Mohamed Korso, professeur d'histoire à l'université d'Alger, relie directement le 5 octobre 1988 au contexte social actuel, qu'il considère tout aussi bouillonnant. Pourquoi n'y a-t-il pas eu capitalisation de la révolte du peuple ? L'impact social et culturel des événements du 5 octobre 1988 a été malheureusement mis en second plan par les années du terrorisme en Algérie. Donc le terrorisme a grandement contribué à l'occultation de ce soubresaut social qui demeure, malgré les manipulations, la révolte des plus démunis. C'est d'ailleurs pourquoi, à chaque fois qu'il y a de nouveaux soubresauts populaires, surtout au niveau local, le souvenir du 5 octobre 1988 émerge. C'est le petit peuple qui a payé le prix le plus fort et il est de son droit d'exiger une amélioration de ses conditions de vie. Que peut-on donc faire aujourd'hui ? Aujourd'hui, il faut dire que le malaise est grand et le travail justement des universitaires est d'alerter les pouvoirs publics qui doivent donc prendre des dispositions sociales et économiques sérieuses en direction, surtout, de la jeunesse, de l'élite et des forces libres du pays. On ne doit pas continuer à écouter les structures où les « béni-oui-oui », tout en connaissant les problèmes qui affectent l'Algérie actuellement, tentent de les cacher. Le pays a besoin d'une approche critique qui donne de l'écoute aux autres, car le risque est grand de voir éclater à tout moment d'autres soubresauts aussi catastrophiques que ce qui s'est passé en 1988. Comment matérialiser, pour les générations futures, un tel fait d'histoire ? Malheureusement, jusqu'à présent, il y a encore une vision passéiste par rapport à l'appréciation du 5 octobre 1988. Les historiens doivent prendre du recul et surtout du courage pour pouvoir faire un traitement sérieux. La documentation principale fait défaut, en plus de l'invisibilité de certains actes et des mains qui ont tiré les ficelles de ces événements. L'intérêt, aujourd'hui, est de collecter des témoignages et de savoir comment cela a été vécu à l'époque. Le département histoire de l'université n'a pas encore accaparé ce fait d'histoire politique.