Cannes (France). De notre envoyé spécial Il faudra compter aussi dans ce gigantesque plat cinématographique les milliers de productions qui passent au Marché international du film (9000 films cette année) et celles des sections parallèles. De quoi allécher les infatigables 4000 envoyés spéciaux de la presse mondiale, triés sur le volet, pour recevoir leur accréditation, et qui squattent jour et nuit le «bunker», le palais rose du festival. Une œuvre très attendue, en concours, filmée dans l'univers historique de la ville de Nazareth par le cinéaste palestinien, Elia Suleimane : The times that remains (le temps qui reste) confronte l'histoire d'une famille, celle du réalisateur, à une longue période de 40 ans tragique, tumultueuse de sa ville natale. Elia Suleimane possède un tempérament d'artiste exceptionnel comme cinéaste et acteur. En 2002 à Cannes, il avait décroché le grand prix du jury pour son premier long métrage Intervention divine. Dans ce nouveau film sur Nazareth, ce sont ses souvenirs personnels éblouis par la beauté de sa ville et en même temps révoltés par la brutalité de l'occupation sioniste. Flash-back sur la Palestine assoiffée de justice et de liberté livrée, terrassée mais toujours insoumise. Ces repères historico-familiaux d'Elia Suleimane risquent fort de le mener au palmarès final qui sera dévoilé le 24 mai par l'exquise actrice et présidente du jury, Isabelle Huppert. Cela dit, nous voici embarqués dans la folle aventure du 62e festival de Cannes sur les traces de bien d'autres productions en lice pour la palme. Le film en costumes de l'Australienne, Jane Campion, sur l'histoire d'amour au XIXe siècle, du grand poète anglais John Keates, mort à l'âge de 25 ans de tuberculose en 1821, et de Fanny Brawne, jeune Ecossaise de 18 ans, très belle et très cultivée, passionnée d'histoire, parlant plusieurs langues. C'est une grande passion que filme Jane Campion. John Keates était très jaloux et il a écrit de beaux poèmes sur Fanny. Le film de Marco Bellocchio Vincere (vaincre) sur l'histoire d'une rencontre entre Mussolini, dans ses années de formation politique, et Ida Dalser. Mussolini était alors un militant socialiste ! La jeune femme croit en lui et vend tous ses biens pour l'aider à financer son nouveau parti «Popolo d'Italia» qui deviendra ensuite un parti fasciste. Marco Bellocchio a obtenu le Lion d'or à la Mostra de Venise en 2003 pour son film sur l'assassinat d'Aldo Moro : Buon Giorno Notte. Le film d'Ang Lee Taking Woodstock sur le 40e anniversaire du plus grand concert de rock devenu un événement mythique. Par deux fois, à Venise aussi, Ang Lee a décroché le Lion d'or tout récemment : pour Le secret de Brockback Mountains en 2005 et pour Lust caution en 2007. Le film Les étreintes brisées de Pédro Almodovar sur l'histoire d'un cinéaste qui perd la vue après un accident de voiture et qui continue dans l'obscurité à vivre, à écrire et à travailler. L'autre film espagnol signé par Isabelle Coixet et tourné à Tokyo : Map of the sound of Tokyo est un thriller, l'histoire d'un marchand de poissons qui est aussi un killer. Dans la section Un Certain Regard, il y a 19 films dont certains faits par des réalisateurs connus comme Alain Cavalier, Bahman Ghobadi, Pavel Lougine, Christian Mungu… A la Semaine de la Critique, il faut signaler le jeune cinéaste émigré, Nassim Amaouche, qui est en lice pour la Caméra d'or et rappeler qu'à la Quinzaine des réalisateurs c'est Coppola qui ouvre le programme avec un film en noir et blanc, Tétro, tourné à Buenos Aires. Une section à part pour les vieux chefs-d'œuvre : Cannes Classics, présidée par Martin Scorsese, projettera cette année des films d'Antonioni, Leone, Ivens, Visconti,Godard… Enfin, il faut saluer le désir très louable du festival de Cannes de marquer cette 62e session par un hommage à Federico Fellini pour les 50 ans de La Dolce Vita (palme d'or 1960). Voyage d'un demi-siècle en arrière de la carrière d'un réfractaire à tout conformisme.