De quoi s'agit-il ? Des personnes décidées, demandant le départ de leurs collègues à 70 ans, ce qui est logique, mais c'est un peu défoncer une porte ouverte car cette mise à la retraite a été clairement annoncée par le chef du gouvernement dès son arrivée au pouvoir. Je suis désolé pour mes amis syndicalistes et ils savent que j'ai beaucoup de sympathie pour eux, c'est une victoire prévisible et aisée et comme diraient certains, «à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire». Mais diantre ! Pourquoi 70 ans ? Il y a une loi qui prévoit la retraite à 60 ans pour les femmes et 65 pour les hommes, assainissons d'abord la situation et luttons pour des modifications nécessaires et salutaires pour le secteur hospitalo-universitaire, notre situation sociale et nos conditions de travail. Ce souci d'appeler au respect de la loi ne doit pas nous effrayer, car il sera facile pour ceux qui sont concernés d'avoir le grade de professeur associé et/ou d'émérite, c'est selon la crainte que le départ massif dans ces conditions sera préjudiciable à la santé, n'a pas sa raison d'être. Le syndicat se doit aussi de veiller à l'application du méritanat prévu par décret qui a fait l'objet d'un concours, d'un dépôt de dossier de candidats, de convocation d'un jury qui a statué mais les résultats n'ont pas été proclamés à ce jour. Les personnes intéressées par ce statut devaient partir à la retraite depuis longtemps, mais l'annonce de ce nouveau grade les a poussés à retarder leur départ. Les autorités constatant la précarité des collègues partis à la retraite ont jugé nécessaire de les aligner sur le même statut que celui de certaines institutions (armée, justice…), qui, faut-il le rappeler, prévoit une retraite évolutive. Ce n'est d'ailleurs que justice lorsqu'on sait que beaucoup d'entre nous font partie de cette génération de pionniers qui ont créé une école algérienne de médecine qui a permis qu'actuellement nous comptons un médecin pour 500 habitants un des plus forts taux dans le monde. Ils savent aussi que parmi nous beaucoup et sans aucune aide de l'Etat ont introduit des techniques nouvelles qu'ils ont transmises à leurs jeunes collègues qui, aujourd'hui, les appliquent quotidiennement. Les jeunes ne sont pas en reste, ils ont contribué à cette réussite et méritent mieux que leur situation actuelle, surtout lorsqu'on sait que beaucoup d'entre eux vivent dans 2 ou 3 pièces, souvent transhumant d'un appartement à un autre. Pour toutes ces raisons historiques humaines du travail accompli, les médecins arrivés à la fin de leur carrière doivent bénéficier d'une couverture sociale qui leur permette de finir leurs jours de façon décente. Retraite évolutive et méritanat doivent être défendus et attirer toute notre attention pour le bien de tous, médecins et secteur hospitalo-universitaire. Cependant, ce souci de nos collègues pour «rajeunir» les cadres de l'enseignement m'interpelle, surtout qu'il survient après l'annonce du méritanat et des concours de chef de service. Ce qui me fait craindre que les mêmes personnes qui, pour des raisons qui sont faciles à comprendre, ont œuvré pour annuler ou retarder l'une et l'autre des deux dernières décisions annoncées par les autorités. Cela ne doit choquer personne de le dire, il est malheureusement connu que souvent l'administration agit ou réagit sous la pression de groupuscules qui ont élu domicile dans les coulisses des ministères et en cas de besoin activent leurs canaux d'influence (parents, connaissances), en ne se souciant que de leurs intérêts personnels. Le bouc émissaire est trouvé pour eux, ce sont les chefs de service qui bloquent et qui seraient responsables de la situation actuelle. Mais soyons honnêtes, qui a bloqué la CHUN ? Qui a empêché l'accès au poste de doyen par élection ? Qui a gelé les comités nationaux et toutes les cellules de réflexion ? Qui a submergé les services par un nombre impressionnant de professeurs et d'assistants en dehors de toute norme ? Ce faisant, des centres importants à l'intérieur du pays sont des déserts universitaires et même ceux qui sont nommés dans des villes autres qu'Alger, y reviennent par la voie des pentoses, comme si aller à Sétif ou Constantine serait aller au goulag. Nous avons été affectés à l'époque dans les établissements de l'intérieur, nous l'avons fait sans rechigner et même pour certains avec enthousiasme. Pourquoi l'administration ferme-t-elle les yeux sur certains d'entre nous qui quittent leur travail à des heures indues ? Ou sur ceux qui partagent leur semaines entre le lieu d'exercice légal, les cliniques à l'intérieur du pays et même à l'étranger. Tous les problèmes peuvent être abordés sereinement et nous savons ce qui se passe, nous avons quelques mandarins bien protégés par nos autorités, qui ne veulent pas instaurer un système d'évaluation périodique qui prenne en compte l'activité réelle et quotidienne de tout un chacun et des sanctions au besoin très sévères envers ceux qui ne remplissent pas leurs tâches ou qui se rendent coupables d'abus. Nous savons aussi qu'il y a parmi nos jeunes des collègues qui crient à l'injustice, mais dont l'activité et la présence dans les services laissent à désirer et méritent de la même façon que leurs aînés blâme et sanction. La règle d'or, surtout dans notre profession est l'éthique, ce qui nous oblige à nous renseigner avant d'affirmer d'une façon péremptoire, comme ce jeune professeur qui estime que «tous les chefs de service sans exception freinent leurs jeunes collègues». Dans ce «tout le monde et sans exception», je suis inclus évidement, car ce professeur a certainement pris ses sources grâce à des fuites (ce qui n'est pas éthique) de lettres et correspondances me calomniant qui sont tombées entre de nombreuses mains indiscrètes. Il aurait dû se mettre à jour car «tout le monde sans exception» qui a pris connaissance de ces insanités est arrivé à la même conclusion que ce n'était que des affabulations, des mensonges et des calomnies inventées par une personne qui a déjà provoqué des esclandres dans deux centres, parachuté dans notre service grâce à ses connaissances, sans aucune technicité et qu'on a malgré tout reçue, de la même façon que nous avons accueilli des médecins depuis 50 ans avec respect et chaleur. Elle n'a jamais trouvé des repères dans une équipe homogène composée de collègues épanouis et équilibrés. Se murant dans un isolement total, elle a fini par montrer ses faiblesses et ses limites, dévoilant un personnage misanthrope, acariâtre et même parfois dangereux pour elle- même et ses patients. Monsieur le doyen après enquête l'a déboutée et l'affaire, si affaire il y a, est classée. Ceux qui l'ont protégée et ils étaient nombreux n'ont pu que lui éviter des sanctions qu'elle méritait pour tous ses méfaits et dont certains étaient très graves. Ceci m'amène à poser la question à ce professeur à l'accusation très facile qui à tous les ingrédients d'une calomnie supplémentaire, un chef de service responsable n'a-t-il pas le devoir de sanctionner un de ses collaborateurs quand il le juge nuisible pour son entourage et dangereux pour ses patients ? N'a-t-il pas le devoir aussi de récuser un travail qui ressemble à un plagiat, comme cela s'est déjà vu ? Ou comme c'est le cas de la personne qui m'a calomnié et qui a rédigé une thèse sur des dossiers sur lesquels elle se serait appuyée mais qu'on cherche en vain à ce jour. J'espère pour vous que cela ne vous arrivera jamais, mais si cela est, et je n'ai aucune raison de ne pas croire à votre sens des responsabilités et votre honnêteté, vous prendrez les mêmes sanctions que moi, il faut vous attendre à vivre le même calvaire que j'ai vécu et que vous serez aussi peiné que je l'ai été quand la calomnie s'abattra sur vous. Tenez bon, votre combat est dur mais digne et beau et vous le gagnerez j'en suis persuadé. Cessons ces invectives, ces calomnies, les vrais problèmes sont ailleurs, la situation est grave et ce n'est que dans l'union de tous et dans la communion qu'on pourra sauver ce qui reste à sauver. Les moments que nous vivons ressemblent à ceux qui ont ébranlé les universités françaises en mai 68. J'étais en stage à l'époque de ces événements et j'ai assisté à la querelle des anciens et des modernes. J'ai connu des médecins impliqués dans cette «révolution culturelle». Beaucoup ont reconnu qu'ils ont été manipulés, excessifs et ont suivi des collègues qui, en définitive, n'étaient animés que par le souci de leurs seuls intérêts et leur soif de progresser le plus vite possible. Les retombées ont été catastrophiques, des équipes se sont disloquées du fait que des disputes et des querelles ont éclaté pour savoir qui serait chef pour remplacer ceux qu'ils ont chassés. Un de leur maître, un illustre professeur jovial, artiste à ses heures perdues, dévoué pour ses patients et ses élèves, peiné par les humiliations qu'il a subies et surtout par ceux qu'il a le plus aidés, mourut dans les mois qui ont suivi les émeutes de mai 68. Ils ont réfléchi à ce qui leur est arrivé et depuis quelques années ils ont trouvé la parade pour éviter les citadelles et les bunkers de certains privilégiés. Ils ont opté pour des pôles d'excellence, des centres où plusieurs spécialités sont regroupées qui fonctionnent sans chef de service avec seulement des responsables d'unités choisis pour leur technicité, leur savoir-faire et qui les exercent quotidiennement. J'ai soulevé ce problème au ministère, mais mes jeunes collègues ont protesté vigoureusement m'accusant de les empêcher d'être chefs de service. Un ministre, que je suis allé voir à sa demande, qui lorsqu'on a abordé ce problème me dit tout de go que ma proposition n'était pas honnête car j'avais bénéficié longtemps du titre de chef de service. Ma réponse fut rapide et claire, je lui ai rétorqué : «J'ai, au lendemain d'un voyage au Canada (1975), acquis la certitude que le pôle d'excellence était la solution à beaucoup de problèmes et qu'à cette date (en 1975) je n'étais qu'un assistant. J'ai posé ce problème (et des rapports établis à l'époque l'attestent) à chaque fois que j'étais sollicité pour des réunions mais depuis des années, je n'y participe plus car je n'y suis plus invité et d'ailleurs je n'ai plus la patience d'assister à des discussions sans fin et souvent inutiles.» Le fonctionnement des pôles d'excellence facilite le regroupement de plusieurs spécialités dans un même bâtiment, élimine les querelles de chefferie de service et permet de confier les unités à des gens capables de travailler, de montrer leurs qualités et qu'on peut évaluer facilement et normalement. Les uns et les autres, on n'a pas d'autres solutions que d'avancer dans cette voie. En attendant cette innovation, le syndicat doit défendre les lois sur la retraite, le méritanat, la retraite évolutive et l'évaluation de ceux et celles qui œuvrent dans le système hospitalo-universitaire. Les hôpitaux sont dans un état lamentable, les universités sont des coquilles vides et ne cherchons pas d'alibi nous figurons bel et bien parmi les plus médiocres. Chacun de nous doit se regarder dans un miroir et interroger sa conscience. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous mettre au travail pour redorer le blason de nos institutions. Pour ce faire, on doit aseptiser notre faculté et n'admettre que ceux qui sont armés de la volonté et d'une passion qui confine à la vocation. Cela demande aux universitaires un profil qui exige la probité, la générosité, l'effort, le sens des responsabilités, l'humanisme, la recherche du bien de la collectivité et le souci d'éviter les conflits d'intérêt. Comme le disait M. Legrain, un illustre professeur qui a exercé quelque temps ici, «dans ce métier, on ne doit pas chercher l'argent et que le futur médecin doit savoir dès le début de ses études qu'il ne gagnera pas beaucoup en optant pour la carrière hospitalo-universitaire». Les devoirs et contraintes sont clairs, la carrière d'hospitalo-universitaire est une carrière noble, elle demande des cadres ayant l'esprit de pionnier et la volonté d'œuvrer pour quelque chose de grand et de merveilleux. Le salut de notre université est à ce prix.