De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur Un président de la République qui tente un recadrage en publiant une tribune libre dans un quotidien du soir, les députés qui se saisissent du sujet au cours d'une séance spéciale tenue mardi soir, une multiplication de déclarations de rejet, hors sujet ou à relent raciste. Ainsi va le débat sur l'identité nationale lancé le 2 novembre dernier en France. Un débat qui se cherche sans que soit rigoureusement cerné son contenu. Lors de son lancement par le ministre compétent, Eric Besson, le débat sur l'identité nationale dont l'initiateur est le président Sarkozy, plusieurs voix, de gauche comme de droite, même au sein du gouvernement, ont manifesté leur opposition ou leurs interrogations face à l'utilité de l'initiative pour son caractère jugé politicien à quelques mois des élections régionales, comme une tentative de capter les voix d'électeurs d'extrême droite. La raison d'être même du débat a été remise en cause par tous ceux qui estiment que l'identité nationale n'exige pas de débat. Et, à la surprise du gouvernement, lé débat ne se déroule pas comme il l'espérait, ce qui a donné des arguments à ses détracteurs. Le Front national s'y est engouffré, trouvant là un de ces thèmes de prédilection pour prêcher la discrimination. Quelques élus de la majorité présidentielle ont dérapé ou laissé s'exprimer le fond de leur pensée faite de racisme et de xénophobie. Au fond, le débat a viré souvent autour de l'islam et de l'immigration maghrébine et africaine. Non en termes de réflexion sereine sur leur place au sein de la société française mais en terme de stigmatisation, de préjugé, donc d'une vision de l'autre au contraire de la recherche de la cohésion nationale. Il semble bien, selon la presse française, que, conscient de cette situation et inquiet devant les dérives du débat, Nicolas Sarkozy a décidé d'intervenir sous la forme d'une tribune publiée dans le Monde daté de mercredi dernier. Dans cette tentative de recadrage, il prend comme prétexte l'affaire des minarets pour affirmer que «l'identité nationale est un antidote au communautarisme» et rassurer les musulmans français en s'engageant à tout faire «pour qu'ils se sentent des citoyens comme les autres, jouissant des mêmes droits que tous les autres à vivre leur foi, à pratiquer leur religion avec la même liberté et la même dignité». Sarkozy se déclare favorable au métissage qui est «la volonté de vivre ensemble». Et il ajoute : «C'est de la part de celui qui accueille la reconnaissance, la compréhension et le respect. C'est de la part de celui qui arrive le respect de ce qui était là avant lui.» Cette phrase fait «jaser» car comment parler d'arrivée à la grande majorité de musulmans de France qui sont français maintenant de longue date, majoritairement nés en France et français de naissance. Ainsi, l'association des Noirs de France, CRAN, si elle salue la clarification du chef de l'Etat s'inquiète que «l'on réduise le débat à une problématique d'accueil, qui opposerait ceux qui accueillent et ceux qui arrivent».Le recadrage voulu par Sarkozy a peut-être raté sa cible en centrant son intervention sur identité nationale et islam. Même au sein de la majorité présidentielle, le scepticisme est de rigueur. A gauche, la critique est dure. Au cours du débat sans vote à l'Assemblée nationale, le président du groupe socialiste, Jean-Marc Ayrault, a trouvé que «Nicolas Sarkozy fait de ce débat un instrument de division nationale». «L'identité nationale ne se décrète pas, elle se construit au fil des décennies. Ce débat va faire monter les oppositions entre ceux qui sont d'origine européenne et ceux qui sont d'origine africaine», a renchéri le porte-parole des députés communistes, Roland Muzeau.