Il est loin le temps où Condoleezza Rice, la nouvelle secrétaire d'Etat américaine, voulait punir la France pour son opposition à la guerre en Irak. C'est à elle qu'on attribue la formule : « Il faut punir la France, ignorer l'Allemagne et pardonner la Russie. » Le ton change, « discutons et décidons ensemble », propose l'ancienne conseillère de George Bush aux Européens. Depuis Paris Condoleezza Rice, intervenant mardi après-midi à Sciences Po devant un parterre trié sur le volet, a esquissé la nouvelle vision américaine des relations transatlantiques. La secrétaire d'Etat américaine a appelé à l'ouverture d'un « nouveau chapitre », dans les relations entre l'Europe et les Etats-Unis pour la construction d'un « monde meilleur et plus sûr ». « Nous avons eu des désaccords. Il est temps de les dépasser, d'ouvrir un nouveau chapitre de nos relations, un nouveau chapitre de notre alliance », lance-t-elle. « L'Amérique est prête à travailler avec l'Europe sur un projet commun. Et l'Europe doit être prête à travailler avec l'Amérique. L'histoire nous jugera non pas sur nos désaccords, mais sur nos résultats. » L'Amérique « a tout à gagner d'une Europe forte comme partenaire. Jusqu'ici, Washington distinguait les “bons” Européens qui avaient soutenu la guerre en Irak, et les “mauvais”, qui y étaient hostiles. » Condoleezza Rice a expliqué la volonté de son pays de faire régner la liberté dans le monde, et s'est dit certaine d'y parvenir, car « la liberté progresse : des villages d'Afghanistan aux places d'Ukraine, des rues des territoires palestiniens jusqu'aux bureaux de vote irakiens ». « Les réformateurs et les hommes de paix triompheront au Moyen-Orient comme l'Occident a gagné la guerre froide : la liberté est plus forte que la répression, plus forte que la tyrannie. » Elle a encore souligné : « Le statu quo n'est pas acceptable. Le peuple arabe mérite un meilleur avenir. Hélas, nous, dans le monde occidental, fermons les yeux là-dessus. C'est une partie du monde qui ne peut pas être tenue à l'écart de la prospérité qu'apportent les libertés. Il ne s'agit pas d'une question de puissance militaire. C'est un grand objectif, non seulement pour les Etats-Unis, mais pour nous tous qui avons la chance de vivre du bon côté de la liberté. » « La liberté doit venir du pays lui-même. Elle doit être choisie. Elle ne peut être donnée et certainement pas imposée », a-t-elle également souligné, ajoutant toutefois qu' « apporter la liberté aux mondes arabes et musulmans », était « un travail urgent, qui ne peut attendre ». Condoleezza Rice s'est attardée sur les points d'accord entre Paris et Washington, et les perspectives de travail en commun, notamment en Irak, au Liban ou dans le conflit israélo-palestinien. Les sujets qui fâchent ont à peine été abordés, comme le nucléaire iranien ou la prochaine levée de l'embargo par les Européens, des ventes d'armes à destination de la Chine. Sur le nucléaire iranien, Condoleezza Rice a indiqué lors de sa conférence de presse aux côtés de Michel Barnier : « Nous ne devons pas laisser les Iraniens poser leurs conditions. » La secrétaire d'Etat a, par ailleurs, reconnu qu'il restait « encore beaucoup à faire pour créer un Irak démocratique et uni », et que Washington comptait sur la communauté internationale pour aider à la sortie de la crise. A une question sur la place de la religion dans les institutions irakiennes, Condoleezza Rice a répondu, qu'Islam et démocratie pouvaient « aller de pair, comme en Turquie ». « Je suis sûre que quel que soit le rôle que l'Islam jouera finalement (en Irak), il sera tolérant des autres traditions religieuses et reconnaîtra qu'il existe beaucoup d'autres groupes qui ne souhaitent pas que s'instaure un gouvernement qui soit de près ou de loin théocratique », a-t-elle souligné. « Les chiites vont réaliser qu'un gouvernement théocratique n'est pas acceptable. »