Cette année, le mouvement féministe algérien célébrera la Journée internationale de la femme dans la déception en raison du maintien du code de la famille. Les associations de défense des droits des femmes militent depuis des années en faveur de l'abrogation de ce texte de loi voté durant l'ère du parti unique. De ce point de vue, ces associations estiment que leur combat d'une vingtaine d'années n'a donné lieu qu'à de « petites avancées » sur le plan de l'égalité entre les hommes et les femmes. Par-delà le jugement porté sur les acquis de leur combat, les associations de femmes estiment tout de même que le projet d'ordonnance amendant le code de la famille, adopté le 23 février dernier en Conseil des ministres, constitue une « petite avancée » qui pourrait ouvrir la porte à un plus grand changement. Ce qui a fait dire à certaines militantes des droits des femmes : « Le combat continue. » C'est ainsi qu'elles sont unanimes à estimer que le fait que le nouveau projet de loi reconnaisse la femme comme un partenaire dans le couple permettra d'instaurer de nouveaux rapports dans la société. Les associations féminines restent toutefois critiques concernant la décision des décideurs politiques de continuer à cantonner la femme dans un statut de mineure. Une décision qui, selon elles, se traduit par le maintien du tutorat. A signaler que des associations, qui ont attendu de prendre connaissance du contenu de l'ordonnance présidentielle pour donner leur avis sur le projet du Président, ont fait connaître, hier, leur position après la publication, dimanche par le Jeune Indépendant, du texte de loi. En prévision des batailles futures, l'Association féminine pour l'épanouissement de la personne et l'exercice de la citoyenneté (AFEPEC) a appelé, dans une déclaration rendue publique hier, à« une plus grande mobilisation pour garantir à la femme ses droits et sa dignité ». Ainsi, l'AFEPEC estime qu'en dépit des changements juridiques apportés, « les femmes restent maintenues dans leur statut de sous-citoyennes malgré leurs luttes et leurs sacrifices ». Allusion aux moudjahidat, à Nabila Djahnine, à Katia Bengana, à El Hadja Menad et à des milliers d'autres citoyennes qui « ont brisé le projet d'une Algérie intégriste ». Pour l'AFEPEC, l'adoption de lois égalitaires n'aurait pas été un geste généreux ou une concession faite aux femmes. Elle n'aurait été, ajoute l'association, que le résultat de leurs multiples luttes et de leur résistance devant une réalité faite de violences, d'injustices et de discriminations intolérables. Partie prenante de ces luttes, l'AFEPEC réitère la proposition d'un code de la famille à choix pluriel, qui « laisse le choix aux femmes et aux hommes d'opter pour le régime par lequel ils désirent être régis ». Dignité et égalité Pour sa part, la commission des femmes travailleuses de l'UGTA, dans une longue déclaration rendue publique le même jour que le 8 mars de cette année, interpelle les femmes sur deux terrains majeurs : l'amendement du code de la famille et les réformes économiques libérales. Pour la commission, le texte de l'ordonnance modifiant le code de la famille consacre « de petites avancées concrètes ». Des procédures, ajoutent les rédactrices de cette déclaration, semblent exister désormais pour permettre à la femme majeure de se marier selon sa volonté, de divorcer quand la vie commune n'est plus possible, d'être reconnue comme partenaire dans le couple. « Ce changement permet à la société d'avancer, alors que le code de 1984 réprimait les pratiques sociales qui s'émancipaient du modèle traditionnel », signale la présidente de la commission, Soumia Salhi. Malheureusement, est-il relevé, « l'architecture inégalitaire du code est confirmée ». Pour la commission des femmes travailleuses de l'UGTA, ce texte nie à la femme l'égalité reconnue par la Constitution (tuteur matrimonial de principe pour la femme, polygamie, droit unilatéral du mari à la répudiation, partage de l'autorité parentale encore inachevée). Le regrettable recul par rapport aux promesses de l'avant- projet, en ce qui concerne le wali (tuteur), est une concession inutile faite aux milieux conservateurs qui, pourtant, n'ont pas réussi à mobiliser la société derrière la défense de la tradition, mentionne la commission, qui soulève, à l'occasion, la problématique des droits de la femme dans le milieu du travail. « Ce 8 Mars soumet la femme à de nouvelles menaces résultant du choix de libéraliser l'économie, de privatiser les entreprises du secteur public et de dépermaniser de larges secteurs de la Fonction publique. Que restera-t-il de l'égalité salariale entre les hommes et les femmes ? Que restera-t-il de notre congé de maternité de 14 semaines payées, sans perdre son emploi ? Que restera-t-il de nos droits ? », s'inquiète-t-elle.