La polémique sur la délocalisation du Salon international du livre d'Alger (Sila) continue. Les protestations exprimées par le Syndicat national des éditeurs du livre (SNEL) et le Syndicat professionnel du livre (SPL) ne semblent pas remettre en cause la décision du commissaire du Sila, Smaïl Améziane, de transférer la manifestation vers un chapiteau dressé sur l'esplanade de l'Officle olympique du 5 Juillet, sur les hauteurs d'Alger. Hier en fin de journée, Mme Khalida Toumi, ministre de la Culture, nous a confirmé cette décision. « Je ne vois pas où est le problème. Il faut chercher les buts inavoués de ceux qui sont contre la délocalisation du Salon du livre », nous a-t-elle déclaré au téléphone. La ministre a cité l'exemple du Salon du livre de Paris qui a été déplacé du Grand Palais vers la porte de Versailles sans que cela soulève des vagues. Elle a rejeté les arguments des syndicats hostiles à la délocalisation et qui menacent de boycotter. « Ils sont libres de vouloir le faire, mais je dis que certains, ceux qui profitent d'un marché du livre universitaire estimé à 30 millions de dollars par an, tentent de créer un écran. Ils veulent utiliser le prétexte du transfert du Sila pour s'insurger contre les mesures contenues dans la loi de finances complémentaire 2009 », a-t-elle expliqué en parlant de « campagne publique » menée par quatre ou cinq importateurs de livres. Elle faisait allusion à une lettre envoyée aux médias par le SPL, dans laquelle des craintes sont exprimées sur l'application des mesures relatives au crédit documentaire contenues dans la LFC 2009, pour les opérations de commerce extérieur. Le chapiteau qui va abriter le 14e SILA répond, selon la ministre de la Culture, à toutes les conditions de sécurité et de confort. « Il est parfait. Les conditions sont bonnes autant pour les exposants que pour le public. L'esplanade de l'office olympique Mohamed Boudiaf, qui est un office public, est une place centrale. Elle est proche de toutes les facultés de sciences humaines. L'espace réservé au parking est deux fois supérieur à celui de la Safex », a-t-elle soutenu. Mme Toumi a pris soin de préciser qu'il n'existe aucun problème avec la Société algérienne des foires et expositions (Safex) qui a abrité le SILA depuis 2001. Dans la matinée, le SNEL et le SPL ont organisé, au siège du quotidien La Nouvelle République, une conférence de presse après un refus exprimé par la direction de la maison de la presse Tahar Djaout d'accorder la salle de réunion. La conférence était animée par Radia Abed, présidente du SPL, après le retrait de Fayçal Houma, président du SNEL. « Je ne suis pas contre cette action, puisque je suis signataire du communiqué commun, mais j'ai demandé à ce que les membres du bureau du SNEL soient présents à la conférence de presse. Je voulais qu'elle soit reportée. Mme Abed a voulu qu'elle se tienne le même jour. Donc je suis parti », nous a expliqué Fayçal Houma. Le président du SNEL est hostile à toute idée de boycott du SILA. Ce n'est pas l'avis du SPL, qui confirme la non-participation de ses membres au Salon. « Ce n'est pas un boycott mais une non participation sauf dans le cas du retour effectif et dans de bonnes et de saines conditions à la Safex », a précisé Mme Abed, qui a révélé que les syndicats subissent des pressions sans en indiquer l'origine. Elle a regretté l'absence du président du SNEL de la conférence de presse. Selon elle, une liste de 82 signatures a été établie pour soutenir l'appel au retrait du SILA. La décision de délocaliser le salon a été qualifiée d'opaque par Radia Abed. « Nous avons appris la nouvelle par la presse », a-t-elle appuyé. « Aucun éditeur algérien ou étranger n'a été destinataire d'une correspondance, l'informant de cette mesure. Tout comme les éditeurs nationaux, organisés dans des syndicats ou non organisés, n'ont été sollicités pour donner leurs avis », est-il écrit dans une déclaration commune signée par le SNEL et le SPL. Les arguments avancés par Smail Ameziane, commissaire du SILA, pour justifier le changement d'adresse du Salon sont considérés comme « des prétextes fallacieux et puérils. A la Safex, Je n'ai pas eu d'interlocuteur, de responsable en face de moi à même de prendre des décisions (...). On me demandait par exemple de payer la Safex une semaine avant le Salon. Quel est ce comptable qui peut payer une facture sans le service fait ? », a déclaré, dans une précédente interview à El Watan, M. Ameziane. « Ce transfert, qui a pour conséquence une réduction importante de la surface d'exposition, risque de ramener un Salon de sa dimension internationale à une dimension de manifestation locale », relèvent les deux syndicats. Ils citent le cas du salon d'Abu Dhabi désormais organisé dans un palais ultramoderne après avoir été abrité par des chapiteaux. Radia Abed, directrice des éditions Sedia et représentante du groupe Hachette en Algérie, a regretté l'absence du commissaire du Sila aux réunions de conciliation avec la Safex. « Ces réunions ont été à deux reprises reportées. En fin de journée, M. Ameziane nous a appelé pour dire que la décision de déplacer le salon était irréversible. Donc, il n'y pas eu de médiation. Je rappelle que M. Ameziane a, dans un premier temps, accepté la médiation », a-t-elle noté, précisant que la Safex a totalement ouvert ses portes au dialogue et aux négociations. La présidente du SPL a demandé au commissaire du SILA d'expliquer « les intérêts malsains » qui seraient gênés par le déplacement du Salon. « J'ai participé au comité d'organisation des précédents salon. La comptabilité est publique et les exposants payent la prestation. Il y a un commissaire aux comptes qui contrôle tout. Je voudrais bien savoir où se trouvent les intérêts malsains », a-t-elle dit. « Que Mme Abed garde ses propos pour elle. Le SPL peut boycotter le Salon, ce que je sais c'est que Hachette, qui représente 70% des éditions françaises, sera présent. J'en ai la confirmation. D'ailleurs, Hachette trouve ridicules les arguments de ceux qui boycottent. Je sais aussi que le SNEL participe au Salon », s'indigne M. Ameziane. Selon Mme Abed, aucune maison d'édition étrangère n'a demandé à ne pas participer au Salon suite à la polémique actuelle. « Les étrangers demandent des éclaircissements. Il faut savoir que des livres sont déjà arrivés à la Safex et que des stands ont été payés », a ajouté la présidente du SPL. Interrogé sur les accusations des syndicats concernant les raisons avancées à propos de l'échec des négociations avec la Safex, le commissaire du SILA estime que l'Etat algérien a des services de sécurité capables d'enquêter et de savoir « où se trouve la vérité ». Les syndicats ont pris soin d'ajouter, dans leur déclaration commune, que les débats actuels sur le prochain SILA ne doivent pas occulter « le mal profond » qui ronge l'ensemble de la chaîne de fabrication du livre. « Il est temps que les pouvoirs publics s'impliquent avec détermination dans le règlement de ce dossier sensible car il y va de l'image de marque de l'Algérie », ont-ils souligné.