Des spécialistes des médias se sont penchés, dans un ouvrage collectif, sur l'information dans le monde arabe. Avec l'avènement des chaînes satellitaires et de l'internet, on s'attendait à une révolution. Raté, la technologie est inopérante sans démocratie. Les moyens d'information étatiques dans les pays arabes, à l'image de notre funeste ENTV, n'ont rien à envier à la Corée du Nord. La démocratie et la liberté d'expression sont toujours bannies du lexique gouvernemental. L'arrivée des satellites et de l'internet ont réveillé les vieux rhumatismes sans pour autant sortir les vieux corps malades de leur coma. Une léthargie nourrie sciemment par les dirigeants, mal élus quand ils le sont. Al Jazeera a plongé dans le ridicule les télévisions nationales. Pour savoir ce qui s'est passé à Bab El Oued, il faut attendre le flash d'Al Jazeera ou se brancher sur les télévisions françaises. Notre « unique » couvre principalement l'actualité du président et du gouvernement. Elle est un miroir où les autorités se regardent inaugurer les grandes usines d'Afrique et du monde arabe quand le chômage touche presque un jeune sur deux. Et c'est le cas presque partout dans les pays arabes. Visitant le siège d'Al Jazeera, le président égyptien, incrédule, s'étonne que « tous ses problèmes proviennent de cette boîte d'allumettes ». Justement, avec les satellites, inutile de faire dans le gigantisme. Les médias lourds arabes ne parlent pas à l'intelligence, ils cherchent la docilité en réduisant à son extrême pauvreté son vocabulaire. Avec Al Jazeera, les régimes arabes ont tremblé au début. Pas l'habitude de voir des Arabes s'adresser aux Arabes, des journalistes arabes faire leur travail en professionnels. Le mot-clé est lâché : le professionnalisme. Les journalistes ne se contentent plus de lire des déclarations officielles à tire-larigot mais se lancent dans l'investigation. Après le vacillement, la répression. Une fois digérée et surtout pris acte de l'existence d'Al Jazeera, les régimes arabes ont retrouvé leurs vieilles habitudes : fermer encore plus les rares oasis d'expression. Les situations sont paradoxalement presque similaires dans le monde arabe. La multiplication des chaînes de télévision dans les pays du Golfe a bousculé le champ médiatique sans le révolutionner. Internet a eu plus d'audace, notamment en Tunisie, en Egypte et en Syrie, même si les autorités trouvent à chaque fois un moyen pour bloquer les sites « subversifs ». En Algérie, il y a eu une seule expérience satellitaire : Khalifa TV qui n'a pas fait long feu. Une expérience de quelques mois avant de perdre définitivement le signal. L'audiovisuel, une bastille où seuls les dociles ont droit d'accès. La médiocratie érigée en système. Un livre à dévorer pour ne pas désespérer. Les Arabes parlent aux Arabes, sous la direction de Yves Gonzales-Quijano et Tourya Guuaybess, Sindbad.