ArcelorMittal El Hadjar s'adonne-t-elle à des opérations de fuite de capitaux déguisées ? L'on serait tenté de répondre par l'affirmative si l'on se fie aux déclarations de Smaïl Kouadria – porte-parole des travailleurs de l'usine et chef de file du groupe chargé de la négociation socioprofessionnelle avec l'employeur mercredi dernier – lors d'un point de presse organisé jeudi après-midi au sein du complexe. Un véritable pavé que Smaïl Kouadria a lancé dans la mare du nouveau directeur général, Vincent Legouic. Documents à l'appui, le syndicaliste a étayé ses déclarations en affirmant que « ArcelorMittal a importé, durant 2008, 45 000 tonnes de billettes – un produit sidérurgique semi-fini – depuis ses usines de Galati (Roumanie) et Hambourg (Allemagne) dont le prix varie entre 500 et 690 dollars la tonne. Produite à l'usine d'El Hadjar, la tonne du même produit revient à 450 dollars. Soit une perte sèche totale de 6 millions de dollars pour l'usine et un important transfert de capitaux en Europe pour l'Indien car toutes les usines lui appartiennent. » Cette manière déguisée de transférer des capitaux que l'actionnaire Sider (30%) n'a pas dénoncé, selon la même source, est une des raisons qui a fait aboutir à un compromis avant le préavis de grève fixé pour le 6 juillet prochain à 5h. L'employeur, qui justifie son refus de répondre favorablement aux 11 revendications des 7200 travailleurs par la crise mondiale qui frappe de plein fouet son groupe, a cédé une « miette » de 5% d'augmentation qui sera effective à partir du mois en cours et 5% à partir de juillet 2010, conditionnée par une compression d'effectifs de 1500 travailleurs échelonnée sur une année. Ce qui a été refusé catégoriquement par les représentants des travailleurs. Un prétexte qui a été battu en brèche par le partenaire social, avançant des chiffres officiels qui ne prêtent à aucune équivoque. Selon toujours Smaïl Kouadria, ArcelorMittal a importé, en 2007 et 2008, depuis ses usines d'Ukraine et d'Europe, 435 407 tonnes de rond à béton et de fil machine à raison de 600 dollars la tonne (soit 4200 DA/t) qu'elle a écoulé à travers notre usine sur le marché algérien. Avec une moyenne 9500 DA/t, c'est-à-dire une marge bénéficiaire de 5300 DA/t, ArcelorMittal a engrangé des bénéfices estimés à 230 milliards de centimes représentant 9 mois de salaires pour les 7200 travailleurs du complexe. Cela démontre on ne peut mieux que les caisses du complexe sont renflouées. Dans sa « plaidoirie », le représentant des sidérurgistes ne s'est pas arrêté en si bon chemin. Il a évoqué son adhésion à l'opération de rationalisation des dépenses de l'usine qui, selon lui, a permis de faire gagner au complexe, en l'espace de quelques mois, plus de 80 milliards de centimes. « A ce combat, il faut associer la dénonciation de 3 entreprises qui causaient des pertes sèches estimées en centaines de milliards au complexe, en l'occurrence les entreprises Shrée, GSW, EFES, sans citer celle en cours d'instruction judiciaire de Fellah Hacène, actuellement sous les verrous. C'est une guerre d'intérêts sans merci dont le mérite revient aux travailleurs qui ne demandent que la satisfaction de leurs revendications », a conclu M. Kouadria avant de reprendre les négociations avec Vincent Legouic. Contacté, ce dernier n'a pas voulu coopérer avec la presse. « Il est occupé par le suivi des négociations », nous a expliqué un préposé au poste de garde.