La Cour d'arbitrage de La Haye a modifié hier les contours de la région disputée d'Abyei au Soudan, et le gouvernement de Khartoum a aussitôt affirmé avoir désormais le contrôle des champs pétroliers au détriment des autorités du Sud. Les deux protagonistes, Khartoum et l'ex-rébellion sudiste, qui avaient saisi la Cour permanente de La Haye après de violents affrontements en mai 2008, ont indiqué accepter la sentence. La surface d'Abyei a été réduite, passant de 18 500 km2 à 10 000 km2, selon une carte fournie par la Cour. La région est désormais délimitée au nord par le parallèle 10°10' nord. Selon le gouvernement de Khartoum, cela signifie qu'il aura le contrôle des territoires au nord de ce parallèle, riches en pétrole, qui faisaient jusqu'à présent partie de la région d'Abyei. Khartoum craignait que si les juges confirmaient que ces territoires faisaient partie de la région d'Abyei sous statut spécial, ils pourraient tomber aux mains du Sud-Soudan, qui devra décider par référendum en 2011 s'il veut l'indépendance. « Nous avons beaucoup gagné dans cette sentence », a réagi le représentant du gouvernement soudanais, Dirdeiry Mohamed Ahmed, à La Haye. Le territoire qui revient au gouvernement « inclut les champs pétroliers contestés », a-t-il ajouté. « Nous sommes confiants dans le fait que les parties exécuteront la sentence de bonne foi », a déclaré pour sa part le président du tribunal arbitral, Pierre-Marie Dupuy. « La nature définitive et contraignante de la sentence rendue aujourd'hui (hier ndlr) est cruciale pour la poursuite du processus de paix », a souligné le juge Dupuy, en appelant les deux parties à créer un comité chargé de procéder aux démarcations sur le terrain. « Nous ne sommes pas déçus. Je crois que c'est une décision équilibrée », a commenté un représentant des anciens rebelles sudistes du Mouvement de libération du peuple du Soudan (SPLM) à La Haye, Riek Machar Teny. Khartoum récupère les champs pétrolifères « La sentence est contraignante pour les deux parties : le Mouvement de libération du peuple du Soudan et le peuple de la région respecteront cette décision », a déclaré le ministre soudanais des Affaires étrangères, Deng Alor, qui est également un haut responsable du SPLM, à Khartoum. « Nous avons obtenu ce que nous pensons être juste », a souligné M. Dirdeiry Mohamed Ahmed. « C'est une formule avec laquelle nous pouvons vivre. On peut maintenant aller de l'avant vers la prochaine étape, en 2011. » La région d'Abyei a aussi été amputée d'importantes portions de territoire à l'est et à l'ouest par la sentence. Le gouvernement de Khartoum et les ex-rebelles sudistes avaient soumis en décembre 2008 à l'arbitrage de la Cour leur différend sur les frontières de la région, où des affrontements avaient fait une centaine de morts en mai 2008. La ville d'Abyei avait été rasée et des dizaines de milliers de personnes avaient dû fuir. Un regain de violences pourrait mettre en péril l'accord de paix global (CPA) qu'ils avaient conclu en 2005 après 20 ans de guerre civile, la plus longue d'Afrique. Craignant de nouveaux combats après la sentence de La Haye, les Nations unies ont déployé des soldats de la paix supplémentaires dans ce secteur à la limite entre le Nord musulman et le Sud majoritairement chrétien ou animiste du Soudan. La mise en œuvre du CPA prévoit d'organiser en 2011 deux référendums. L'un demandera à la population d'Abyei si la région doit garder son statut spécial au sein du Nord ou être intégrée au Sud. Au même moment, le Sud organisera un référendum distinct sur son indépendance.