Après dix jours du déclenchement de la grève des jeunes contractuels (CTA et CDD) qui revendiquent leur titularisation, c'est le blocus général au niveau de l'entreprise sidérurgique Sider El Hadjar. Dans une ultime tentative de Kamel Fritah, le secrétaire général de l'Union de wilaya de Annaba (UGTA), d'apaiser la tension, il a été empêché hier d'entrer en contact avec les jeunes protestataires. En effet, des agents de la police interne, qui quadrillent le site des grévistes, lui ont signifié qu'il n'est pas autorisé à prendre attache avec les protestataires sur instruction du PDG de l'entreprise. «Cette entrave à l'exercice du droit syndical est un précédent grave. Abdelmadjid Sidi Saïd annonçait avant-hier que la centrale syndicale défendra bien les intérêts des travailleurs du complexe d'El Hadjar, mais dans la sérénité. Par ce comportement, regrettable à plus d'un titre, le PDG de l'entreprise, Maatallah Chemseddine, semble vouloir attiser la colère et agir contre cette sérénité», estime le syndicat de l'entreprise, qui a accompagné son secrétaire général de l'Union de wilaya lors de son déplacement chez les jeunes grévistes. Saisi, le patron de l'UGTA aurait instruit son représentant à Annaba pour établir un rapport accablant le PDG de Sider El Hadjar à l'effet de le remettre au ministre de l'Industrie, Youcef Yousfi, pour prendre les mesures qui s'imposent à l'encontre de ce responsable. Ce «précédent grave» n'est pas le premier en son genre, puisqu'il y a quelques jours, une équipe de la LADDH a connu le même sort lorsqu'elle a été saisie sur l'interdiction par la direction générale d'approvisionner les grévistes en produits alimentaires. Il intervient aussi au lendemain de l'appel de la direction générale de Sider El Hadjar aux sidérurgistes de dégager par la force les jeunes contractuels en grève, sous peine d'être privés de leur salaire de ce mois de décembre. Informés, leurs parents apeurés ont saisi la gendarmerie qui, hier matin, a pris attache avec eux sur le site de la grève pour les rassurer qu'aucune violence à leur encontre ne sera tolérée. Cependant, ils restent toujours privés de ravitaillement, sur instruction de la direction générale. A l'extérieur du complexe, le conflit a pris une dimension politique. Un message posté par Smaïl Kouadria, ancien député PT et ex-syndicaliste au complexe sidérurgique d'El Hadjar, indique : «Djoudi Djelloul, le chef du groupe parlementaire du PT, a entrepris des démarches auprès de Zemali Mourad, ministre du Travail, de l'Emploi et de la Sécurité sociale, pour trouver une solution à la situation de crise qui prévaut actuellement au complexe sidérurgique d'El Hadjar.» La même source ajoute : «Le ministre du Travail, qui a reçu le président du groupe parlementaire du PT, a annoncé que tous les employés contractuels – CTA et CDD –, qui ont travaillé des années au complexe, seront titularisés.» Mais pourquoi le PDG de Sider El Hadjar ne veut pas confirmer dans leur poste de travail les contractuels grévistes et recourt à tous les moyens légaux et illégaux pour éviter cette opération ? Selon ses déclarations aux médias, Maâtallah avance «l'incapacité financière de l'entreprise à supporter cette charge». Or, jusqu'à preuve du contraire, Sider El Hadjar continue à bénéficier des avantages fiscaux et parafiscaux, lorsqu'elle recrute dans le cadre du dispositif d'aide à l'insertion professionnelle via l'agence de l'emploi ANEM, et cela même si elle décide de reconvertir la nature des contrats de CTA vers CDD et puis CDI, prévoit la réglementation en vigueur. Leurs salaires sont subventionnés à hauteur de 6000 DA jusqu'à 12 000 DA, selon le niveau d'instruction de chaque travailleur. A cette subvention, il faut ajouter également une réduction des charges pour l'employeur de 10%, qui, au lieu de 25%, paiera seulement 15%. Des avantages qui ne semblent pas faire revenir à de meilleurs sentiments le PDG de Sider El Hadjar, dont les desseins demeurent inavoués, estime le syndicat. Les multiples scandales qui caractérisent actuellement ce sanctuaire du fer et de l'acier ont perturbé considérablement la direction générale. Aux problèmes de la qualité de ses produits rejetés par des clients nationaux et internationaux, il faut ajouter les enquêtes de la Gendarmerie nationale sur des marchés douteux, passés de gré à gré. En outre, plusieurs recrutements, ne répondant pas à la réglementation en vigueur, et des disparités salariales font également partie des dénonciations des grévistes. Quant aux pannes récurrentes qui concernent les installations de Sider El Hadjar, elles ont impacté négativement l'image de l'entreprise. Pas plus tard qu'hier, le site de production du rond à béton (LRB) était à l'arrêt par manque de matière première (billettes). Cette situation de «mauvaise gestion» pour les uns, de «dilapidation des biens publics après l'octroi d'une enveloppe de plus de 700 millions de dollars» pour les autres impose, à juste titre, une réflexion par la tutelle sur l'utilité du maintien de ce staff dirigeant à la tête d'un géant aux pieds d'argile. A suivre…