Photo : APS Par Noureddine Khelassi Bienheureuse initiative. L'événement est si rare qu'il mérite d'être salué à sa juste dimension. Une fois n'est pas coutume, «l'Unique», notre incomparable ENTV, «l'orpheline» du PAM, le Paysage audiovisuel mondial comme la surnomme le génie persifleur algérien, est sortie des sentiers battus de la médiocrité télévisuelle pour programmer une émission aussi inédite qu'originale. Il s'agit d'une compétition de vocalises religieuses, une sorte de star academy de la psalmodie coranique regroupant de juvéniles candidats, féminins et masculins, au titre de récitants, déclameurs et psalmodieurs du texte divin. Tout un programme ! D'ailleurs, une femme et artiste sensible comme Amel Wahby ne s'y est pas trompée à ce propos, qui en est allée de son compliment dans les colonnes d'un confrère arabophone. «Il y a une émission, «Forsane el Kora' âne», qui me plait beaucoup et crée une atmosphère de recueillement et de ferveur au sein de la famille.» Initiative de triple dimension, «les «chevaliers du Coran», est une entreprise religieuse, artistique et… politique. La présence du chef de l'Etat à la cérémonie de remise des prix aux futurs lauréats, vendredi, à Alger, le 27ème jour du Ramadhan, à l'occasion de la «nuit du Destin», marquera solennellement le caractère politique de cette compétition. La cérémonie sera d'ailleurs retransmise sur les trois chaînes de l'ENTV et sur les ondes de l'ENRS. Surprise divine, au fil des jours de jeûne, on découvre avant sa rupture de nombreuses voix féminines, colombes en hidjab, psalmodiant de leurs douces voix mélodieuses mais non encore assurées, des versets coraniques. Un vrai bol d'air ! Ce n'est pas rien, dans un pays comme l'Algérie où le fondamentalisme islamiste prégnant considère la voix féminine comme une «âaoura», l'intime «sacré» qu'il faut préserver de l'œil concupiscent, sous peine de commettre un sacrilège ! Même si ces voix de l'innocence féminine sont systématiquement recalées par un jury faussement sincère et d'un paternalisme suave, le fait même d'avoir permis à des voix féminines de psalmodier le saint Coran est tout de même une belle victoire de l'orthodoxie malékite contre l'intégrisme et la bêtise masculine. Il faut se rappeler à ce propos que dans l'Egypte du roi Farouk, la future diva que deviendra Oum Kalsoum, alors adolescente, était grimée en jeune éphèbe bédouin portant une moustache pubère pour mieux chanter le dawr religieux et psalmodier de son extraordinaire voix des versets coraniques à une foule ramadhanesque en transe dans les villages du delta du Nil. Cerise sur le gâteau et surprise divine, les joutes vocales éliminatoires de la star academy coranique sont suivies par des psalmodies de récitants confirmés. Les apparitions télévisuelles de ces psalmodieurs précédent le ftour. Une voix, une seule, celle d'un bien nommé Zakaria Hamama, emplit l'écran et remplit les foyers des Algériens de sa grâce mélodieuse. Ce Hamama est un messager du tarab, de l'extase qui vous procure le nirvana et vous fait admettre que le jeûne n'est pas une pénitence mais un bienfait du Ciel ! Ne vous y trompez pas, sa voix, exceptionnelle par la richesse de son registre, vous fera oublier les monstres sacrés égyptiens de la récitation coranique que sont Abdelbasset Abd Essamad, Khalil El Hossaïri ou encore Abou El Aïnine Chouaïcha. Vraiment ! Ecouter dans un recueillement religieux la voix du jeune Zakaria Hamama, c'est participer à une extraordinaire expérience sensorielle. Mieux, c'est subir une salvatrice thérapie psycho-corporelle. Sa voix est un ravissement acoustique, un enchantement musical. Dès la récitation de la formule rituelle de «bissmillahi», l'onde sonore de son timbre vous emporte par sa force et sa hauteur. Hauteur, fréquence, intensité, harmonique, accords, la voix de Hamama est une voix chantée qui vous met en transe, vous fait frissonner jusqu'au cou et vous arrache des larmes d'émotion. Ce garçon, d'El Oued, a-t-on affirmé, a le ton juste et l'intonation émouvante, c'est-à-dire que ces cordes sympathiques vibrent à l'unisson pour mieux vous faire vibrer sur votre canapé. Cette voix est un violon d'amour ! Ce jeune est déjà un pro qui n'a pas besoin de travailler sa voix. Ses cordes vocales rappellent celles du regretté Nusratullah Ali Khan, l'icône mondiale du gawalli, le chant religieux en urdu, qui a atteint l'universalité grâce au génie du chanteur pakistanais et de la collaboration de l'altruiste Peter Gabriel. Le sonogramme de Zakaria Hamama est d'une harmonieuse complexité : sa psalmodie polyphonique s'appuie notamment sur son extraordinaire capacité à donner de l'amplitude au medd, à ces voyelles de la langue arabe, les consonnes étant alors déployées pour mieux structurer ces voyelles. Ce jeune maître a également une façon bien particulière de déclamer avec clarté, précision et netteté les mots coraniques avec des accords parfaits. Sans hésitation, ce jeune homme à tête d'ange, est un musicothérapeute qui s'ignore. Si sa voix était soumise à l'examen d'un vocodeur, acousticiens, musicologues, compositeurs et chanteurs philarmoniques et autres d'opéra lui décerneraient sans doute un bien mérité 20/20 ! Merci pour lui et saha ftourkoum !