Le régime iranien, qui fait corps autour du président Mahmoud Ahmadinejad, multiplie des gestes de provocation de nature à rallumer la mèche de la protesta. En interdisant la cérémonie de recueillement à la mémoire des manifestants tués le 20 juin dernier, devant avoir lieu aujourd'hui au Grand Mossala de Téhéran à l'appel de Moussavi et Karoubi, le régime risque de provoquer des dérapages. Et pour cause, le duo de l'opposition n'entend pas se plier aux oukases des ayatollahs en décidant tout de même de se recueillir aujourd'hui sur les tombes des victimes de la manifestation, annonce le site de Etemad Melli, le parti politique de Mahdi Karoubi. Malgré les assurances de Moussavi que cette cérémonie serait silencieuse dédiée à la lecture du Coran, le régime n'a rien voulu savoir. C'est donc un bras de fer, voire un corps à corps qui se profile à l'horizon. Pis, le geste de « bonne volonté » du guide de libérer 140 détenus n'est finalement qu'une façon de faire passer la pilule des condamnations à venir. En effet, l'agence officielle Irna a annoncé hier qu'une vingtaine d'« émeutiers » seront jugés à partir de samedi. Ils sont notamment accusés d'avoir « perturbé l'ordre et la sécurité », d'avoir « des liens avec les hypocrites », l'appellation officielle des Moudjahidine du peuple, le principal mouvement d'opposition en exil. Graves chefs d'inculpation Les autorités les accusent également « de port d'armes à feu et de grenades, d'attaques contre les forces de l'ordre et les miliciens islamistes et d'envoi d'images (des manifestations) aux médias ennemis ». C'est dire qu'au vu de la gravité de ces chefs d'inculpation, il est aisé de deviner les sentences qui seront prononcées contre eux. Malgré la libération de quelque 140 détenus, au moins 200 personnes croupissent encore dans les geôles du régime, d'après un député. Le procureur général, Ghorbanali Dori-Najafabadi, a promis hier « qu'une grande partie » d'entre eux seraient libérés « d'ici à demain » (aujourd'hui, ndlr). Il reste que le jugement de samedi de près de 20 détenus risque de faire des vagues, surtout que des anciens responsables commencent à dénoncer ces détentions à visage découvert. Ainsi, le grand ayatollah dissident Hossein Ali Montazeri acritiqué les dirigeants iraniens pour la mort de manifestants en prison. « Ceux qui sont en prison sont forcés de faire des aveux sous la torture et chaque jour un corps est remis à sa famille », a-t-il indiqué. Dans sa lettre au ton particulièrement dur adressée hier aux dirigeants iraniens, l'ancien successeur désigné de l'imam Khomeiny, fondateur de la République islamique, qui avait finalement été écarté du pouvoir, a interpellé les autorités : « Quel crime ont-ils commis, si ce n'est protester pacifiquement contre les irrégularités massives et la fraude lors des élections ? » Pour sa part, la presse fait état de la mort de quatre manifestants en prison. Des décès que les autorités imputent à la « méningite ». Il y a lieu de rappeler qu'au moins une trentaine de personnes ont été tuées lors des violences ayant suivi l'élection présidentielle du 12 juin, selon un membre de la commission parlementaire de la justice.