La défense des cadres dirigeants de la BNA récuse la négligence et plaide l'innocence. Elle fait état d'un système d'information dangereux qui permet et couvre les opérations frauduleuses, rendant tout contrôle inefficace en cas de complicité. Elle soulève des contradictions dans l'expertise judiciaire et s'étonne du non-lieu dont ont bénéficié le directeur de l'agence de Koléa et celui de l'informatique. Les avocats de l'ancien PDG de la BNA, Mourad Chikhi, et ceux de l'ex-inspecteur général, Nedir Mohamed, et des deux commissaires aux comptes, Abed Abdelmadjid et Boukort Larbi, poursuivis pour négligence ayant engendré la dilapidation de deniers publics, ont tous plaidé l'acquittement. La stratégie de la défense repose sur deux éléments : l'ignorance des faits par les accusés, mais aussi le fait que les opérations frauduleuses aient été dissimulées par les responsables des agences et de la direction régionale. La défense de Chikhi, composée de maîtres Assoul, Guious et Bachi, revient sur le contexte dans lequel a été désigné, en 2001, l'ex-PDG de la BNA et aussi sur la situation très difficile que cette banque traversait. Maître Assoul explique que la première mesure prise par Chikhi avait été le déclenchement d'un audit qui a permis de mettre en exergue de graves défaillances qui mettaient en danger l'établissement. Il s'agit, selon l'avocate, d'un système informatique archaïque, du problème des liaisons siège en suspens et de l'absence de contrôle interne au niveau des agences. « Sur demande des commissaires aux comptes, il a tout de suite pris les mesures qui consistent en la désignation d'un agent de contrôle dans chacune des 173 agences réparties sur le territoire national ainsi que l'inscription de deux promotions de banquiers au niveau de l'école de banque », révèle l'avocate. Selon elle, les méthodes « diaboliques » utilisées par les auteurs de cette dilapidation ne pouvaient être connues par son mandant. Elle rappelle le contenu de l'expertise qui responsabilise les directeurs des agences et le PDG. Les mêmes propos sont tenus par Me Guious, qui s'interroge sur la décision de non-lieu dont ont bénéficié le directeur de l'agence de Koléa – d'où l'argent sortait – et le directeur de l'informatique – qui aurait pu déceler les anomalies. L'avocat estime que le PDG ne peut être au courant de ce qui se passe dans les agences si ceux censés assurer le contrôle n'attirent pas son attention. Il fait remarquer que ces opérations se sont poursuivies même après le départ de Chikhi, en septembre 2005, durant la gestion de son successeur, Benbouzid (qui assurait le poste de secrétaire général). « Elles ont certes été bloquées, mais dans ce cas pourquoi ne pas avoir incriminé le PDG de l'époque ? Je le dis parce que tout autant que son successeur, Chikhi a été victime de ses opérations », note-t-il. A ce moment-là, Me Kobtan, pris d'un malaise, s'affaisse sur le sol. L'audience est interrompue. Les policiers accourent. L'avocat respire mal. Il faut plus de 20 minutes pour que le Samu soit contacté. Entre temps, des avocats et des policiers l'évacuent de la salle d'audience. Il sera pris en charge par le Samu. L'audience reprend. Me Bachi précise que l'ancien PDG de la BNA aurait pris les décisions qu'il faut s'il avait été informé. Pour toutes ces raisons, les trois avocats demandent l'acquittement de l'accusé. Pour sa part, la défense des trois experts aux comptes, Maîtres Boukort, Kerkab et Bernaoui s'étonnent des contradictions du parquet général qui a requis 3 ans de réclusion contre l'ex-PDG « pour n'avoir pas réagi aux rapports des commissaires aux comptes » et d'un autre côté, « demande la même peine à ces derniers pour n'avoir pas fait de rapport ». Me Boukort affirme que les deux accusés ont fait leur travail en temps opportun et attiré l'attention du PDG, du conseil d'administration, de l'assemblée générale et de l'inspecteur général sur les dysfonctionnements, notamment un système informatique qualifié de « dangereux du fait qu'il permet et couvre les opérations frauduleuses, rendant tout contrôle inefficace en cas de complicité ». Il rappelle que même l'expertise établie par le bureau américain Ernest Young, payée en devises, est arrivée à la même conclusion. Des conclusions, ajoute Me Bernaoui, qui ont également permis l'extradition de Achour Abderrahmane du Maroc puisque c'est après les avoir reçues que la Cour suprême a statué sur son retour au pays. Les trois avocats demandent à ce titre l'acquittement pour les accusés. Maître Benkara, avocat de Nedir Mohamed, l'ex-inspecteur général, accuse lui aussi les responsables qui ont dissimulé les opérations frauduleuses. Il dément les propos du directeur régional de Blida, Regabi, cité en tant que témoin, selon lesquels l'accusé lui aurait demandé de contrôler les comptes de Achour domiciliés à Aïn Benian en lui donnant le nom de Natur Plus au lieu de National A+ pour l'induire en erreur. Il tente de remettre en question tout le témoignage de Regabi, se demandant pourquoi ce dernier, qui dit avoir décelé des anomalies dans les comptes de Achour, a envoyé un rapport à sa direction de Zighout Youcef, faisant état d'une bonne situation. « Est-ce un règlement de comptes ? », lance-t-il à l'adresse du tribunal, déclarant avoir les documents qui prouvent ses propos. Il affirme que la mention « confidentiel » portée sur document remis à Regabi n'a pas été écrite de la main de Nedir Mohamed, mais par celle de Djebari, alors intérimaire. « Les éléments constitutifs de la négligence ne sont donc pas réunis. Nedir n'a jamais été informé de ces opérations par ses subordonnés. Il ne peut être tenu pour responsable. Il mérite l'acquittement », dit-il. Plaidant pour le compte de Zedam Mohamed Amine, accusé de complicité à dilapidation, Me Chourar regrette que le procureur général, qui n'a consacré à son mandant que 65 secondes, ait requis à son encontre 10 ans de réclusion. « Pourtant, Zedam n'a été cité par personne. Il détient un document délivré par l'agence de Aïn Benian qui atteste que sa société, Halla, dont le compte a été clôturé le 22 février 2005, n'a aucun contentieux avec la banque », déclare l'avocat, avant de faire remarquer que l'accusé ne peut être responsable des agissements de Achour auquel il a signé une procuration pour gérer le compte de la société Hala. De ce fait, il demande l'acquittement. Maître Ouali Nacéra, pour sa part, relève que son client, Moaici, chauffeur de Aïnouche, contre lequel une peine de 20 ans de réclusion a été requise, n'a absolument rien fait. « Il était le pauvre bougre qui exécutait les ordres de son patron. Il a reconnu avoir été à la banque pour retirer des bons de caisse anonymes, mais que sait-il des bons de caisse ? Comment peut-il connaître ce que faisait son patron ? », déclare l'avocate, qui demande que son client soit innocenté. Me Khemkhem, avocat de Samir Tamrabet, préfère créer le doute dans l'esprit du tribunal en ce qui concerne quelques aspects de l'expertise judiciaire. Il s'étonne de ce que les experts puissent responsabiliser le service comptabilité alors qu'ils ne se sont pas déplacés sur les lieux. Mieux, dit-il, les experts pointent du doigt « le compte enregistré sous le chapitre encaissement (015), alors que c'est celui des liaisons siège où ont été cachées les écritures ». Il conteste également le témoignage de Regabi, eu égard au fait qu'« il avait établi un rapport dans lequel il déclare les comptes des sociétés de Achour en parfaite santé ». Maître Laâmouri, avocat de Louati Malika, l'épouse de Rabah Aïnouche, accusée d'association de malfaiteurs et de complicité dans la dilapidation de deniers publics, contre laquelle une peine de 10 ans de réclusion a été requise, se montre très succint et tente, par ses propos, de convaincre le tribunal de l'irrecevabilité des faits reprochés à sa cliente. Il souligne que cette mère de trois enfants ne peut être tenue responsable de ce que faisait son mari ou de ce que font les autres. « Femme au foyer, elle s'occupe de ses enfants, n'a aucune relation avec la société Transport Bleu et ne possède aucun compte à son nom. Mieux, aucun des accusés ni l'expertise n'ont affirmé qu'elle a pris de l'argent », dit-il, avant de s'attaquer à l'argumentaire présenté par le procureur général auteur d'un « si sévère » réquisitoire. Il déclare que sa cliente n'a qu'une petite maison de quatre pièces à La Perouse et une carcasse que son frère, qui était en instance de divorce, a mise à son nom pour éviter des problèmes avec son épouse. « Oui elle n'a pas de machine à laver ni de villa en face de l'hôpital de Rouiba. Si elle voulait prendre l'argent, elle aurait ouvert des comptes à son nom », lance l'avocat avant de clamer son innocence. Les plaidoiries se sont poursuivies très tard dans la soirée et se termineront aujourd'hui avec celle de Achour Abderrahmane.