pays natal après de longues études en Europe et qui soigne des malades dans les coins les plus reculés d'Afrique. Sa vie durant, il a été fidèle à l'image de ce héros. Lorsque je l'ai rencontré à Banjul, il m'avait confié qu'il était sur le point de terminer un dernier roman The Way Trough , une sorte de testament pour proposer des solutions aux problèmes de l'Afrique, « avant son départ définitif » m'avait-il dit. Ses mots-clés étaient la solidarité et le travail pour s'en sortir. Sur le rôle de la littérature dans les sociétés africaines, ses propos étaient pertinents et il croyait aux vertus de la littérature : « Son rôle est primordial, important dans le monde du commerce dans lequel nous vivons. La littérature nous aide à vivre de manière dynamique, sans elle c'est l'asphyxie. La littérature nous aide à voir les choses différemment. Beaucoup de gens ont dit que l'informatique allait tuer la littérature, et ce n'est pas vrai, c'est le contraire. Comme vous le savez, il n'y a pas mieux qu'un bon livre, n'est-ce pas ? ». Un des derniers mots d'un sage africain qui vient de nous quitter.