Plusieurs centaines de travailleurs du port d'Alger, notamment les dockers, se sont réunis hier matin à la centrale syndicale avec comme principale revendication la réinstallation, sans élection, de Maâmar Abbas au poste de secrétaire général du Conseil syndical du port d'Alger. Dès 9h30, une altercation verbale entre les partisans du maintien de M. Abbas et ceux du renouvellement des instances syndicales par les urnes a éclaté. Une fois dans la salle, l'anarchie a pris le dessus. Salah Djenouhat, secrétaire national chargé de l'organique, a tenté, en vain, de rétablir l'ordre. « Il y a des gens présents dans cette salle qui n'ont pas de badges, qui ne sont même pas syndiqués ou qui ne travaillent même pas au port, mais nous avons laissé entrer tout le monde. Il est important que le renouvellement des instances se fasse par les urnes et non dans l'anarchie », a-t-il déclaré avant d'être hué par une assistance qui suit à la lettre les mots d'ordre de quelques syndicalistes perchés sur la tribune. Les efforts de près d'une heure de Salah Djenouhat n'ont servi qu'à attiser davantage la colère des travailleurs, décidés à le « chasser » de l'assemblée générale. Salah Djenouhat a fini par abdiquer, laissant la salle dans une atmosphère d'ébullition indescriptible. « Nous ne partons pas d'ici si le secrétaire général de l'UGTA ne vient pas nous voir. Dans le cas contraire, nous déclarerons notre retrait de l'organisation pour créer un syndicat autonome. L'article 15 du règlement intérieur autorise l'élection par le choix libre, direct, à bulletins secrets à tous les niveaux et pour toutes les structures de l'UGTA, sauf autre décision émanant de la majorité ; dans ce cas, la décision est acquise par consensus ou par vote à main levée. Nous sommes dans ce cas précis. C'est la majorité qui réclame le maintien de Abbas », a déclaré un syndicaliste. Monopolisant la parole, il a accusé « des parties occultes » de vouloir saborder le Conseil syndical du port d'Alger « parce qu'il est contre la privatisation et pour les intérêts des employés. Nous ne partirons pas d'ici sans la réinstallation de Abbas ; à défaut, nous annoncerons notre retrait de la centrale syndicale ». Pendant des heures, la salle de réunion a vibré au rythme des slogans hostiles aux élections. Au secrétariat national de l'UGTA, les responsables, dont Abdelmadjid Sidi Saïd, s'attelaient à préparer, avec des cadres de la présidence, la visite du président de la République, prévue le 24 février à la centrale syndicale, à l'occasion du 49e anniversaire de l'organisation. Les nouvelles de l'assemblée générale des travailleurs du port d'Alger ne sont arrivées qu'en fin de matinée, après le retour de Salah Djenouhat. « Les travailleurs ne veulent plus réintégrer leurs postes de travail. Ils ont paralysé une partie des activités du port d'Alger. Il faut trouver un terrain d'entente pour les faire revenir à l'urne. Il y va de l'avenir même de l'UGTA dans la mesure où leur retrait de l'organisation aura des répercussions négatives sur son avenir », a déclaré Ahmed Badaoui, secrétaire général du Syndicat national des douanes et membre du conseil exécutif national. Après des discussions avec Abdelmadjid Sidi Saïd, ce dernier a fini par rejoindre, vers 14h, la salle de réunion sous les applaudissements nourris de l'assemblée générale. « Je ne suis pas ici pour être avec X ou Y. Je suis là uniquement pour les travailleurs », a-t-il averti avant qu'il ne soit interrompu par un docker : « Donnez-nous le procès-verbal d'installation de Abbas à la tête du conseil syndical pour le signer et laissez-nous partir. » Une déclaration qui a fait sortir Sidi Saïd de ses gonds. « Je ne dirai rien qui pourrait causer demain la division au sein des travailleurs. Je vous ai soutenus et aidés... Nous avons toujours agi dans la transparence, loin des pressions et de la violence. Alors donnons-nous du temps jusqu'à la dernière semaine du mois de mars et revenez avec une liste de candidats que vous soutenez. A ce moment-là, tout se déroulera dans les normes, avec une assemblée générale où chacun aura son badge sans aucune suspicion. Celui que vous aurez élu aura le soutien du secrétariat national. Cette opération sera supervisée par le secrétariat national, sans pour autant discréditer le rôle de l'union de wilaya », a répliqué Sidi Saïd. Des propos qui ont ramené le calme dans la salle et poussé les travailleurs à se disperser sans aucun incident en se donnant rendez-vous fin mars.