Le maintien de la tutelle matrimoniale pour la femme majeure afin de contracter mariage dans l'avant-projet d'ordonnance adopté en Conseil des ministres a provoqué une grande déception auprès du mouvement des femmes. Elles sont unanimes à dire que son maintien constitue « une véritable régression en matière des droits des femmes ». « C'est une reculade scandaleuse du président de la République. Cela veut dire qu'on dénie à la femme la possibilité d'exercer son droit le plus élémentaire. » Est-ce que nous méritons moins ce droit que les Tunisiennes et les Marocaines ? », s'interroge Soumia Salhi, présidente de la commission des femmes travailleuses (UGTA), en signalant que « la présence du wali (tuteur) signifie que la femme est toujours inférieure à l'homme et (qu)'elle est incapable de conclure, seule, son mariage ». Dans le même ordre d'idée, la présidente de l'association SOS-Femmes en détresse, Meriem Ballala, se dit choquée par cette nouvelle disposition qui vient renforcer la discrimination dont souffre la femme algérienne depuis une vingtaine d'années. « On avait pensé que les amendements adoptés par le gouvernement étaient une avancée à travers la suppression de la tutelle, mais hélas tout a été remis en cause. Cela touche réellement à la dignité des femmes. C'est une réforme obsolète », dira-t-elle. Elle ne s'empêchera pas aussi de relever que la polygamie, qui est soumise à l'appréciation du juge, « est aléatoire et ne met pas à l'abri les femmes. C'est en fait un grand recul ». La juriste Nadia Aït Zai, qui s'est exprimé dans notre édition d'hier, tient à préciser que sa déclaration concernant la tutelle a été faite « sur la base de l'amendement adopté par le gouvernement ». Quant à cette nouvelle mesure, la juriste s'interroge sur la nature du maintien du tuteur. Elle a cherché également à savoir si la présence de celui-ci est simplement symbolique ou s'il lui est donné la possibilité par la loi d'apposer sa signature pour valider le contrat de mariage. Pour Mme Aït Zai, il est clair que la femme peut conclure son contrat de mariage contrairement à ce qui était contenu dans l'article du code de la famille de 1984. Elle considère qu'il y a des « petites avancées », mais que ce point, qui a été remis en cause, « peut signifier une concession faite aux islamistes ». « Il s'agit d'un compromis avec les islamistes, encore une fois, sur le dos des femmes. Mais nous attendons toujours la nouvelle mouture pour mieux interpréter les choses », indique-t-elle. Pour la présidente de l'association AITDF, Ouardia Harhard, ces amendements ne constituent « nullement » une avancée. « Le maintien de la tutelle nous renseigne sur la volonté du Pouvoir algérien de faire des concessions aux islamistes. Nous, nous continuons à dire que seule l'abrogation du code de la famille et son remplacement par une loi civile et égalitaire constitueront une véritable avancée pour la femme algérienne. Cela fait huit mois que les femmes algériennes sont leurrées et embarquées dans des promesses jamais tenues », a-t-elle fait remarquer. Pour Ourida Chouaki, présidente de l'association Tharwa n'Fadhma n'Soumeur, l'article en question amendé et adopté par le gouvernement était l'une des rares propositions qui présentait vraiment une avancée : « Cette nouvelle disposition montre bien qu'il y a un recul du président de la République par rapport à ses engagements concernant les droits des femmes. On est loin de l'égalité entre l'homme et la femme, comme cela est consacré par la Constitution algérienne, par l'exposé des motifs des amendements et des lois internationales en matière de lutte contre les discrimination. » Pour la psychologue, Houria Djaballah, l'adoption de cette disposition est encore « une violence à l'égard de la femme et de la famille. C'est un demi-droit consacré à la femme ». D'après elle, il y a des maux sociaux réels qu'il faut régler pour avoir une famille équilibrée. « Mais ce n'est pas en déniant le droit à un des fondateurs de cette famille qu'on peut résoudre tous ces problèmes. On attendait un peu plus que ce qui a été proposé et nous avons eu beaucoup moins »,regrette-t-elle. Akila Ouared, présidente de l'association ADPDF et ancienne moudjahida, n'y est pas allée avec le dos de la cuillère. « La lutte continue pour l'abrogation du code de la famille. Nous continuons à exiger une loi civile et égalitaire. Le maintien de la tutelle n'est en fait qu'une concession faite aux islamistes. Ainsi, la femme est toujours considérée mineure ou frappée d'incapacité mentale. C'est encore une discrimination », déplore-t-elle.