Pour beaucoup, l'arrestation, au début du mois, de 43 immigrants clandestins bangladais et indiens à la frontière sud du pays peut constituer un excellent objet de plaisanterie. Mais au-delà du caractère insolite de cette capture, la présence d'individus d'origine asiatique au Maghreb rend compte, à l'évidence, d'une aggravation du phénomène de l'immigration clandestine dans la région. Une approche purement sécuritaire de la « curieuse » capture des services algériens de sécurité donne aujourd'hui plus de crédit aux informations selon lesquelles les filières criminelles - spécialisées dans ce genre de « commerce » - qui avaient l'habitude d'activer entre l'Asie et l'Europe ont commencé à prendre racine au Maghreb. Une région déjà considérée comme la plaque tournante de l'immigration clandestine d'origine africaine. Le choix de ces filières de se rabattre sur le Maghreb peut s'expliquer, en outre, par le verrouillage par l'Union européenne de sa frontière est. Face à l'évolution inattendue du phénomène, les services maghrébins de sécurité risquent d'être très vite débordés, d'autant qu'ils sont déjà impliqués dans la lutte contre le terrorisme. Les effets d'une absence de maîtrise des flux migratoires massifs devraient en ce sens se faire sentir très vite en Europe, la destination finale des clandestins. A l'exception de l'Espagne, de la France et de l'Italie qui restent réceptifs au problème auquel est déjà confronté le Maghreb, les autres pays de l'Union européenne ne donnent pas l'impression, pour le moment, d'être conscients du danger. Ou plutôt, l'UE préfère faire la sourde oreille et renvoyer la balle dans le camp des pays de la région en proposant de financer des centres de transit implantés dans la région, chargés de filtrer les postulants à l'immigration. Appréhendée comme « une bombe à retardement », la proposition européenne a été rejetée dans le fond et dans la forme par l'Algérie, le Maroc et la Tunisie. Jusque-là plus au moins gérable, le phénomène de l'immigration clandestine dans la région - qui vient de connaître, avec l'arrivée des filières asiatiques, une restructuration de fond - exige une réponse rapide qui passe par une coopération sérieuse entre les pays du Maghreb et l'UE. L'Europe ne peut plus, en effet, se contenter de laisser le Maghreb faire le « ménage » à sa place. Ne pas s'adjoindre aux efforts déployés par le Sud pour endiguer le phénomène reviendrait, en tous les cas, pour eux, à prendre le risque d'en subir les conséquences. Ainsi que cela a été le cas pour le terrorisme.