Béchar De notre envoyé spécial Muni de son inséparable gumbri, il a chanté, la voix plus que jamais bluesy, Jrit Ana. C'est une manière de laisser place à «la relève», comme il le souligne avec courtoisie. The Grooz, qui est né à Alger il y a à peine six mois, a la prétention de faire de la fusion, jazz, blues, reggae, chaâbi, diwan et même ayta marocaine. Menée par le fils de Maâlem Medjbar, Abdelhak Ben Medjbari, au chant et à la guitare, le groupe est composé également de Sidi Ali Laroum à la batterie, Hamza Ben Braham au violon, Sid Ahmed Safar Zitoune au piano, Zakaria Benledra à la basse et Hassan Benrejdal aux percussions. Le groupe est monté pour la première fois sur scène à Béchar après une présentation à l'Ecole des beaux-arts d'Alger et la salle Ibn Zeydoun du complexe Riadh El Feth. Après une première chanson Ham jaou el gnawa, The Grooz a enchaîné des titres connus. La personnalité musicale est encore à parfaire autant que l'orchestration. Le rythme c'est bien, l'harmonie c'est mieux. «Je suis monté en dernier comme invité d'honneur(…) Le groupe The Grooz envisage de faire de la fusion en ajoutant autour du diwan même l'andalou ou le melhoun. Je les encourage. Pour ma part, j'envisage d'introduire des sonorités arabes au diwan. Dans les grands concerts, je veux travailler avec The Grooz, soit ensemble, soit en partie», a expliqué Maâlem Medjbar. Il a évoqué l'importance du texte dans le chant. «Nous prenons des textes des grands poètes. Les jeunes paroliers sont également les bienvenus», a-t-il noté. Dans ses chansons, Maâlem Medjbar a repris les paroles d'Ahmed Kerroumi, Cheikh Daoudi, Mohamed Mahdaoui, Mustapha Benbrahim, Ben Messaïb et Kadour El Alami. Parmi les anciens textes, Maâlem Medjbar a notamment interprété Had el youm si'id mbarek, rendue célèbre par Khaled, dans le style diwan. Un titre qui fait partie du dernier album du Maâlem, Malli, sorti en 2011 aux éditions Belda. «Je prépare un nouvel album où l'on va ajouter du melhoun. Il s'agit d'un brassage avec le chaâbi algérien et le diwan. Je n'ai pas de problèmes avec la rénovation. La musique peut connaître plusieurs époques. Nous reprenons la musique de nos ancêtres et nous apportons un plus. Je plaide pour l'introduction de nouveaux instruments dans le diwan», a soutenu Maâlem Medjbar. Il a estimé que le diwan, dans son expression traditionnelle et rituelle, doit être respecté. Un diwan où seuls sont présents le gumbri, le karkabou, le ganga, le kouyou bango (chanteur) et les gnadiz (choristes). Mais, en tant que style musical, le diwan doit être ouvert au rafraîchissement et à la création artistique contemporaine. Maâlem Medjbar n'a pas hésité à reprendre des bradj du diwan, comme le célèbre Aska, et mis des paroles en arabe, à la place du haussa, en gardant la mélodie d'origine. «Il faut faire des arrangements musicaux, mettre un sujet dans un bordj, on peut même se passer du gumbri parfois. Le gumbri existe dans une orchestration, même d'une manière abstraite. Il est dans l'esprit à travers l'harmonie», a encore expliqué l'artiste, qui ne cesse de faire des recherches. «Le diwan n'est pas uniquement le gumbri et le karkabou. On peut aller vers l'universel. On peut s'inspirer du diwan pour aller vers de nouvelles créations. Nous avons pris beaucoup de retard avant de penser à la fusion», a-t-il regretté. Maâlem Medjbar travaille actuellement avec une société de production du Qatar pour réussir ses projets de rénovation du diwan et d'ouverture sur la scène internationale. Le Qatar projette aussi de devenir une puissance culturelle… Nora, la diwania Avant la montée de The Grooz et de Maâlem Medjbar sur scène, Nora, une rare femme à interpréter le diwan en public en Algérie, a prouvé qu'on peut toujours sortir des habits, parfois étroits, du style gnawi. Nora, aidée par son époux, joueur de gumbri, Mourad Mansouri, a introduit de nouvelles sonorités dont le haidouss, style très présent dans le Sud-Ouest algérien et au Maroc, et el hadawi. Elle a également introduit la fameuse El Hamdouchia, une chanson à travers laquelle un hommage est rendu à Sid Ali Benaïssa, fondateur de la tariqa des Hamdoua. El Hamdouchia est notamment chantée par le célèbre artiste gnawi marocain, Hamid El Qasri. Les innovations de Nora donnent beaucoup d'ambiance sur scène avec du rythme porté par la batterie, le bendir et le karkabou. Les choristes jouant du karkabou exécutent des chorégraphies étudiées donnant à la prestation de Nora la dimension d'un véritable spectacle. Allahouma Seli Alan bi , Aïcha, Maydoum, Allal, des chansons qui n'ont pas laissé le jeune public de Béchar indifférent. «Depuis que j'étais jeune, j'aimais le diwan. Je suis meriouha ! J'ai commencé en 1993. Mais, ma carrière a débuté véritablement en 2006», nous a confié Nora. Fin mai, un nouvel album de Nora sortira en Algérie. Bouhala est le titre de cet album. On y trouvera sept chansons dont une sur les oualia (saints patrons, ndlr) de Béchar. Il y aura des titres repris du patrimoine tels que Fengara ou Baba Morsadja. J'écris et je compose des chansons aussi», a-t-elle annoncé. Après un récent concert en Ethiopie, Nora et sa troupe, qui ont déjà décroché des prix, envisagent d'enregistrer un autre album avec les musiciens de Hamid El Qasri. Nora nous a confié qu'elle apprend le jeu du gumbri. Elle marche d'une certaine manière sur les traces de Hasnia El Bacharia, son aînée.