Dans le seul souci de préserver le métier de luthier, l'Etat n'écarte pas l'idée de créer, dans un futur proche, une école spécialisée en lutherie. Plus d'une quinzaine de spécialistes nationaux et internationaux étaient conviés, durant deux jours à Alger, pour débattre du métier de luthier. Ce colloque a pour but d'aborder plusieurs thèmes, en relation avec l'histoire, l'innovation ainsi que les spécificités de la fabrication des instruments de musique de certains pays étrangers. Ce colloque permettra également de rassembler les familles des luthiers et des musiciens pour échanger les expériences entre professionnels. Hier matin, dans une allocution d'ouverture du colloque international sur la lutherie, lue par un représentant du ministère au nom de la ministre de la culture, il a été indiqué que ce colloque revêt un cachet particulier dans la mesure où cette rencontre contribue à la préservation des métiers de luthier. La préservation ne peut pas être efficiente s'il n'y a pas un échange d'expériences entre les artisans du monde. En outre, cette préservation ne peut se pérenniser si on ne la transmet pas aux générations futures. Un projet de création d'une école de lutherie pour la sauvegarde des techniques de fabrication des instruments de musique est en phase de réflexion. Cette future école impliquera la collaboration de plusieurs institutions, dont les ministères de la formation professionnelle et de l'artisanat. L'école en question, qui sera fondée sur des méthodologies académiques, assurera le transfert du savoir et des expériences de la part des professionnels en la matière à des luthiers qualifiés. La ministre reconnaît que la lutherie est un domaine assez délicat, compte tenu que le fabricant d'instruments de musique doit répondre à plusieurs critères. « La sauvegarde de ces métiers revêt actuellement une importance majeure pour la protection des instruments ancestraux et traditionnels qui représentent le côté matériel du patrimoine musical. La sauvegarde ne peut se concrétiser sans la mise en place de liens à même d'assurer la continuité entre les anciennes et les nouvelles générations de fabricants d'instruments de musique », dira la ministre. Dans son intervention, le musicologue Tarik Bechiri a rappelé à l'assistance que cette rencontre s'inscrit dans une démarche pédagogique. Aujourd'hui, dira-t-il, le métier de luthier existe en Algérie, mais risque de s'éteindre à travers le temps. Il faut établir un diagnostic et se situer dans le réel afin de sauvegarder ce métier en mettant, dès à présent, des assisses pour son développement. L'intervenant s'est interrogé sur la problématique du statut du luthier. « Ce statut relève-t-il du ministère de l'artisanat, de la culture ou encore de la formation professionnelle ? », lance-t-il. Pour sa part, le syrien Ibrahim El Sukar est convaincu qu'un instrument est sensible dans sa fabrication. Les artisans luthiers utilisent toute une gamme d'outils spécifiques pour travailler les dizaines de pièces qui composent l'instrument. Si par le passé les luthiers syriens étaient obligés de se conformer aux techniques ancestrales, aujourd'hui, de nouvelles techniques sont utilisées, comme le laser. De son côté, Tirsène Abdelkader est revenu sur son expérience algérienne dans le domaine de la formation des artisans luthiers. Ayant à son actif une trentaine d'années d'expérience, ce spécialiste est convaincu qu'il est impératif de décentraliser les fabricants d'instruments en commençant par le recensement des artisans au niveau national : une façon singulière de renforcer le savoir-faire et créer un partenariat d'échanges. Il est à noter qu'en marge du colloque, se tient une intéressante exposition d'instruments de musique traditionnels, dans le hall du premier étage de l'institut de musique.