Indéniablement, les relations entre l'UE et les USA sont en train de subir un véritable bouleversement. De leur orientation présente et future dépendra, pratiquement, le reste du monde. George W. Bush, en visite dans la capitale européenne, Bruxelles, multiplie à l'occasion de cette rencontre au sommet les appels à la « vieille » Europe, pour, selon son discours, « une nouvelle ère d'unité transatlantique et... une Europe forte ». L'unilatéralisme américain affiché haut et fort, lors de la conquête de l'Irak, laisse place aujourd'hui à une politique de concertation et de consensus international, principalement avec l'UE. Le pourquoi et le comment d'un tel revirement de Washington - et de l'UE aussi - reposent sur une implacable logique : la paix dans les régions de tension, essentiellement le Proche et Moyen-Orient, l'Asie mineure et la Méditerranée, pour une garantie des intérêts économiques et stratégiques du « groupe transtlantique ». Cette vision des enjeux n'a jamais posé problème aux USA et à son allié traditionnel la Grande-Bretagne. Le problème s'est posé et risque de perdurer dans la famille européenne. La Grande-Bretagne n'est pas la seule, dans cette histoire, à fausser le jeu de l'UE. L'Italie de Berlusconi, l'Espagne jusqu'à l'arrivée de Zapatero et quelques nouveaux pays de l'UE , telles la Pologne, la Hongrie ou la Tchéquie, se montrent assez dociles à la diplomatie américaine. Sans doute est-ce la raison pour laquelle, les 10 chefs d'Etat sur les 25 de l'UE qui sont délégués pour prononcer des discours, lors du sommet d'aujourd'hui, sont l'Espagnol José Luis Zappatero, le Français Chirac, le Belge Verhofstadt, l'Allemand Schroeder... C'est-à-dire ceux qui se sont opposés à la guerre contre l'Irak. Tout indique qu'ils axeront leurs interventions sur l'apaisement de la tension qui caractérise depuis la relation transatlantique. Un indice ? Leur participation actuelle à la formation et le soutien à l'armée et aux services de sécurité irakiens. En contrepartie, George Bush qui a déjà fait un premier pas vers la Palestine, en annonçant une première aide financière de 360 millions de dollars à l'OLP, a longuement insisté dans son discours d'hier après-midi devant un parterre de diplomates à l'hôtel Albert sur « la construction d'un Etat palestinien démocratique et durable ». Il a également dénoncé la présence militaire syrienne au Liban et, selon lui, « les dangers pour la paix dans la région du régime iranien ». Par ailleurs, les USA disposent dans la relation euro-Atlantique d'un argument de taille : le contrôle politique, militaire et financier de l'OTAN. Cette organisation de dissuasion sans adversaire dans le monde. Cela aussi les Européens le savent. Condoleezza Rice, la secrétaire d'Etat américaine, a, lors de sa tournée européenne la semaine dernière, signifié avec la courtoisie qui sied au langage diplomatique aux Européens d'assumer leurs responsabilités et charges financières et militaires à l'OTAN et de partager les efforts pour la lutte antiterroriste dans le monde, avant de dénoncer l'unilatéralisme américain. Toute la question est de savoir si, à l'avenir, l'UE aura une politique étrangère assez cohérente et forte pour, justement, promouvoir le multilatéralisme sur les grandes questions internationales, ou si elle retombe dans ses querelles internes, qui conduiront certains de ses membres à une relation de vassalité vis-à-vis des USA. Dans ce dernier cas, Bush ou ses successeurs seront toujours ce « gendarme du monde ».