A cinq mois des régionales, le débat sur l'identité nationale est relancé. Objectif pour la droite majoritaire : ressouder son électorat après l'affaire du ministre de la Culture et surtout celle du fils du président de la République. C'est un sujet comme l'UMP les aime tant. Il était censé faire consensus dans ses rangs, comme la sécurité et l'immigration. Comme à la veille de chaque élection, la droite ressort l'épouvantail de l'immigration clandestine. Les chiffres sont très mauvais sur le plan sécuritaire. Et cette fois-ci, le parti présidentiel ne peut s'en prendre à une gauche « angélique ». Mais à force de courir derrière les électeurs du Front national, le parti présidentiel risque un effet boomerang. Joignant leurs voix à celles de l'opposition, plusieurs personnalités de la droite française ont dénoncé, mercredi dernier, le débat sur l'identité nationale relancé par Nicolas Sarkozy. Le Haut commissaire aux Solidarités actives Martin Hirsch, faussement naïf, s'émeut que ce débat revienne sur le devant de la scène : « Je ne me sens pas pas directement concerné par ce débat, parce que les gens avec lesquels je travaille n'ont pas véritablement de problème d'identité nationale. Je trouve que la France n'a pas de problème d'identité ». L'ancien ministre des Affaires étrangères et Premier ministre, actuel maire de Bordeaux, Alain Juppé, a de nouveau pris le contrepied du chef de l'Etat, convoquant Ernest Renan dont la définition de la nation reste « indépassable » à ses yeux. Dans un billet posté sur son blog, il compile une série de citations du philosophe et historien français pour qui « une nation est un principe spirituel, une famille spirituelle, non un groupe déterminé par la configuration du sol ». « L'existence d'une nation est un plébiscite de tous les jours, comme l'existence de l'individu est une affirmation perpétuelle de vie », avait également déclaré Ernest Renan dans un discours passé à la postérité, prononcé en 1882. « Tout est dit. A quoi bon relancer un débat », s'interroge Alain Juppé. Sarkozy en avait fait un thème central de sa campagne présidentielle, en y voyant le moyen de récupérer l'électorat du Front national. Le Front national dit chiche ! Christine Boutin, présidente du Parti chrétien-démocrate (PCD), allié à l'UMP, craint ainsi que ce débat ouvre un boulevard à l'extrême droite. « Je pense qu'à la veille d'élections régionales, il peut très vite déraper sur des discussions dont nous avons horreur », a expliqué Mme Boutin, qui regrette que le débat soit « déjà associé presque exclusivement au problème de l'immigration et de l'intégration ». Et c'est le Front national qui semble se réjouir de cette initiative, en poussant la logique jusqu'au bout. Dans un courrier envoyé au président de la République, la vice-présidente du FN demande à être reçue à l'Elysée et appelle à un Grenelle de l'identité nationale : « Le président Sarkozy a lancé une proposition de débat, le FN dit : Chiche ! Le débat ne peut se faire que dans un cadre solennel à l'échelon national, à l'image de ce qui s'est fait pour l'environnement, dans le cadre d'un Grenelle de l'Identité nationale », exige Marine Le Pen. Tout ça est « glauque » pour le secrétaire général de la CFDT François Chérèque. « Ce débat ne peut pas nous rendre indifférent, mais ce n'est pas le débat d'aujourd'hui. C'est un débat glauque, glauque dans la façon dont le gouvernement le pose. Les Français, aujourd'hui, se posent le problème de leur emploi, et non de leur identité, être salarié aujourd'hui, c'est avoir peur pour son travail, ce n'est pas avoir peur pour son identité nationale », s'indigne François Chérèque. L'opposition ne dit pas autre chose. « On pourrait intituler cette nouvelle séquence du gouvernement avec son bras armé M. Besson, transfuge de la gauche qui agit avec le zèle des nouveaux convertis,''recherche Le Pen désespérément''. L'identité nationale sent le fumet électoral. Tout cela sent très mauvais car c'est l'instrumentalisation d'un thème qui peut être brûlant, et c'est encore une fois jouer aux apprentis sorciers », s'alarme le député et maire de Bègles, Noël Mamère. Selon un sondage, une large majorité de Français (64%) considère que l'objectif principal du gouvernement avec le débat sur l'identité nationale correspond « avant tout » à une « volonté de mobiliser les électeurs de droite en vue des élections régionales ».