– Comment se présente le marché du recyclage en Algérie ? Sur le marché algérien, il existe 7 entreprises spécialisées dans le recyclage professionnel des déchets plastiques. Le reste se fait d'une manière informelle. Au niveau des décharges publiques, des jeunes, généralement des écoliers ou ayant quitté l'école, sont chargés de la collecte des déchets manuellement. Pour le plastique, la bouteille d'eau minérale, en PET (polyéthylène téréphtalate), est achetée à ces jeunes pour 1 à 1,50 DA. Pour la casserole, en PEHD (polyéthylène haute densité), le kilo est acheté entre 12 à 15 DA. C'est ce que le collecteur paie. Celui-ci la remet ensuite à celui qui la traitera (lavage et broyage). Cette matière est broyée de manière archaïque avec un simple broyeur et granulateur. Le plastique est ainsi transformé en granulat. Les producteurs achètent la matière recyclée revendue entre 70 à 90 DA. Il en tire ainsi jusqu'à 50 à 60% de plus value. – Quel est ce potentiel algérien ? A titre indicatif, le pays produit 1,7 milliard de bouteilles par an, avec un poids de 30 grammes l'une et un kilo en comprend 30. La matière composant la bouteille est du PET qui coûte à l'importation entre 1200 et 1400 euros la tonne et la bouteille, telle que fabriquée par les producteurs nationaux, revient entre 4 à 5 DA. Si ces bouteilles ne sont pas récupérées, donc on jette de l'argent. C'est le cas en Algérie, car même le secteur informel n'est pas partout. Il est présent dans les grandes villes comme Alger et ses environs, Oran, Sétif, Tlemcen, pas loin des décharges publiques. Il n'y a pas de perte dans le poids. Si vous avez 1 kg de déchet après recyclage vous récupérez 1 kilo de matière recyclée. Mais il existe un problème de qualité. – Comment peut-on savoir si cette matière recyclée est de qualité ? Un professionnel est en mesure de l'identifier, car c'est à vue d'œil des granulés. Pour la fabrication de bouteille, le processus est un peu complexe, car il faut un lavage très poussé pour obtenir une viscosité très rigoureuse. Pour les autres produits, en mélangeant une petite quantité avec la matière de base, on peut produire des chaises, des casseroles, etc. Les producteurs achètent sans tenir compte de la qualité en absence de structure de contrôle. Les informels utilisent généralement 2 à 3% de matière initiale pour produire des bouteilles qui sont destinées au conditionnement de boissons, donc dans l'alimentaire, alors que pour une chaise ou une casserole, le mélange peut atteindre 30 à 40% de matière de base. Par contre, dans le recyclage formel, ces granulats sont composés de 70 à 80% de matière de base. En tant que fournisseur de machines de recyclage, nous avons du mal à recenser des clients potentiels et professionnels. Depuis 2007, notre société n'a vendu que 3 machines en Algérie. Ce qui n'est pas normal vu le potentiel existant sur le marché algérien. – A combien peut s'élever l'investissement dans une chaîne de recyclage ? Une chaîne basique de recyclage (la plus simple) coûte environ 120 000 à 130 000 euros, soit l'équivalent de 13 à 14 millions de dinars. D'après les calculs de rendement financier, si la machine tourne 2 fois 8, le retour sur investissement peut se faire sur deux ans et demi. Je m'interroge : pourquoi on n'organise pas cette filière qui est très lucrative ? En matière d'investissements directs étrangers (IDE), des sociétés étaient intéressées pour s'installer en Algérie, mais elles se sont heurtées à des obstacles puisque la législation est inexistante et au problème de collecte, car elles refusent de travailler avec l'informel. – En termes d'emploi, combien peut-on en créer ? Je ne peux chiffrer le nombre exact. Au niveau du ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement (MATE), il existe un projet pilote pour 4 wilayas : Alger, Annaba, Tizi Ouzou et Constantine, de création des centres de tri, au niveau des décharges publiques, pour entre autres le plastique. Dans les ordures ménagères, cette matière représente entre 8 à 12%. Actuellement, y compris avec l'informel, nous arrivons à recycler au maximum 3% de plastique. Pour les cinq matières recyclables, le plastique, le verre, le papier, le carton, le bois et les métaux, l'Algérie ne recycle que 5 à 6% annuellement. Si on arrive à atteindre un taux normal de 70 à 80% de recyclables comme en Autriche, en Suisse ou en Allemagne. En France et en Espagne, en Tunisie et au Maroc, ce taux est de 30%. Avec ces taux, on peut créer 50 000 à 60 000 emplois. En Algérie, cela créera plus d'emplois encore, car nous n'avons pas besoin d'une technologie de pointe. En Europe, le tri se fait avec automatisation, alors qu'ici il se fait manuellement. Il y a là un potentiel générateur d'emplois.
– Ces déchets une fois collectés et trillés où atterrissent-ils ? Il existe 8 sociétés qui achètent ces déchets pour le compte de producteurs. Ces derniers sous-traitent avec des sociétés de recyclage et les reprennent en contrepartie de paiement. Les quantités supplémentaires sont revendues ailleurs. Le marché de revente existe. Le plastique est très consommé en Algérie. Il faut savoir que la matière première est importée à 90% des besoins, alors que le pays est producteur de pétrole puisque pour le PET (polyéthylène téréphtalate), le PEHD (polyéthylène haute densité), le PP (polypropylène)et le PS (produits plastiques inflammables) nous possédons pas encore de technologie de transformation. – Quel est le manque à gagner si cette filière est mise en place formellement ? Le manque à gagner peut atteindre 150 à 200 millions d'euros par an pour le plastique, à partir d'une hypothèse au plus bas mot, ajouter à cela le verre avec environ 60 à 80 millions d'euros et aussi le papier et le carton dont le chiffre peut atteindre facilement les 400 millions d´euros, on arrivent facilement á un chiffre environ 700 millions á 800 millions euros, si on additionne les métaux qui ne sont pas dans le réseau de l'exportation avec un chiffre de 150 à 200 millions d'euros, pour un total évalué à environ entre 1 et 1,2 milliard d´euros annuellement. Ce qui peut représenter le financement de 20 000 à 30 000 emplois/an. Sans oublier que seule l'existence d'une industrie de collecte, de tri et de recyclage est capable de générer entre 30 000 à 40 000 emplois.