– Kamel Hamadi : «Il est éternel» «C'est une grande perte pour l'Algérie qu'il aimait tant, c'est une perte pour la chanson algérienne d'expression kabyle et c'est une perte pour ses amis. Il était un homme artistiquement très exigeant, humainement très modeste et attachant. Son nom restera à jamais lié à la chanson algérienne d'expression kabyle. Il a consacré sa vie à l'art, à aider les jeunes talents quand il était responsable de l'émission Les Chanteurs de demain à la radio, des talents qui sont devenus des monuments comme Lounis Aït Menguellet, Noura et beaucoup d'autres. Je perds un ami, un compagnon de route. Nous chemins se sont croisés en 1955 et, depuis, ils ne se sont jamais séparés. J'ai eu l'honneur de diriger son orchestre, d'être dans la même chorale avec lui. Cherif a eu un parcours exceptionnel. Quand l'amour était encore tabou, lui a su chanter l'amour et les femmes sans pour autant choquer, il tenait compte de la tradition. Il a su magistralement, avec la beauté de ses textes, faire entrer l'amour dans chaque foyer, dans chaque personne. Il aimait tout ce qui est beau. Il a su nous faire aimer la vie. Il a bercé des générations, ses chansons ont traversé les époques sans perdre de leur force. J'ai longuement discuté avec lui au téléphone, il y a vingt jours de cela, je devais lui rendre visite à l'hôpital, mais il m'avait dit qu'il fallait attendre que la fatigue passe. Hélas il est parti sans qu'on se dise adieu. Il restera vivant, il est éternel.»
– Lounis Aït Menguellet : «Je suis sous le choc» Instrumentiste, compositeur et parolier hors pair, Cherif Kheddam était aussi un découvreur de talents. Ses émissions à la chaîne kabyle de la Radio algérienne ont, entre autres, révélé Lounis Aït Menguellet. Contacté hier par téléphone, le poète d'Ighil Bouamas a exprimé toute sa reconnaissance pour ce chanteur d'exception. «Sincèrement, indique-t-il, je suis sous le choc. C'est une perte immense pour nous tous, notamment du point de vue affectif. Sinon, Cherif Kheddam, on ne l'a pas perdu. C'est un patrimoine considérable. Les grands hommes ne meurent jamais. Il a été pour moi quelqu'un qui a tracé ma voie dans le monde de l'art. Cherif Kheddam était quelqu'un d'intègre, de très sensible. Il a toujours été à l'écoute des autres. Il restera toujours vivant parmi nous.» – El hadj Mohamed-Tahar Fergani : «Un vrais gentleman…» «Cherif Kheddam était une icône de la chanson kabyle. Il avait repris le flambeau après Cheikh Hasnaoui et Slimane Azem. Je l'ai connu à Alger dans les années 1940, en même temps que Rouiched et Keltoum, et je le rencontrais souvent en Algérie et en France. On avait travaillé ensemble avec Missoum. C'était un vrai gentleman, qui aimait tous les genres musicaux. Il appréciait le malouf, et j'adore sa musique…» C'est le témoignage ému de cheikh Mohamed-Tahar Fergani, que nous avons joint par téléphone. Son fils Salim a également tenu à faire part de sa profonde tristesse de cette immense perte pour l'Algérie : «C'est une grosse pointure de la chanson kabyle. Il m'a été présenté dans les années 1970 ; il était modeste, généreux et gentil, c'est le souvenir encore vivace que j'ai de lui.» – Cherifa : «Profondément attristée» Alitée chez elle à Akbou, Nna Cherifa, qui a subi une opération chirurgicale il y a deux semaines, nous a fait parvenir son témoignage par le biais de son fils Cherif, qui nous a décrit une femme «très fatiguée» : «Cherif Kheddam est un grand chanteur, un maître qui a beaucoup travaillé pour la radio et a aidé beaucoup d'artistes qui sont aujourd'hui de grands noms de la chanson kabyle, comme Aït Menguellet, Nouara et Idir. C'est après l'indépendance du pays que j'ai eu des contacts avec lui. L'annonce de sa mort m'a profondément attristée. Que Dieu ait son âme.»
– Akli Yahiatène : «Un homme aux grandes qualités humaines» Chanteur au répertoire à grand succès, Akli Yahiatène, né en 1933, dit n'avoir pas de mots assez forts à même de décrire la grandeur d'âme de son compagnon de longue date. Après insistance, il nous dira, d'une voix nouée par le chagrin : «C'est un homme aux grandes qualités humaines et pétri de talents. Cherif Kheddam a toujours été sérieux dans son travail. Il avait cet art propre à lui pour dénicher les grands chanteurs, connus et reconnus aujourd'hui dans le monde de la chanson kabyle. Il a encadré Idir, Aït Menguellet, Malika Domrane, Nouara et tant d'autres artistes. C'est vous dire que sa disparition est une perte irremplaçable pour le patrimoine artistique algérien. Il a eu une brillante carrière. C'était un homme modeste, estimé par tout le monde ; il était également une personne très sage. D'ailleurs, cette qualité est perceptible sur son visage. Qu'il repose en paix !»
– Ben Mohamed (poète, parolier) : «Il est universel» «Il est difficile pour moi de parler de Cherif Kheddam au passé. Que peut-on dire en quelques phrases d'un homme aussi géant ? Il est l'un des rares auteurs, compositeurs et interprètes algériens qui se sont intéressés à la musique universelle. Il a subi des influences diverses, l'oriental, le turc, le grec, mais il revenait toujours à la source. Il incarnait cet esprit d'ouverture. Avec lui, les frontières s'écroulaient devant les assauts de la musique et de la poésie. Il est universel. Il était aussi un précurseur. L'émission Les Chanteurs de demain qu'il dirigeait était une pépinière ; il a découvert beaucoup de jeunes talents qui sont devenus par la suite des monuments de la chanson algérienne d'expression kabyle. Il a inspiré de nombreux de nos artistes. Il représente pour moi cette génération d'artistes laborieux. Je crois que Cherif Kheddam allait au-delà de la chanson, ses textes expriment tout ce qui est beau dans la vie. Lui qui avait fait l'école coranique a connu une trajectoire artistique extraordinaire.»
– Cheikh Hamdi Benani : «Une grande générosité artistique » «J'ai appris avec une profonde tristesse la disparition tragique de celui que je qualifie d'homme à la noble prestance, le maître Cherif Kheddam. Cet artiste hors du commun, qui écoute plus qu'il ne parle, je l'ai rencontré à Paris il y a quelques années. Adepte de la chanson andalouse, je me souviens qu'il m'avait conseillé de reprendre mes deux chansons Bellah ya hamami et Haremtou bik nouassi en kabyle. Tel un père, il m'avait même proposé son aide à titre d'auteur-compositeur. Désormais, la chanson algérienne en général et kabyle en particulier ne sera plus comme la même après sa disparition par rapport à sa générosité artistique.» – Boudjemaâ Rabah, producteur à la Chaîne II : «ll n'improvisait jamais» «Je l'ai rencontré la première fois en 1989 et nous nous sommes liés d'amitié. Je garde intact ce souvenir d'un hommage qui lui a été rendu à son village natal où j'ai dû, avec d'autres amis, m'improviser choriste parce qu'il n'y avait personne d'autre pour le faire. Da Chérif a ouvert de nouveaux espaces à la mélodie kabyle, avec une touche orientaliste certes, mais surtout une ouverture sur la musique universelle. Lors d'une interview qu'il m'avait accordé, je me souviens qu'il m'avait dit en riant ‘j'essaie de compliquer l'existence'. Il a pu et su pousser la chanson vers le raffinement et de nombreux artistes d'aujourd'hui lui doivent beaucoup.»
– Boujemaâ Agraw : «Un grand professionnel» «C'est une grande perte pour la culture, la chanson kabyle et amazighe en général. C'était un grand professionnel dans le domaine de la musique qui vient de nous quitter. La dernière fois que je l'ai rencontré c'était en 1997 au Zénith de Paris, lors d'un concert avec Matoub Lounès, Karima et Houria Aïchi. Il était venu aux répétitions, un peu fatigué. Il m'avait dit qu'il était sous dialyse. Il a chanté de belles chansons. Celle où il rend hommage à Bgayet, je l'écoute toujours avec beaucoup de plaisir. Il a aussi admirablement chanté la situation qui est celle de l'artiste dans Lhala ou fenan. Da Cherif est parti, mais ses chansons sont immortelles. Il n'en reste pas beaucoup, aujourd'hui, de ces artistes qui font de pareilles chansons, ils sont en train de partir l'un après l'autre. Toutes mes condoléances à sa famille.