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Procès BNA et Achour Abderrahmane : Révélations sur un hold-up bien déguisé
Publié dans El Watan le 18 - 06 - 2009

Ouvert dès 9h30, le procès a connu une journée particulière pleine de révélations. D'abord celles faites par Moaici Mustapha, le chauffeur de Aïnouche Rabah, associé de Achour dans la société National A+ dont il est le patron. L'accusé se présente comme le chauffeur qui accompagnait, au début, la secrétaire de Achour Abderrahmane, puis l'épouse et les enfants de Aïnouche, son patron direct.
Ce dernier l'envoie souvent encaisser les bons de caisse ou pour procéder à des achats de voitures. Il déclare que c'est sa belle-sœur, exerçant à la BNA, qui lui a trouvé l'emploi, confirmant qu'en 2004, alors qu'il exerçait à National A+, il était toujours déclaré par une autre société de Achour, Scorpio. Considéré comme étant l'homme de confiance de Aïnouche, l'accusé ne veut cependant pas se montrer aussi informé que lors de l'instruction, lorsqu'il a fait des révélations sur son patron. Le président veut à tout prix lui arracher des informations, mais il n'a qu'une seule réponse : « C'est ce que tout le monde dit. » Le juge l'interroge sur plusieurs véhicules : 407, 406, 307, C3, Kangoo, Clio, etc., qu'il aurait acheté pour des personnes avec l'argent retiré de la banque avec des bons de caisse anonymes. « Il me donnait les bons de commande des véhicules à acheter, j'exécutais. Il m'a remis deux fois des bons de caisse, l'un de 10 millions de dinars et l'autre de 3 millions de dinars, que j'ai retirés. C'est mon directeur », dit-il. Le magistrat lui demande à quel nom a été acheté la 307. « D'une femme », répond l'accusé.
« Et la C3, la 407 et la Kangoo ? », lui lance-t-il. Le chauffeur affirme ne pas s'en rappeler. Il explique néanmoins que la Clio verte était celle de Mezghari Akila, l'intérim de Aïnouche, qui l'a achetée avec son propre argent. Mais il a fini par préciser que la 407 a été achetée au nom de Achour Abderrahmane. Le juge lui rappelle les propos tenus devant le magistrat instructeur. « Vous avez dit que Aïnouche vous avait appelé du Maroc pour vous demander de dire aux services de sécurité qu'il était en France… » L'accusé nie. Le juge revient sur les bons de caisse. « Lorsque quelqu'un vous donne des bons de caisse pour les encaisser, cela représente quoi pour vous ? » L'accusé : « La grande confiance… » « Sous quels noms ont été achetées les 307 et la 306 ? » Moaici : « Des noms de femmes. » Le magistrat précise : « Des jeunes filles » et l'accusé rétorque : « C'est ce que disent les gens. » L'accusé dément être au courant de la relation qui existe entre son directeur et sa secrétaire, précisant toutefois avoir entendu dire qu'elle était sa copine et qu'elle avait été promue du poste de femme de ménage à celui de secrétaire. Sur les biens de son patron, le chauffeur révèle qu'il a deux villas, une à Tamentefoust, l'autre à Aïn Naâdja, un 4X4 de type Nissan X-Trail et qu'il aurait acheté un local commercial à Kouba, pour 4,5 millions de dinars, une Kangoo et une C4. Il cite les noms de sociétés de Achour : Mamouna, Transport bleu, Miriam, Taxi minute, une société de béton et National A+. « Pendant les deux ans où vous avez exercé, avez-vous une seule fois été sur un chantier de ces sociétés ? », lui demande le procureur général. « Non, jamais », dit-il. Vers 11h30, Mme Mezeghrari Akila, directrice par intérim de l'agence BNA de Bouzaréah, est appelée à la barre. Licenciée en langues, la cinquantaine dépassée, elle est chargée de la gestion de l'administration. Mais elle affirme d'emblée qu'en tout et pour tout, elle n'a remplacé son directeur (Timidjar, actuellement en fuite) que durant une période n'excédant pas 35 jours. Elle affirme que Achour Abderrahmane est venu à l'agence entre 2000 et 2001 et qu'il a été présenté par son directeur comme étant un client « très solvable et important ».
« Nous le payons sans l'avis de sort pour éviter la bureaucratie bancaire »
Il venait 3 à 4 fois par semaine remettre des chèques d'une valeur de 200 000 DA et jusqu'à 200 millions de dinars. « Il avait son compte à notre niveau et ceux de ses sociétés étaient domiciliés à l'agence BNA de Cherchell. Les chèques concernaient surtout la société Mamouna », déclare l'accusée, expliquant qu'elle procédait souvent au virement au compte de National A + sans attendre la réponse de l'avis de sort de Cherchell « pour éviter les lenteurs bancaires ». Le juge lui demande : « Mais l'agence de Cherchell vous renvoie le chèque sans vous dire s'il faut le payer ou non ? alors que le compte de Mamouna est vide. » L'accusée : « Parfois, il revient avec la mention payé et parfois sans rien. » Le juge lui rappelle qu'elle a reconnu que cette pratique est illégale, précisant à ce titre qu'elle s'est poursuivie même après la clôture du compte de la société Mamouna. Elle revient à la charge. « Même si l'avis de sort ne vient pas, j'envoie un fax pour demander les suites à donner et le chèque part avec une pièce comptable. » Le président : « Mais l'argent a déjà été crédité à la société de Achour. » L'accusée : « Dans ce cas, je mets le chèque en valeur égarée jusqu'à ce que le client procède à sa régularisation. » Le magistrat : « Cela n'a jamais été le cas. C'était une manière de couvrir l'opération qui consiste à créditer le compte de Achour avec l'argent de la banque… » L'accusée révèle que Achour présentait jusqu'à 15 chèques par jour, mais il n'était pas le seul. L'agence, précise-t-elle, a de nombreux clients, y compris ceux qui ont servi au remboursement des clients de Khalifa. « Le volume de travail était énorme et pour faciliter les opérations aux clients, notamment importants », se défend-elle. Le magistrat : « Saviez-vous qu'il n'avait pas de garantie ? »
Très affectée, l'accusée lance : « Il nous a été présenté par notre directeur comme solvable et important, comment pourrais-je le savoir ? Je me suis retrouvée comme Pépino avec un silence radio assourdissant de mes responsables. » Elle affirme n'avoir pas été mise au courant de la clôture du compte de Mamouna, elle précise qu'au début, Achour venait avec Ainouche à l'agence voir le directeur, mais après c'était Amari Mohamed, chef de l'exploitation, qui venait avec lui. Akila dément avoir eu en cadeau de Ainouche la Clio qu'elle conduit, affirmant l'avoir achetée avec son propre argent. Elle a connu la secrétaire de Achour par le biais de sa mère qui lui a fait les gâteaux servis à la fête du mariage de son fils. « Pourquoi donnez-vous l'argent à la secrétaire de Ainouche pour qu'elle le remette au chauffeur pour l'acheter ? » Elle répond : « C'est mon argent, mais je lui ai fait confiance et elle m'a eue. » Le juge lui rétorque : « Comme vous avez fait confiance pour les chèques… » Le procureur général tente de comprendre la procédure avec laquelle le compte de National+ était crédité en débitant le compte caisse de l'agence, puisque l'avis de sort n'arrive souvent pas ou revient sans aucune mention. « Procéder à l'encaissement avant le retour de l'avis de sort est une pratique que j'ai trouvée et qui était utilisée pour les clients solvables. De plus, il y a eu des avis de sort retournés de Cherchell qui comportaient la mention payé », déclare-t-elle. Elle refuse de répondre à la question de savoir s'il y avait des clients qui alimentaient le compte de National+. « C'est une pratique illégale, mais ce sont les ordres des responsables. »
Après plus de trois heures d'audition, c'est à son collègue Medjadji Omar, chef de section à Bouzaréah, de passer à la barre. Chargé du service portefeuille depuis 1998, il explique que sa fonction consiste à compter les chèques barrés, à les remettre en fin de journée à son directeur et à les reprendre le lendemain avec les suites à donner. « Je prends les chèques des clients, dont Achour, je les mets à encaissement, je transmets l'avis de sort et j'attends les consignes, qui sont de créditer. Je ne fais qu'exécuter les ordres de mon directeur », ne cesse-t-il de répéter. Il explique qu'il recevait de 8 à 15 chèques par jour, pour une valeur de 25 à 35 millions de dinars. « Je les mets en compte interne, puis j'envoie à Cherchell un avis de sort et je le paie avant le retour de la réponse. C'est illégal comme pratique… » Le juge : « Pourquoi alors le faire ? » L'accusé : « Posez cette question à mon responsable. Moi je n'ai fait qu'exécuter les ordres de Timidjar et après, durant l'intérim, de Akila. » Il confirme que les avis de sort ne reviennent pas, que les chèques sont renvoyés sans aucune mention ou pièce comptable, mais l'encaissement est toujours effectué sur ordre de ses responsables ; il ajoute : « J'exécute les ordres de mes chefs. Ce sont eux qui connaissent les lois. » Le président appelle l'avocat de la partie civile (BNA), en soupirant : « Pauvre argent public…Avez-vous des questions à poser ? » L'avocat répond par la négative.
Le procureur général revient à la charge et demande à l'accusé de lui expliquer ce qu'il fait avec Achour ou sa société. « Il n'était pas payé cash. Il déposait ses chèques barrés au nom de National A+, pour un mouvement de son autre société Mamouna, domiciliée à la BNA de Cherchell. C'est un virement de compte à compte. Le chèque part à Cherchell par la messagerie. J'ai eu des avis de sort payés et impayés. Je les transmettais au directeur et il me disait à chaque fois de les renvoyer à l'agence de Cherchell… » Le procureur lui demande la suite de la chaîne et l'accusé répond : « Ma mission s'arrête à ce niveau. » Le magistrat : « A ce niveau parce que les chèques font des va-et-vient en tirs croisés, entre Cherchell et Bouzaréah, jusqu'à ce que le montant crédité aux comptes de Achour atteigne la somme de 21 milliards de dinars. » L'accusé : « J'exécute les ordres. Cela me dépasse. Je suis un banquier et non un responsable. Ce sont eux les responsables, pas moi. » A ce moment-là, les avocats de Achour Abderrahmane exigent du tribunal les 1642 chèques objets de la plainte et qui, selon eux, ne sont pas dans le dossier. « Ce sont des pièces à conviction qui ne nous ont jamais été remises. Nous voulons les voir, puisque l'expertise dit qu'il y a même un chèque scanné d'une valeur de 90 millions de dinars », déclarent maîtres Chaïb, Ksentini et Mouda, composant la défense de Achour Abderrahmane. Le président leur dit : « Depuis plus de 5 ans vous êtes constitués, c'est maintenant que vous voulez que j'ouvre ces kilos de documents pour vous les remettre ? Où étiez-vous avant ? » Il se tourne vers l'accusé et lui demande pourquoi n'a-t-il pas alerté sur ces pratiques et, encore une fois, il répond : « Ma responsabilité est limitée. Je ne faisais que remettre les chèques aux responsables et j'exécutais leurs ordres. »
Belmiloud, directeur de l'agence de Cherchell, passe à la barre. Le juge lui fait savoir qu'il a pris 4 millions de dinars en deux parties. Il reconnaît avoir reçu 2 millions de dinars pour l'achat d'un appartement à Dély Ibrahim, mais a nié l'autre partie qui a été remise à son fils, rejetant tout lien avec cette transaction. Il déclare, à propos de Achour Abderrahmane, qu'il lui a été présenté par le directeur régional de la BNA, Dahmani, comme étant un gros client, capable d'aider l'agence. A ce titre, Achour a ouvert 8 comptes aux noms de ses 8 sociétés. Le procureur général lui impute la dilapidation des 21 milliards de dinars en permettant d'encaisser 1900 chèques sans provision. Un nombre que l'accusé réfute en affirmant qu'il y en a plus exactement une dizaine. Le procureur lui demande pourquoi n'avoir pas clôturé les comptes concernés par les chèques sans provision. « C'est votre successeur qui a opéré la clôture des comptes, après avoir constaté les irrégularités », lance le président. Les avocats de l'accusé dénoncent les questions du procureur général à propos des biens de leur client, du fait qu'il n'est pas poursuivi pour corruption. Aujourd'hui, cinq accusés passeront à la barre : l'ex-PDG de la BNA, le directeur de l'agence de Koléa, le chef adjoint de ce dernier, l'inspecteur général et le chargé d'exploitation.


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