Céramiste et aquarelliste formé à l'Ecole des beaux-arts d'Alger, l'artiste Lazhar Rahal a investi le hall de la maison de la culture de Biskra, du 8 au 14 juin, avec une quarantaine de ses tableaux intitulés « Visages et Sensations ». Il a courtoisement accepté de se soumettre aux questions d'El Watan. Vous êtes seul au milieu de vos tableaux. A quoi pensez-vous ? Je préfère avoir 5 ou 6 visiteurs appréciant vraiment le sens de mon travail que des dizaines qui n'en goûtent pas une miette. Pourquoi avoir donné ce titre à vos œuvres ? Ce sont des visages tracés à main levée, constituant des points d'arrivée ou de départ de lignes géométriques ou en arabesques ou rappelant celles des frises et des bas-reliefs inspirés de notre patrimoine architectural national qui se perd irrémédiablement et que j'ai eu le désir de préserver dans ces tableaux. Pourquoi ces formes et ces couleurs se sont- elles perdues ? Il n'y a plus de maîtres-artisans et d'artistes ayant le savoir-faire et la volonté de garder les trésors du passé. L'industrie et l'uniformisation des formes et des couleurs noient la diversité du patrimoine artisanal et artistique de notre pays. Je m'inspire de ce patrimoine architectural et artisanal national pour créer des tableaux où des visages s'imbriquent aux formes et aux couleurs pour constituer un signe et susciter, je l'espère, des émotions et des sensations, mais aussi une réflexion. Quelles techniques privilégiez-vous ? Pour les tableaux de cette exposition, j'ai choisi de peindre des visages en recourant à une technique mixte. L'acrylique, matière épaisse et chaude permettant d'obtenir des effets de masse, et l'encre de chine de couleur donnant un ton de légèreté et de précision s'amalgament merveilleusement dans l'espace restreint de la toile ou du papier. Votre travail s'apparente à celui d'un artisan. Quelle est pour vous la différence entre un artisan et un artiste ? La matière choisie par l'artisan lui impose des gestes et un mode de création fixé depuis des siècles. Il est tenu de respecter des formes et des couleurs normatives dictées par le type d'objets qu'il crée. L'artiste s'accapare ces formes et ces couleurs et les combinent au gré de son imagination pour arriver à une nouvelle expression. Un artiste algérien et, de surcroît, vivant à Biskra peut-il vivre de son art ? (Sourire) Pas du tout. C'est la passion artistique qui nous meut. L'art n'est pas encore un domaine primordial pour nos concitoyens. L'inexistence d'un marché de l'art et de publications spécialisées, conjuguée à la rareté des expositions et au peu de communication entre les artistes et les gens font de nous des êtres sans identité. Mais, je ne désespère pas de voir, un jour, les musées et les salles d'expositions nationales bondés de visiteurs admiratifs, car dotés d'outils de compréhension. Que faut-il entreprendre pour encourager les artistes ? Les banques, les administrations, les établissements scolaires, les hôpitaux devraient comprendre qu'une œuvre artistique est un investissement. Chacun pourrait se constituer un petit musée au fil des ans et l'enrichir, non pas avec de pâles copies de peintures célèbres du patrimoine international, mais avec des œuvres algériennes qui se caractérisent par un foisonnement et une diversité sans pareil, lesquelles, j'en suis persuadé, se bonifieront avec le temps.