Le 3 février est, depuis 1975, une date inoubliable pour les mélomanes. C'est celle de la disparition d'Om Kalsoum, l'Astre de l'Orient, la Diva aujourd'hui encore irremplacée, inégalée pour la force de sa personnalité et le timbre inimitable de sa voix. La commémoration du trentenaire de son décès offre l'ocassion de quelques rappels utiles sur cette cantatrice que rien ne prédestinait à arpenter les sentiers de la gloire. Om Kalsoum était issue, en effet, d'une famille modeste de l'arrière pays egyptien et rien ne la prédisposait à la carrière flamboyante qui fût la sienne sur plus de cinq décennies. Rien sauf l'imprévu à la fois lointain et proche dans son cas. C'est le père d'Om Kalsoum, Cheikh Ibrahim Al-Sayyid Al Baltagi, qui -le tout premier- découvrit les capacités vocales de son enfant. Cheikh Ibrahim était subjugué par la maitrise manifestée par Om Kalsoum dans la récitation des versets du Coran, exercice dont ne s'acquittaient que les hommes, ces Mounchids dont il faisait lui-même partie. Cheikh Ibrahim, imam de la mosquée de Temaye Al-Zahiryya, village natal donc d'Om Kalsoum, était un père méritant et d'une grande ouverture d'esprit en cette époque. Sans lui, Om Kalsoum aurait connu le sort de sa propre mère Fatma Al-Méligi, paysanne ordinaire du pays profond egyptien. Cheikh Ibrahim, décédé en 1931, est incontestablement l'homme sans lequel la grande Diva n'aurait jamais existé dans tous les sens du mot. C'est en père attentionné que Cheikh Ibrahim guidera les premiers pas certes encore hésitants de la future Astre de l'Orient. Avait-il eu une manière de prescience de ce que serait sa fille ? On se représente cet homme pieux accompagnant sa petite fille déguisée en garçon dans ce qui ressemblait déja à des tournées musicales. Mais la veille protectrice du père aimant ne suffisait pas et Le Caire, phare paysanne qu'était OmKalsoum à l'amorce des années vingt. L'éclosion artistique Quel âge avait-elle alors. Seize ans peut-être si donne crédit au fait qu'elle serait née le 4 mai 1904. Mais selon d'autres sources, Om Kalsoum serait venue au monde en 1898. Voire en 1902 d'après d'autres évégètes. En tout état de cause, Om Kalsoum, quel que fût alors son âge, ne doutait pas de sa voie, ni non plus de sa voix. Elle arrivait dans cet univers magique, mais torride, de la chanson au moment où des réformateurs tels que Abdou Hamouli ou Sayyid Darwish avaient dépoussiéré un art musical qui s'ossifiait. La scène musicale était dominée par des personnages d'eception tels que Abdelhayy Hilmi, Salama Higazi, Youssef Al-Manyalawi, mais aussi et surtout Mounira Al-Mahdiya, Idole vénérée du public egyptien. Qui pouvait tenir tête à cette femme au tempérament volcanique qui mettait un point d'honneur à ne pas avoir de rivale ? Om Kalsoum, inconnue d'entre les inconnues ne pesait pas bien lourd devant ce monstre sacré autour duquel se réglait la vie culturelle cairote. Om Kalsoum faisait certes parler d'ellle, mais dans des petits cercles restreints au moment où la grandiose Mounira défrayait le chronique par ses opéras extravagants et ses colères retentissantes de vedettte capricieuse. Non ! Om Kalsoum ne pesait pas lourd, même si Sayyid Darwish lui-même l'avait déja remarquée et envisagé de composer des chansons pour elle. Projet qui ne se réalisa pas car le Maitre de vait mourir et laisser à d'autres que lui le privilège de la metre sur orbite. Et de fait, le hasard plaça Aboul'Ila Mohamad et Zakariya Ahmad sur le chemin de la toute jeune artiste. Cette rencontre avec Aboul ‘Ila Mohamad eût un effet déclencheur,car l'exigeant compositeur lui offrit de chanter un poème écrit par Ahmed Rami. Ce sera la mise en œuvre d'une collaboration éminente entre Om Kalsoum et le poète qui n'en revenait pas de découvrir un tel don. Ahmed Rami était l'un de ces jeunes lettrés égyptiens qui avaient étudié en France. Un lien qui tenait de la passion s'établit entre eux, mais à sens unique car Om Kalsoum ne considéra jamais Ahmed Rami autrement que comme le guide qui la mènera sur les chemins de la connaissance et de la spiritualité. Un amour platonique dont le poète ne sortira pas indemne. Et en cela cela,il subissait le sort de Mohamed Al-Qassabgi qui fût à l'origine de l'éclosion artistique d'Om Kalsoum. Mohamed Al-Qassabgi était le contemporain, à quelques jours près de Cheikh Sayyid Darwish. Mais il n'avait rien entrepris de conséquent avant de découvrit Om Kalsoum dont il deviendra le Pygmalion. L'association de Rami, d'Al-Qassabgi et d'Om Kalsoum inaugura un âge d'or de la musqie arabe par la rigueur dont elle participait. Mais selon la figure connue, l'élève devait dépasser les Maîtres. Om Kalsoum, au contact de tels hommes avait évolué. Sa notoriété grandissante, son caractère fort, la mettaient en situation de choisir et de trancher. Mohamed Al Qassabgi ne trouva bientôt plus grace à ses yeux car il avait commis l'iréparable en composant pour Asmahan, dont l'étoile montait au firmament de la chanson arabe, le sublime Ya Touyour. En outre, Om Kalsoum récriminait contre le compositeur en lui imputant l'échec du film Aida. La cantatrice avait l'embarras du choix donc et elle se tourna vers Zakariya Ahmed et Ryad Al Sounbati qui composèrent pour elle les chefs d'œuvre qui l'imposèrent comme la diva absolue. Oum Kalsoum ne pouvait pas concevoir et accepter l'échec artistique et elle arrêtait des décisions implacables lorsque sa carrière en dépendait. Il n'y avait pas de place pour les sentiments dans ce parcours exceptionnel qui fut le sien. Plus de cinquante ans de présence artistique durant lesquels la diva du monde arabe, qualifiée un temps « d'opium des peuples », tint un rang quasi royal qui en tou temps fit d'elle la première dame d'Egypte. Elle eut ses entrées dans le palais royal, sous Farouk, comme à la présidence sous Nasser. Trente ans après sa dispariton, son aura n'est pas altérée car son itinéraire représente un cas d'école exemplaire pour les nouvelles générations qui pourront valablement méditer sur le destin hors du commun de cette diva auquel le nom même de l'Egypte reste associé presque au même tire qu'à celui des Pharaons.