Maintenant que le climat de sérénité est revenu après le règlement du différend ayant opposé des mois durant la direction générale au partenaire social, c'est à une autre mobilisation générale que sont appelés les 7200 travailleurs du complexe ArcelorMittal d'El Hadjar. Ils devront redoubler d'efforts pour relever un autre challenge : permettre à leur entreprise de regagner sa place de leader dans l'industrie sidérurgique nationale. Cet appel est nettement signifié par Vincent Le Gouic dans la lettre qu'il a adressée, ce jeudi, à l'ensemble des travailleurs et dans laquelle il promet de se conformer aux engagements pris dans l'accord collectif nouvellement conclu. Pour le PDG de la filiale algérienne du groupe indien ArcelorMittal, ledit accord servira de socle sur lequel il entend asseoir la nouvelle stratégie de développement des produits sidérurgiques dans un contexte global des plus difficiles. « Même si la crise financière puis économique n'a pas encore affecté le niveau de consommation d'acier en Algérie, les équilibres ont été profondément modifiés », relève-t-il. Selon lui, le niveau actuel des prix sur le marché international reflète la panique qui s'est emparée des sidérurgistes qui, se trouvant dans l'absolue nécessité de faire tourner leurs haut-fourneaux, sont obligés d'accepter le bradage de leurs produits. Partant, le marché algérien est soudainement devenu une destination pour « des opérateurs de court terme de solde », les Italiens et les Espagnols en particulier, indique M. Le Gouic. De telles pratiques se sont traduites par une baisse massive des prix appliqués en Algérie à des niveaux ne permettant pas à ArcelorMittal Annaba de préserver la profitabilité nécessaire à ses équilibres compte tenu de son niveau de compétitivité, ajoute-il. Un constat que partage Smaïl Kouadria, le secrétaire général par intérim du syndicat lorsqu'il fait savoir que sur les 500 000 tonnes d'acier actuellement disponibles sur le marché national, seuls 30% sont issus du complexe ArcelorMittal d'Annaba. L'importation du reste est assurée par une poignée d'opérateurs privés nationaux, ce qui a entraîné une intensification des pratiques anticoncurrentielles. Ainsi, la bataille de la compétitivité est déloyalement menée sur deux fronts : les produits longs destinés à la construction et les produits plats utilisés dans l'industrie. En ce qui concerne les produits longs (rond à béton et fil machine), M. Kouadria considère que la demande est particulièrement sensible aux oscillations cycliques conjoncturelles. Très forte, eu égard aux différents projets d'envergure en chantier, elle reflète en partie le rôle significatif joué par les intervenants à l'import et la concurrence déloyale qu'ils ont érigée en loi. « Les pouvoirs restent placides à ce qui se passe sur le marché. Sinon comment expliquer que l'équivalent ou plus de ce que nous produisons soit importé par une poignée d'opérateurs connus ? Où est cette protection de la production nationale qu'on prône à chaque discours officiel ? » s'interroge le porte-parole des 7200 travailleurs du complexe ArcelorMittal. Dans les points et dépôts de vente de ce dernier, la tonne est mise en vente au prix de 40 000 DA au moment où les prix appliqués par le privé s'établissent de 36 000 à 37 000 DA. Dans cette rude bataille, les sidérurgistes d'El Hadjar devront également confronter un nouveau concurrent et qui n'est autre que le groupe Transformation de produits longs (TPL), d'autant que celui-ci vient de bénéficier d'une dérogation spéciale de l'Etat pour pouvoir importer les produits longs (rond à béton et fil machine). Grâce à cette dérogation, de transformateur de produits longs qui s'approvisionnait exclusivement auprès d'ArcelorMittal El Hadjar pour la fabrication de treillis soudés, TPL s'est transformé en distributeur. C'est-à-dire que « de client, TPL s'est substitué en un redoutable concurrent », précise Smaïl Kouadria. Il impute, par ailleurs, la situation de mévente des produits longs de son usine à l'absence de garde-fous lors de la conclusion de l'accord d'association avec l'Union européenne. De 15% de TVA dont doit s'acquitter tout importateur de produits finis, ce taux est passé à seulement 5%. Ce qui a aiguisé les appétits de plus d'un, note-il. En ce qui concerne les produits plats, indique notre interlocuteur, la baisse de la demande sur le marché aussi bien national qu'international a conduit ArcelorMittal Annaba à opter pour les cahiers des charges, ce qui souligne encore la nécessité de disposer de commandes de production bien établies. Même si l'usine tourne actuellement à hauteur de 45% à 50% de ses capacités installées (2 millions de tonnes), le porte-parole des travailleurs demeure quand même optimiste quant à la reprise en main de la situation. Avec une moyenne de 2800 t de fonte liquide par jour, l'exercice 2009 sera clôturé par une production de l'ordre de 600 000 tonnes d'acier contre 680 000 t en 2008. Le pic de 1,5 million de tonnes réalisé durant les années 1980, du temps de Sider, restera gravé dans la mémoire des métallurgistes algériens. Aujourd'hui, il est un vœu pieux.