Selon Mohamed Bakhataoui, le président de l'Association des magistrats révoqués, 311 juges – soit 10% de l'ensemble du corps de la magistrature – ont été révoqués ou mis d'office à la retraite depuis 1999. «Souvent sur simple instruction du ministre de la Justice», dit-il. C'est ce qu'a enduré justement Khelif Rachid, ancien magistrat révoqué officiant au tribunal de Tazrouk (Tamanrasset). «On m'a accusé de tout, dit-il, de vouloir faire évader un prisonnier d'une maison d'arrêt, d'être fou, un malade mental, de tentative de kidnapping d'un enfant et, en bout de course, ils m'ont jeté à la porte sans même me notifier officiellement la décision de révocation m'empêchant ainsi de faire un recours.» Chargé de mettre en œuvre la réforme promise par le président Bouteflika, Tayeb Belaïz, nommé ministre de la Justice en septembre 2003, a fait fi des recommandations de la «Commission pour la réforme de la justice» en ce qui a trait à la place et au rôle que devait avoir le CSM. «Le CSM, recommandait la Commission Issad dans son rapport rendu en 2000, doit reconquérir la place et le rôle qui lui reviennent pour en faire l'organe par excellence de la protection de l'indépendance du juge ; il doit reconquérir son pouvoir de décision retiré en 1992, le réduisant à un organe consultatif.» La Constitution de 1989 accordait de larges prérogatives au CSM avant qu'elles ne soient démantelées progressivement. L'article 140 de ladite Constitution stipulait que le magistrat n'est «responsable» de la manière dont il s'acquitte de sa mission que devant le CSM. L'Art. 146 confère au seul Conseil de la magistrature le pouvoir de décider des nominations, des mutations et du déroulement de la carrière des magistrats. La promulgation en 2004 de la loi organique portant composition, fonctionnement et attribution du CSM a mis fin à la relative autonomie de ce conseil. Le ministre de la Justice est fait vice-président de cet organe, consacrant ainsi l'immixtion directe et effrontée de la chancellerie dans la gestion de la carrière du magistrat et par delà, la prééminence du pouvoir exécutif – la présidence du CSM revient au président de la République – sur le pouvoir judiciaire dont l'indépendance est pourtant proclamée dans la Loi fondamentale. La composante du CSM, autre enjeu crucial, doit être revue, affirme Djamel Aidouni, le secrétaire général du syndicat des magistrats. «Une nécessité» dit-il. Il y a lieu, selon lui, de confier la vice-présidence au premier président de la Cour suprême, de renforcer sa composante, – de 30 membres actuellement –, «avec des magistrats et seulement des magistrats». Six membres du CSM sont désignés, selon les textes, parmi les personnalités nationales par le président Bouteflika, «en dehors du corps de la magistrature», alors que 10 membres sont élus par leurs pairs. La votation par courrier, en vigueur jusqu'en 2004, a certes été remplacée par un vote effectué au niveau des cours de justice, mais cela n'a pas pour autant apporté de la transparence à l'élection des membres du CSM. D'après Bakhtaoui, les candidats qui passent sont ceux «choisis par la chancellerie» et le dépouillement se fait dans le «secret des cours, sans aucun contrôle des candidats eux-mêmes ou des magistrats électeurs».