La démocratie dans les pays arabes et musulmans ne peut pas venir de l'extérieur ni être imposée par la force. » C'est l'opinion générale qui s'est dégagée lors du séminaire de deux jours « Islam et démocratie » qui se tient depuis mercredi au Centre international de presse ; organisé par le quotidien Al Bilad, le Centre d'études sur l'Islam et la démocratie (CEID), basé à Washington, et l'Association culturelle pour la promotion de la citoyenneté (ACPC), présidée par Abderrazak Mokri, cadre du Mouvement de la société pour la paix (MSP), une formation politique faisant partie de la coalition au gouvernement.Ont également participé à cette rencontre des représentants du FLN, du RND, d'Ennahda, de la société civile ainsi que des universitaires. Le porte-parole des archs et un représentant du FFS devaient y présenter une communication, alors que le RCD et le MDS ont préféré boycotter la rencontre. Afin de dépasser les clivages partisans, les organisateurs de cette manifestation ont toutefois tenu à préciser que les invités s'expriment en leur nom personnel. « C'est une initiative en direction de l'élite pour discuter de la question de l'Islam et la démocratie, malgré la différence de nos visions », a indiqué M. Mokri. Le responsable du CEID, Redouane Masmoudi, un Américain d'origine tunisienne, a mis l'accent sur le sous-développement des pays musulmans. Le Centre américain d'études sur l'Islam, dont la date de création remonte à 1998, compte 650 membres. Parmi ses principaux objectifs : la promotion de la démocratie, refléter la véritable image de l'Islam aux Etats-Unis et convaincre ce pays d'abandonner son soutien aux régimes dictatoriaux dans le monde arabe et musulman. Comment allier Islam et modernité tout en restant fidèle aux enseignements religieux ? « La démocratie est un ordre divin, le seul système qui concorde avec l'Islam (...). Elle ne peut toutefois se construire que sur une unité nationale », a considéré M. Masmoudi. Les intervenants ont particulièrement insisté sur la nécessité de définir les concepts, de tenir compte des référents historique, social et culturel de ces pays. Abondant sur un terrain très académique, Abdelwahab Derbal, ex-ministre du parti Ennahda actuellement conseiller du président de la République, a relevé les perceptions différentes de la démocratie dans le monde. « CULTURE UNIQUE » Un changement qui interviendrait uniquement sur le plan politique, sans réformes sociale, administrative, économique, ne pourra être que superficiel, selon lui. « La mondialisation, qui impose une culture unique, tout en brandissant les sanctions comme démarche dans les relations internationales (...) justifie le diktat mondial », a-t-il mis en garde. Une allusion directe aux Etats-Unis d'Amérique et leur projet du Grand Moyen-Orient. Accusés d'entretenir une haine et une malveillance contre les pays arabes et musulmans, les Etats-Unis ont eu droit aux critiques les plus acerbes. « Churchill a déclaré que la démocratie est le système le moins mauvais. Les musulmans ont eu des systèmes meilleurs », a considéré Abderrahmane Belayat, accusant les Américains de prendre partie contre l'Islam en ne posant pas la même problématique pour le christianisme et le judaïsme. « Les Américains et les Européens se disent modernes et nous considèrent arriérés parce que nous sommes attachés aux valeurs de l'Islam. C'est une fausse problématique basée sur l'hégémonie et le rapport de force (...). Les Américains accepteront-ils un Président qui ne soit pas blanc et protestant ? », a répliqué l'ancien ministre, précisant que l'Islam n'est pas en contradiction avec la démocratie. Pour Salaheddine Djorchi, du mouvement Ettadjdid tunisien, les accusations contre les Etats-Unis ne doivent pas servir pour se voiler la face sur la réalité désastreuse des pays arabes et musulmans, et ce, dans tous les domaines.