– Quelle lecture faites-vous de la circulaire ministérielle concernant l'autorisation d'installation des officines ? Une circulaire ministérielle vient d'être publiée et qui remet en cause le fait que le conseil de l'Ordre refuserait l'inscription à certains pharmaciens pour l'installation des officines. Elle exige aux différents DSP de passer outre les décisions des sections ordinales régionales (SOR). Ce qui en contradiction avec le décret exécutif 92-276 permettant à l'Ordre de contrôler l'accès à la profession de pharmaciens d'officine. Cette circulaire ne fait qu'avaliser aux DSP de faire fi de l'inscription, et cela veut dire violer le code de déontologie médicale. Le ministre fait prendre aux pharmaciens le risque de se retrouver devant le tribunal ! Ce qui ne sera pas le cas du DSP ou du ministre. Certains directeurs de la santé (DSP) transgressent une disposition de l'arrêté de 2005 qui fixe les conditions d'ouverture des pharmacies d'officine, à savoir 200 m entre deux officines et une pharmacie pour 5000 habitants. Il y a une circulaire qui a complété cet arrêté et qui définit l'octroi d'autorisation uniquement dans les zones enclavées qui ont besoin de pharmacie. Certains directeurs de la santé dérogent à un certain nombre de critères, ils violent la réglementation en vigueur. Les ordres régionaux, devant cet état de fait paradoxal, puisque l'administration doit appliquer l'arrêté ministériel, refusent l'inscription de certains pharmaciens et saisissent régulièrement le ministère, expliquant que certains DSP violent la réglementation, notamment à Tipaza, Boumerdès, Oran et dans d'autres wilayas du pays. Alors qu'il y a de nombreuses villes dépourvues de pharmacies ! L'Ordre ne s'oppose pas à l'administration, car nous ne sommes pas un syndicat. On s'oppose à l'exercice illégal, aux décisions non réglementaires de l'administration. Curieusement, on veut mettre à l'écart le Conseil de l'ordre qui veille à l'application de la réglementation. – Avez-vous contesté cette décision ? Nous avons demandé au ministre de la Santé de travailler en collaboration avec l'Ordre pour pallier ce problème, mais nos demandes sont restées lettre morte. Nous n'avons pas pu avoir de réunion avec les instances concernées pour exposer le problème. L'ordre se doit de poursuivre le pharmacien non inscrit au tableau pour exercice illégal de la pharmacie. Au moment où l'on s'apprêtait à le faire, le ministre met en place une circulaire qui demande aux DSP d'installer les pharmaciens et de se passer de l'inscription de la section ordinale. Cela nous a contraints à dénoncer ce dépassement. Par ailleurs, nous allons faire les démarches nécessaires pour essayer de régler le problème par les voies habituelles avant d'aller à des procédures contentieuses. Nous nous adresserons au Premier ministre et, s'il le faut, nous saisirons la justice. Mais on espère ne pas en arriver là et solutionner le problème sans litige. – Pensez-vous que le Conseil de l'Ordre dérange certaines parties ? Depuis les élections internes de 2006, et alors que l'ordre a atteint une certaine maturité et une large représentativité, et que le président de la République rappelle régulièrement l'importance de la déontologie pour les professions médicales, nous ne sommes paradoxalement plus consultés par le ministère de la Santé, alors que la loi stipule qu'on doit être consultés. Certains cadres du ministère n'appliquent pas la loi. Pis encore, on nous considère comme une administration concurrente et non comme une institution qui peut apporter de l'aide au ministère. Il y a ce zèle inexplicable depuis au moins 3 ans. On aurait pu mieux avancer dans les chapitres sur lesquels l'Ordre aurait pu intervenir. Par ailleurs, je précise que l'Ordre tient à remédier à certaines défaillances que le ministère n'a toujours pas prises en considération telles que la traçabilité du médicament, la gestion des psychotropes, l'application de la bonne pratique à la fois dans l'industrie pharmaceutique, dans la distribution, dans les laboratoires d'analyse et dans les officines. – Comment expliquez-vous ce «zèle» ? Le problème perdure depuis plusieurs années, on ne nous a jamais consultés, malgré les nombreux courriers que nous avons adressés au ministère, malgré les violations répétées par certains DSP. Nous demandons au ministre qui, à mon avis, a été très mal informé et conseillé, d'associer le conseil de l'ordre des pharmaciens dans la prise de décision. Derrière cette circulaire citée plus haut, on remet en cause l'existence de l'Ordre qui veille sur l'application de la réglementation. – Hormis le problème de l'autorisation d'ouverture d'officines, quels sont les autres problèmes que vous avez signalés ? Le premier facteur qui nuit à l'exercice de la pharmacie, c'est la location des diplômes. Le premier combat de l'ordre est celui contre l'exercice illégal de la pharmacie sous toutes ses formes. Selon la loi, seul un pharmacien peut tenir une pharmacie, il ne peut même pas s'associer et encore moins louer son diplôme. Mais sur le terrain, on a constaté une anarchie qui prend de plus en plus de l'ampleur. Le meilleur exemple illustrant ce dépassement ce sont les pharmacies de l'entreprise publique de distribution de médicaments, Endimed, où l'on enregistre 1000 pharmacies tenues par des non pharmaciens. Est-ce qu'on peut admettre des cabinets médicaux sans médecins ? Comment peut-on admettre que la majorité des pharmacies soit sans pharmaciens ? Qui est responsable de la gestion des psychotropes dans les officines ? Qui est responsable des ordonnances délivrées par les médecins ? Nous dénonçons cet état de fait depuis très longtemps dans les secteurs public et privé. En vain ! – Y a-t-il une inspection après l'octroi des autorisations ? Le corps des pharmaciens inspecteurs est quasiment inexistant. Nous avons chargé des praticiens inspecteurs pour l'inspection des pharmacies, mais malheureusement ces inspecteurs saisissent très rarement l'Ordre pour qu'on puisse juger la faute professionnelle. Pire, pour les psychotropes, depuis 2005, on attend un arrêté pour les gérer, mais le dossier ne semble pas une priorité pour le ministère. Il n'y a toujours pas de bonnes pratiques pour les officines, pour la pharmacie hospitalière. Il faut mettre des normes dans ce secteur, car il ne faut pas considérer le médicament comme un produit commercial. La pharmacie est un exercice médical. Il y a un vide juridique dans le secteur pharmaceutique algérien. Le mieux est que toutes les parties concernées soient associées. Il faudrait qu'on arrive à un niveau d'intégration de notre politique du médicament qui permette d'intégrer le processus décisionnel appartenant au ministère de la Santé à celui de la collaboration de l'ordre et d'encadrer la profession à travers les conseils que nous pouvons donner mais aussi à travers les décisions qu'on prend en termes disciplinaires. La déontologie n'est toujours pas appliquée par le ministère de la Santé. |Bio express| |Djamel Abderahmane Lotfi Benbahmed est pharmacien diplômé de l'université d'Alger en 1991. Il a occupé différents postes, pharmacien d'officine de 1992 à 1996 puis directeur technique d'une entreprise de distribution de produits pharmaceutiques. Elu à la Section ordinale régionale (SOR) de 1996 jusqu'à aujourd'hui, il a été à la tête du Comité d'organisation des rencontres internationales de pharmacie d'Alger. M. Benbahmed a publié de nombreux articles dans la presse spécialisée et la presse quotidienne et présenté plusieurs conférences de presse en Algérie, au Maghreb et en Europe.|