Confortés par le sentiment de quiétude et de sécurité auprès des tribus arabes, les terroristes ont multiplié les opérations d'enlèvement d'Occidentaux pour négocier des rançons (en territoire malien et grâce aux officiels et notables maliens) utilisées pour le financement de leur logistique et de leur arsenal de guerre. Situation qui a fait du Mali un pays pointé du doigt pour son alliance volontaire ou involontaire avec Al Qaïda. Il aura fallu l'assassinat par le GSPC d'un colonel des services du renseignement (de la communauté arabe), dans sa maison à Tombouctou, en présence de sa famille, et l'embuscade qui a fait 28 morts au nord de cette même ville, il y a une dizaine de jours, pour que ATT se rende compte du danger qui guette son régime. Cette prise de conscience est clairement exprimée par une déclaration faite cette semaine à la presse malienne sur les événements qui ont secoué le nord du pays. D'abord la libération des otages européens après des négociations avec les auteurs sur son territoire. ATT explique que le dernier enlèvement était spécifique du fait que les otages revenaient d'un festival organisé au nord du Mali. « Ils étaient nos hôtes. Les ravisseurs ont demandé des rançons et même un échange avec un Jordanien détenu en prison en Angleterre. Le Mali a fait beaucoup d'efforts pour sauver ces hommes et ces femmes qui étaient détenus dans des conditions extrêmement difficiles. Nous avons été aidés par des personnes ressources, des chefs de fractions qui ont pris des contacts », dit-il. Au sujet du paiement d'une rançon, ATT assure que son pays n'a rien payé, laissant entendre que ce sont d'autres parties qui ont exaucé les conditions de libération du Suisse, exigées par Abou Zeid, après l'exécution de l'otage britannique. Selon des sources sécuritaires, Abou Zeid, qui détenait quatre touristes au nord du Mali, avait réclamé le double des 4 millions d'euros encaissés par Belmokhtar en contrepartie de la libération des diplomates canadiens qu'il détenait – les otages avaient été enlevés au nord du Niger par des contrebandiers. Il avait obtenu la somme de 4 millions d'euros contre la libération des deux premiers otages et en réclamait 4 autres pour les deux autres, dont un Britannique qui a été exécuté. Les combats ont été violents Mais ATT n'a pas tout dit sur les négociations et surtout ceux qui les ont menées. Néanmoins, il reconnaît n'avoir pris conscience du danger du GSPC qu'il y a un mois seulement, certainement après l'assassinat du colonel malien. « Ce n'est pas le moment pour nous d'aller remettre de l'argent à des gens contre lesquels nous nous battons depuis un mois. Ils pourraient utiliser cet argent pour acheter des armes, acheter des complicités pour nous combattre », dit-il, précisant plus loin qu'après « l'assassinat de l'Anglais, nous avons ressenti une énorme déception. Il y a eu également l'exécution du lieutenant-colonel Lamana devant sa femme et ses enfants par des salafistes. Cela a été un choc pour tout le monde, et particulièrement pour la grande communauté arabe ». Tout au long de sa déclaration, ATT n'utilisera à aucun moment le terme « terroriste », lui préférant celui d'« islamiste se réclamant d'Al Qaïda » dont les « agissements » l'ont poussé à décider de lancer « une vaste » opération militaire, interrompue par les conditions climatiques. Moment choisi, d'après lui, par les terroristes pour attaquer ses troupes. « C'est sur le chemin du retour que le groupe de Tombouctou a été accroché par un tireur isolé. Le commandant de troupes a décidé, après avoir mis de côté ses armes lourdes, d'engager la poursuite avec sa cavalerie légère. Son groupe a été attaqué sur un terrain qui était beaucoup plus favorable à l'ennemi. Les combats ont été très violents », indique ATT. Pourtant, d'autres sources affirment que le convoi était arrêté pour permettre aux militaires de se reposer lorsqu'il a été surpris par les tirs nourris d'une cinquantaine d'éléments armés qui l'ont encerclé. Les militaires assassinés ont été délestés de leurs armes et équipements alors que leurs véhicules ont été incendiés sur place. Le président Touré a salué toutefois « le courage des deux officiers et de leurs hommes tombés au combat », dans la mesure où « ils ont sacrifié leur vie pour sauver le reste de la troupe (…) Je salue la mémoire de nos soldats tombés au champ de bataille et présente mes condoléances aux familles des victimes, particulièrement à la grande communauté arabe qui a perdu des jeunes gens qui n'étaient même pas des militaires, mais qui s'étaient engagés pour combattre aux côtés de l'armée ». ATT sait que sa passivité face à la multiplication des attentats visant la communauté arabe risque d'engendrer des effets négatifs sur ses relations avec ses alliés dans la lutte contre la rébellion touareg du nord. Devant « l'ampleur des événements », Amadou Touré a relancé son appel à la tenue d'un sommet des chefs des Etats sahélo-sahariens, en insistant particulièrement auprès de l'Algérie et de la Libye pour l'aider surtout par des moyens militaires par combattre les terroristes.