Un homme d'Etat occidental avait l'habitude de dire qu'on ne mesurait pas la popularité d'un gouvernement à la longueur des cortèges officiels. Chez nous, on a plutôt convaincu du contraire. Tout haut responsable ou élu de quelque importance tient à son « standing » tant qu'il peut le faire avec l'argent des contribuables. Un comportement, une habitude, une tradition bien ancrés en Algérie et qui cachent mal cet « atavisme relationnel » au « beylik », à la chose publique qui sommeille chez beaucoup de responsables à tous les niveaux. Donc pas question, pour l'heure, de parler de réduire le train de vie de l'Etat, alors que l'on se prépare à vivre dans les mois qui viennent les conséquences de la crise mondiale qui, c'est connu et attendu, seront malheureusement encore plus évidentes à partir de 2010. Cette aisance financière du pays a, décidément, été la mère de tous les vices, dont le gaspillage n'est pas des moindres. L'ostentatoire et le somptuaire ne sont pas en reste et se disputent aussi la première place des critères de la non-gouvernance qui semble avoir fait école en Algérie. C'est aussi pour certains le moyen d'un enrichissement sans cause. Le fait que nos dirigeants ne renoncent en rien à leurs privilèges alors que les discours se font moralisateurs et se prétendent « pédagogiques » à l'égard des consommateurs algériens pour les inciter à acheter « algérien » recèlent une part d'hypocrisie. On ne peut qu'être d'accord avec ce souci d'encourager la production nationale – encore faut-il savoir de quoi – en orientant la demande des consommateurs algériens, si l'exemple venait d'en haut. Ce qui est loin d'être le cas. On s'attelle, par exemple, à coups de millions d'euros, à rénover la résidence algérienne à Copenhague afin qu'elle accueille le président de la République qui assistera au sommet mondial sur le climat, en décembre prochain. Alors qu'il n'est pas impossible qu'il n'y réside que quelques heures ou pas du tout, préférant probablement quelque autre palace de la capitale danoise. Auquel cas on aura dépensé de l'argent pour rien, comme on l'a fait pour la représentation algérienne à Genève, etc. Que dire alors de cette seconde résidence d'Etat, jouxtant celle du Club des Pins, à Alger, achevée depuis des mois et inoccupée jusqu'à présent. On imagine difficilement ce qu'elle a pu coûter aux contribuables et ce qu'exige son entretien comme « résidence-fantôme ». N'aurait-il pas été préférable de la transformer en un ensemble immobilier haut de gamme destiné à une clientèle internationale et vendre les bâtiments qui s'y trouvent pour récupérer un tant soit peu les dépenses qu'elle a englouties au titre du budget de l'Etat ? De tels exemples de non-gouvernance sont légion et quotidiens. Et ce n'est malheureusement pas chez nous qu'un chef de gouvernement serait prêt à réduire sensiblement son « salaire », symboliquement certes, mais dans un souci d'austérité qui inciterait les autres à faire de même. Ou encore des députés qui pourraient être appelés à plus de modération dans leurs notes de frais. Ailleurs oui, mais pas ici. Les privilèges ont, en Algérie, il faut l'admettre, la peau dure quelle que soit la conjoncture. D'où l'engouement et la précipitation dans la course aux charges et fonctions officielles nettement perceptibles sous nos cieux. A l'image de cette fébrilité qui s'est emparée de certains cercles politiques, de milieux d'affairistes et d'opportunistes de tous poils, à l'approche du renouvellement partiel du Sénat qui devrait intervenir dans les semaines à venir. Une aubaine pour beaucoup et qu'il ne faut surtout pas rater.