La faiblesse persistante du dollar incite les constructeurs automobiles européens à produire davantage aux Etats-Unis ou en Amérique latine. « Si vous exportez des voitures d'Europe vers les Etats-Unis, les effets de changes ont dû vous donner de sacrées aigreurs d'estomac l'an dernier », a ironisé le directeur financier de General Motors, John Devine, lors du salon automobile de Détroit. Le patron de Daimler-Chrysler, Dieter Zetsche, a confirmé que « la compétitivité des importations de véhicules aux Etats-Unis est affectée par la faiblesse du dollar, de sorte que les Européens ont moins d'impact sur nous que les Asiatiques ». Confrontés au déclin régulier du billet vert, qui renchérit leurs exportations vers leur plus gros marché extérieur et réduit leurs marges bénéficiaires, les groupes étrangers, surtout européens, pourraient accroître leur fabrication en zone dollar pour limiter l'effet de change. D'autant que plusieurs marques allemandes vont bénéficier de moindres couvertures de change en 2005 pour cause de fin de contrats, alors que l'euro se maintient au-dessus des 1,30 dollar, observent plusieurs analystes. « En augmentant leurs implantations dans la région, ces entreprises (étrangères) peuvent mieux s'adapter aux goûts américains tout en se protégeant des fluctuations monétaires », explique l'agence de notation Standard and Poor's dans une récente étude sur l'industrie automobile. Les constructeurs étrangers continuent d'accroître leur capacité de production dans des usines d'assemblage en Amérique du nord, notamment dans le sud du pays. Volkswagen, moins présent en Amérique du nord que les autres constructeurs allemands spécialisés dans le haut de gamme, prévoit de renforcer les délocalisations en zone dollar pour mieux se couvrir contre les variations de l'euro face au billet vert. « Il n'y a pas d'alternative » si l'on veut se protéger de la hausse de l'euro, considère son patron Bernd Pischetsrieder. VW souhaite notamment renforcer la production des nouveaux modèles sur ses sites au Mexique, où il fabrique notamment la Jetta et la New Beetle, mais aussi au Brésil. Le premier groupe automobile européen a déjà annoncé qu'il allait augmenter la production de son modèle bon marché Fox au Brésil : il compte en fabriquer l'an prochain 215 000 exemplaires, soit environ 20 000 de plus que cette année. L'allemand BMW envisagerait, pour sa part, de fabriquer son nouveau véhicule utilitaire aux Etats-Unis dans son usine de Spartanburg en Caroline du sud, où il produit déjà le cabriolet Z4 et le tout-terrain X5, rapporte la presse allemande. Avec un quart de sa production vendue sur le marché américain, soit 250 000 véhicules chaque année, il se trouve en effet très exposé à la chute du billet vert. « Il est impossible de négliger le dollar », a admis un porte-parole de BMW, Peik Bestenbostel, lors du salon de Detroit. Moins affectés que les européens par les variations de change, les Asiatiques continuent eux aussi à déplacer leur production pour les Etats-Unis vers des usines américaines. Le Coréen Hyundai ouvrira ainsi sa première usine sur le sol américain en Alabama en 2005, le Japonais Toyota sa sixième au Texas en 2006. Mais paradoxalement, cette délocalisation généralisée de la production fait que les Américains souffrent aussi de la baisse du billet vert. « Nous sommes une industrie mondiale. Nous achetons des composants en Europe, il y a beaucoup d'interdépendances », a expliqué de son côté, le vice-président du conseil d'administration de Ford, Nick Scheele.