On aimerait tant croire ces ministres qui lancent sur un ton des plus solennels des chiffres qui sont autant de défis : plus de 600 000 emplois seront créés en 2006, 250 000 logements livrés avant la fin de l'année, le nord du pays ne sera pas privé d'eau cet été, 8 centres de lutte contre le cancer seront ouverts avant 2009, etc. Malheureusement, le chef de l'Etat en personne s'était rendu compte, il y a quelques mois, lors de la visite du chantier de la nouvelle aérogare d'Alger, qu'on lui mentait et que, d'échéance en échéance, l'inauguration de cette nouvelle infrastructure qui était, croyait-on, prévue de manière ferme pour le début de l'année a été reportée aux calendes grecques. Les Algériens, qui ont vu le président de la République tancer le ministre des Transports au JT de 20 h, pourront-ils encore croire à de pareilles promesses qui ont quelque part des objectifs électoralistes ? Rien n'est moins sûr. Pour la simple raison que, pour reprendre le cas du nouvel aéroport de la capitale, les Algérois ont fini par ne plus remarquer cet éternel chantier, au même titre que celui du métro. Tout comme les plus hauts responsables du pays, chefs d'Etat et de gouvernements successifs, qui ne pouvaient ignorer cette situation. Les grues et les échafaudages rouillés ont fini par faire partie du décor de la région de Dar El Beïda, tant on a pris l'habitude de les voir plantés là depuis plus de vingt ans. Face à une telle incurie, ils sont certainement nombreux les citoyens à se dire aujourd'hui que le coup de gueule du président Bouteflika n'aura servi à rien. Le ministre est toujours en place et le chantier vit au rythme qui est le sien au plutôt au rythme que veut bien lui donner l'Administration. Tandis que les nationaux et les étrangers qui prennent l'avion à partir d'Alger continuent de vivre un vrai calvaire tant les conditions d'embarquement (et de débarquement) sont déplorables. Ils sont sans aucun doute encore moins nombreux ceux qui se rappellent les promesses faites par les responsables à tous les niveaux : ministre, chef du gouvernement et président de la République au milieu des années 80 de réaliser 100 000 logements par an. Un chiffre qui était considéré à l'époque comme un objectif important mais jamais atteint puisque dans le meilleur des cas on n'a pas pu dépasser les 94 000 logements. Le plus inquiétant, c'est que plus de vingt ans après, les mêmes problèmes rencontrés à l'époque demeurent encore : pas de main-d'œuvre qualifiée, dépendance à près de 50% à l'égard de l'étranger pour ce qui est des intrants, recours aux moyens de réalisation étrangers devant la faiblesse des entreprises nationales publiques et privées... En matière d'emplois, quant aux objectifs ambitieux du gouvernement de créer des centaines de milliers d'emplois, on n'a jamais eu l'occasion de les confronter de manière contradictoire avec la réalité, pour la simple raison qu'il n'existe pas d'observatoires indépendants (comme pour tout le reste d'ailleurs, prix, consommation) qui pourraient éclairer l'opinion publique. Ainsi, nous n'avons jamais eu l'occasion de savoir par d'autres sources, qui ne sont pas celles des institutions officielles, si les objectifs économiques et sociaux des gouvernements qui se sont succédé ont été atteints ou non. Encore moins, pour quelles raisons ils ne l'ont pas été. La présentation du bilan gouvernemental devant des assemblées élues : - APN et Conseil de la nation - n'est malheureusement pas encore une tradition chez nos dirigeants, bien que la Constitution algérienne dans son article 84 le prévoie expressément et qui été délibérément et superbement ignoré par le premier responsable de l'assemblée nationale dernièrement quand Ahmed Ouyahia, déjà deux fois chef du gouvernement sous la présidence de Liamine Zeroual et « poussé vers la sortie » en mai dernier, a tenté désespérément de revendiquer ce droit constitutionnel pour se maintenir à son poste. En attendant, les Algériens ne sauront pas une fois de plus si le second gouvernement qu'il a dirigé sous la présidence de Abdelaziz Bouteflika est allé jusqu'au bout de ses objectifs ou pas.