Difficile de les faire parler des événements récents. Sur leurs conditions de vie, elles sont intarissables, mais sur les interpellations et les affrontements avec la police, elles préfèrent ne pas s'étendre. Pourtant, elles nous accueillent volontiers chez elles. Actuellement, ils sont dix à habiter les 25 m² que cette mère de famille nettoie à grande eau au moment où nous l'interrogeons. Cela fait trente ans qu'elle habite à Diar Echems. Avant elle, sa belle-mère y vivait déjà. Au milieu de l'après-midi, elle y est seule avec ses trois filles, mais l'espace est déjà exiguë. « Imaginez, quand on rentre tous dormir ici le soir : mon mari, ma belle-sœur, nos sept enfants et moi », explique-t-elle, en nous détaillant le savant agencement des matelas qu'elle a mis en place, entre les deux pièces et le couloir. La télévision qui trône contre un mur occupe la moitié de ce corridor qui mène au balcon. « Mon fils est ingénieur, il lui est absolument impossible d'installer une table ou de dérouler ses plans. A moins que nous sortions tous pour lui laisser la maison, il ne peut pas travailler. Pour ses études, le pauvre, il a vraiment connu la galère ! », explique-t-elle en retroussant les manches de sa robe saharienne rouge. L'aînée de ses filles vient d'obtenir son diplôme en sciences économiques. Sa mère est d'autant plus fière qu'elle n'a bénéficié d'aucun passe-droit. « Nous, les gens de Diar Echems, quand on a un diplôme, on le gagne à la force du poignet, à la sueur de notre front, on a pas de piston comme les autres », glisse fièrement la mère. Sa fille le reconnaît, elle qui a côtoyé les jeunes des « beaux quartiers » sur les bancs de la fac. « Pour l'instant, je ne trouve pas de travail, mais même quand j'en aurai un, je n'envisage pas de chercher un appartement. Regardez, à dix dans 25 m² on n'arrive pas à être relogés, alors, imaginez une fille toute seule ! ». A 22 ans, difficile d'avoir une vie sociale à Diar Echems. Ici, tout se fait en décalé « quand mes filles se changent, je fais sortir mes quatre fils », explique la mère. Impossible aussi d'inviter des gens : pour un invité qui entre, c'est un hôte qui doit sortir. « Et pour aller où ? », fait mine de s'interroger la mère. « Mes filles, je ne les laisse pas traîner dans la cité, il n'y a rien de bon ici ! ». Et ce n'est pas avec les seuls salaires du père et de l'unique fils actif que la famille peut espérer déménager. « Il ne me reste que Dieu et ma patience », soupire la mère, qui finit d'entasser les affaires d'école des enfants dans un coin de la chambre, devenue, le temps d'un repas, la cuisine…