La commission électorale irakienne avance péniblement dans son dépouillement des bulletins de vote et, d'ores et déjà, certaines formations politiques, autant dire des communautés parties, dimanche dernier à l'assaut du pouvoir, revendiquent la victoire. C'est le cas des chiites et des Kurdes, mais aussi des sunnites qui ont boycotté le vote. Cela confirme aussi toutes les appréhensions apparues au soir de la chute de l'ancien régime irakien, et à cette date déjà, l'Irak apparaissait comme un pays fortement divisé, et qu'en tout état de cause, il ne serait plus maître de son destin. Très officiellement, la liste chiite qui a bénéficié de l'appui du grand ayatollah Ali Sistani arrive en tête des élections de dimanche en Irak après un dépouillement partiel des bulletins de vote, mais les Kurdes annonçaient jeudi qu'ils briguaient des postes clés à la tête de l'Etat. Alors que les chiites, majoritaires, sont donnés gagnants, les Kurdes pourraient former la deuxième force politique, au vu de la participation massive de leurs électeurs. « Je suis le candidat de la liste démocratique kurde à l'un des deux postes de souveraineté (président ou Premier ministre) », a dit le leader kurde Jalal Talabani après une réunion avec son allié Massoud Barzani et le vice-Premier ministre Barham Saleh, dirigeant de son parti, à Salaheddine, à 375 km au nord de Baghdad. Les chefs kurdes ont également fait du rattachement au Kurdistan de la ville pétrolière de Kirkouk, arabisée sous le régime déchu de Saddam Hussein, une condition à la conclusion de toute alliance avec des formations non kurdes. MM. Talabani et Barzani, chefs respectifs des deux partis dominants du nord de l'Irak, l'Union patriotique du Kurdistan (UPK) et le Parti démocratique du Kurdistan (PDK), ont formé une alliance pour les élections législatives sous le nom de la Liste démocratique kurde. Ces partis sont donnés gagnants du scrutin dans la région kurde autonome, où les électeurs ont également voté pour désigner les membres des Conseils des trois provinces et ceux d'un Parlement autonome de 111 sièges. Les Kurdes revendiquent, en outre, la ville pétrolière de Kirkouk, située au sud de leur zone autonome, en affirmant que l'ancien régime avait chassé une bonne partie de la population kurde de la cité pour y installer des Arabes. Depuis le renversement de Saddam Hussein en avril 2003, le schéma à la tête de l'Etat a respecté l'équilibre consistant à confier la présidence à un sunnite et le poste de Premier ministre à un chiite alors que celui de vice-Premier ministre revenait à un Kurde. Les Kurdes constituent entre 15 et 20% de la population, les chiites environ 60% et les Arabes sunnites entre 20 et 25%. Il reste que ce « nous avons gagné », entonné avec force par des différents groupes éthniques ou politiques, apparaissait déjà comme une menace. Et depuis jeudi, apparait une certaine crispation qui rendrait dérisoire l'illusion du vote démocratique, les jeux étant déjà faits apparemment. A quoi obéit alors cette intransigeance ?