C'est un constat peu reluisant que celui dressé hier par le directeur des assurances au ministère des Finances, Hadj Mohamed Seba, à propos de l'état du secteur national des assurances dont il faut souligner la libéralisation depuis 1995. Manque de transparence, baisse de profitabilité, concurrence axée essentiellement sur les prix, niveau de qualification limité, contrôle peu efficace, dominance de l'assurance non-vie dans les portefeuilles des compagnies... sont autant de carences relevées par le responsable qui estime que l'expérience de ces dix dernières années a été riche en enseignements et, par conséquent, le temps est venu pour mettre de l'ordre dans la profession. Une remise à l'ordre qui s'inscrit dans « la stratégie » du ministère des Finances avec pour objectif l'amélioration de « la solvabilité » et de la « profitabilité » du secteur des assurances. Pour cela, une nouvelle loi est en préparation révisant et modifiant l'ordonnance n°95-07 de janvier 1995, l'actuel cadre réglementaire de l'activité d'assurance en Algérie. L'avant-projet de cette loi a été présenté hier au Conseil national des assurances (CNA) par M. Seba en présence de plusieurs responsables de compagnies d'assurances publiques et privées. Le texte de loi annonce en fait un profond réaménagement du secteur tant sur le plan réglementaire qu'organisationnel. Il propose, selon le conférencier, « un certain nombre de dispositions de nature à créer les conditions d'un marché porté par une croissance réelle, une activité maîtrisée des risques contrôlés ». Le projet de loi préconise ainsi de répondre à trois principaux soucis : la stimulation de l'activité, la sécurité financière et la gouvernance des entreprises ainsi que la réorganisation de la supervision des assurances. Parmi les mesures prévues au titre de la stimulation de l'activité, on notera, entre autres, « l'élargissement du champ de l'assurance de groupe qui reste actuellement limitée au personnel de l'employeur souscripteur, aux autres groupes qui représentent une même communauté de risques (client par exemple) », « de doter l'assuré d'un pouvoir de renonciation à son contrat d'assurance-vie avec récupération des primes payées », « d'imposer à l'assureur une information complète et régulière de l'assuré sur le contenu de son contrat d'assurance-vie », et « la séparation juridique entre les assurances de personnes et les assurances dommages ». Conformément à cette dernière mesure, les nouvelles compagnies d'assurances, fait savoir M. Seba, « auront le choix de se spécialiser exclusivement dans un seul type d'assurance, soit l'assurance-vie, soit l'assurance personne, et ce pendant une période de 5 ans ». Au titre de la sécurité financière et la gouvernance des entreprises d'assurances, l'avant-projet de loi prévoit plusieurs nouvelle mesures. Parmi ces dernières, « l'exigence de la libération de la totalité du capital de la société d'assurance préalablement à son agrément ». Cette mesure vient remplacer celle de l'augmentation du capital des compagnies d'assurances prévue initialement dans la première mouture de l'avant-projet de loi qui, rappelle-t-on, avait suscité beaucoup de mécontentement de la part de certains opérateurs économiques versés dans le secteur. La nouvelle mesure (libéralisation de la totalité du capital) représente également, de l'avis d'un opérateur économique, une « contrainte au développement du marché national d'assurance ». Elle va, selon lui, « verrouiller davantage l'accès au marché ». Il est prévu aussi comme mesures « de conférer à l'autorité de supervision un droit d'information sur l'origine des fonds servant à la création de la société d'assurance », « de soumettre à l'agrément du ministère des Finances l'ouverture, en Algérie, des succursales et des bureaux de représentation des sociétés d'assurances et/ou de réassurance étrangères », « de réguler la participation des établissements bancaires et financiers dans le capital des sociétés d'assurance », « de soumettre à l'accord préalable de l'autorité de supervision la désignation des administrateurs et du dirigeant de la société d'assurance », « de conférer à l'autorité de supervision le pouvoir de nommer, en cas de nécessité, un administrateur provisoire pour la préservation des intérêts des assurés », « d'instituer un fonds de garantie des sociétés d'assurance, à financer par les sociétés d'assurances et/ou de réassurance agréées, à raison d'un taux qui ne saurait dépasser un taux de 1% des primes émises, nettes d'annulation »... Au chapitre de la réorganisation de la supervision des assurances, il est prévu la création d'une « agence de supervision » du secteur des assurances en Algérie dotée d'un « statut spécifique » et d'une « autonomie financière ». Notons enfin que le processus de l'adoption de cet avant-projet sera étalé tout au long de l'année en cours, d'après M. Seba.