Le 23 juillet 2016, le Premier ministre algérien, Abdelmalek Sellal, a reçu une délégation de professeurs-chercheurs hospitalo-universitaires à leur demande. Il a écouté leurs doléances, demandé quelques précisions sur certains points discutés, pris note et pris congé du groupe. Malgré un emploi du temps très chargé, le Premier ministre a accordé à ces professeurs une audience de deux heures, ce qui montre l'intérêt qu'il porte aux problèmes de la santé et de l'université, et ayant réalisé qu'une décision prise à la hâte trois mois auparavant était pour le moins intempestive, il a pris la décision de la geler. Ce comportement responsable, qui a entraîné soulagement et approbation chez l'immense majorité de la communauté universitaire et plus globalement chez la population en général, a eu un effet incroyable chez certains membres du syndicat des professeurs et docents qui s'agitent depuis cette sage décision en oubliant les règles élémentaires de la bienséance et de la déontologie, prétendant agir pour l'intérêt des hospitalo-universitaires au nom desquels ce groupuscule n'a plus le droit de parler, leur mandat électif arrivant en principe à expiration. Poussant l'indécence à un point incroyable, certains sont montés au créneau et ont multiplié les déclarations malveillantes, la désinformation, parfois les menaces. Une grande première dans l'histoire du syndicalisme ! Qu'est-ce qui pousse ces «syndicalistes» à cette fronde ? La décision de geler une mesure prise auparavant sans possession de toutes les données du problème concernant la chefferie de service et le départ à la retraite est une décision conservatoire qui permettra de réfléchir aux mesures légales à prendre pour rendre justice à chacun. Cela permettra de profiter encore dans certains cas et sans déranger en quoi que ce soit le travail pour tous, de compétences confirmées dans tel ou tel domaine, comme celle de notre collègue Hocine Chaouche qui n'arrête pas de sillonner le pays pour réaliser les greffes rénales si importantes pour de nombreux compatriotes. Notre pays est-il en autosuffisance pour se payer le luxe - pour reprendre un autre exemple - de pousser à une retraite précoce des gens de la trempe d'un Farid Chaoui qui a été pendant plus de vingt ans pratiquement le seul à réaliser des gestes d'endoscopie interventionnelle dans le cadre privé ? Il a eu la hauteur d'âme de transmettre à ceux qui l'ont demandé son savoir-faire, mais cet enseignement aurait été bien plus efficace et plus généralisé si les conditions avaient été réunies pour lui permettre d'exercer au sein d'un CHU. Mais au fait, quel est le rôle d'un syndicat ? Est- ce celui d'alimenter une rubrique nécrologique par le biais d'internet ? Je n'arrête pas, pour ma part, de recevoir par courriel des avis qui m'annoncent le rappel à Dieu «de la belle-mère ou du cousin germain de tel ou tel médecin». Ce rituel macabre et saugrenu s'explique sans doute par la spécialité d'un des membres du bureau. Est-ce celui d'organiser des voyages à l'étranger, en cheville avec des compagnies douteuses et des accompagnateurs irresponsables ? Je n'ai toujours pas eu de retour d'écoute à un courrier de protestation concernant un voyage à Barcelone effectué l'an dernier, au mois d'août 2015, où je dénonçais les très nombreuses anomalies observées et durant lequel j'ai été manifestement grugé. Deux membres du bureau du Snechu étaient du voyage avec leur famille et avaient eu également à pâtir des agissements des accompagnatrices, mais apparemment ils sont moins revendicatifs que moi puisqu'ils semblent avoir oublié cette odyssée. En principe, un syndicat doit défendre les intérêts matériels et moraux de ses affiliés. Certains membres du bureau prennent le contre-pied de ces objectifs, en oubliant que toutes les mesures que prendra, comme cela a été promis, le gouvernement serviront in fine à toute la communauté hospitalo-universitaire. En effet, non contents de vouloir envoyer vers le néant quelques professeurs dont ils n'ont jamais défendu l'avenir, ces «syndicalistes» hypothèquent par la même occasion celui des maîtres-assistants, qui touchent moins qu'un homologue de santé publique. A bien y réfléchir, ces «syndicalistes» n'ont plus à se préoccuper de ces maîtres-assistants et encore moins de ceux qui viendront après, puisque «eux» sont maintenant professeurs ! A ce sujet, comment sont-ils professeurs ? A défaut d'assumer leur mission, ce qui prendrait trop de temps, certains «syndicalistes» se sont occupés de très près de l'organisation de concours pour lesquels ils étaient candidats : cela s'appelle un conflit d'intérêts en plus d'une usurpation de fonction puisque la logique et les règles universelles veulent que ces prérogatives devraient revenir aux comités pédagogiques qui ont été systématiquement tenus en dehors des grandes messes organisées pour la circonstance. Dans le même ordre d'idées, l'établissement (ou la participation à son élaboration) d'une grille «sur mesure et secrète» pour un concours ou «H'mida laab, H'mida erracham» (H'mida est juge et partie) porte un nom : c'est un délit d'initiés. Personnellement, en tant que président du Comité pédagogique national de chirurgie, j'ai pu constater aujourd'hui la disparition des radars de bon nombre de ces professeurs fraîchement arrivés qui me tarabustaient dans un passé récent, qui pour avoir plus de cours ou de conférences, qui pour homologuer tel ou tel polycopié : l'enseignement et l'encadrement des résidents a cessé brutalement de les intéresser ! Traiter leurs aînés — qui ont été leurs enseignants — de vieux décatis «puisqu'ils ont atteint 70 ans», suggère plusieurs remarques : c'est d'abord trahir les règles élémentaires d'éthique et faire montre d'une incroyable insolence : me croiriez-vous si je vous disais qu'un de ces «syndicalistes» enseigne… la déontologie ? Tout le monde sait qu'on peut être jeune et en mauvaise santé, et âgé en bon état général : ceci est valable chez les soignants et les soignés. Aux USA, au Canada, le poste de chef de service est une corvée administrative qui est partagée par les rangs magistraux sur le mode de la liste de garde, et en ce qui concerne la retraite il n'y a pas de limite d'âge. En fait, les hospitalo-universitaires partent à la retraite quand ils sentent que le moment venu et s'en vont après passation de consignes, après un pot d'adieu et quelques cadeaux, et surtout avec l'assurance de moyens de vie décents garantis par leurs très nombreuses années de cotisation. Beaucoup de mes collègues n'aspireraient qu'à partir vers cette retraite, à la condition d'être considérés comme tous les autres Algériens et plus particulièrement comme tous les autres universitaires, ni plus ni moins. Et envisager une retraite de cadre de la nation pour des professeurs de médecine, et donc pour les membres du SNECHU plus tard serait-il criminel ? Enfin, notons que le président de la République a été extrêmement avisé en désignant le professeur Zitouni Messaoud qui s'est entouré de personnes-ressources tels que cet autre «Senior», le professeur J-P Grangaud, toujours bon pied, bon œil, afin de piloter le Plan Cancer, si important dans notre politique de santé. Ce plan, pour lequel certains de mes collègues et moi-même avons l'honneur de contribuer à la demande se porte à ma connaissance fort bien et cela est indépendant de l'état civil des uns et des autres. Il n'y a pas que les «vieux» qui en prennent pour leur grade (si j'ose dire). Il y a des jeunes résidents et assistants qui vivent, sous la férule de certains de ces «mandarins micro-ondes», un enfer au quotidien : je connais des services où, après moins de 2 ans de «chefferie», il y a eu 4 mises à pied et renvois définitifs. Est-ce l'ivresse du pouvoir qui monte à la tête ? En tout cas, il s'agit de cas flagrants d'abus d'autorité. Résidents avant-hier, maîtres de conférence hier, ils se retrouvent aujourd'hui à la tête d'un syndicat laissé vacant, livré aux agissements de certains. Ceux-ci se retrouvent brutalement à la tête de services prestigieux grâce au copier-coller et aux posters ! Rappelons-leur que le grand professeur Lebon, immense gastro-entérologue avait commencé sa carrière à Frenda (ce qui peut être considéré comme un bon tremplin promotionnel si on se réfère à notre histoire récente, mais passons), puis Oran avant d'arriver à Alger et que le regretté Illoul l'y avait respecté de manière quasi filiale. Martini, interne des hôpitaux de Paris, avait commencé sa carrière à Orléansville (Chlef), puis, ancien médecin de l'ALN, il avait transité par Parnet avant d'aller à Douéra. Les «Cadors» des années 70', (Abdelkrim Allouache, Mohamed Mehdi, Kamel Daoud et Boussaad Meradji) avaient été chargés de monter la jeune école de médecine de Constantine avant d'envisager leur retour dans l'Algérois (respectivement Maillot, CPMC, Rouiba et Parnet) et Mme Hamladji a transité par Rouiba avant de rejoindre le CPMC. Pour ma part, je rappelle modestement que je suis passé aussi par Rouiba à la fin des années 70', Aïn Taya dans les années 80', et que j'ai traversé «trois émirats et un califat» pour aller à Thénia dans les années 90', avant de rejoindre Kouba. Ayant bien pris le soin, par cette OPA, de s'assurer la mainmise pour le long cours sur les services, certains nouveaux arrivés jouent sur l'inflation de titres pour faire miroiter des promotions qui n'aboutiront jamais pour tous. De même qu'on ne peut imaginer au sein d'une armée une promotion «de droit» pour tous, sans facteurs de sélection discriminants qui feraient que chacun à tour de rôle serait général-major, chef d'une région militaire, on ne saurait faire croire à la vraisemblance de ce type d'avancement miraculeux. Quand le «syndicat» menace de grèves, on peut être tranquille de ce côté-là parce qu'on ne connaît aucun forçat du travail dans leurs rangs. Le stakhanovisme est inconnu chez ces gens-là et si on veut arrêter le travail, encore faut-il le commencer... Ce «syndicat» compterait donc sur ceux à qui il fait des promesses creuses pour aller au charbon. Il se trompe, car les masques sont tombés et on voit bien maintenant quels sont les intérêts défendus. Certains ont cru déceler dans cette diatribe un remake de la querelle des anciens et des modernes : je n'en suis pas si sûr compte tenu du niveau déplorable des attaques de ceux qu'on pourrait prendre pour des modernes. Dans la version originale, les deux parties avaient le mérite du talent et du panache. A titre d'exemple, il s'est passé une chose invraisemblable, qui met en exergue le caractère pervers de ce mode de profil de carrière : je me suis laissé dire qu'un grand service de cardiologie a été scindé en deux par un mur de parpaing, séparant ainsi deux nouveaux promus (ce ne serait pas un cas isolé). En dehors de la symbolique que l'on pourrait y interpréter, entre un cœur droit et un cœur gauche, il y a quand même une agression architecturale qui dénote une des lois de la jungle : la délimitation des territoires avec les autres «mâles dominants». Cela pourrait aussi me faire penser à cette recommandation d'un des chantres des modernes, Boileau, à l'intention de Claude Perrault, frère de l'autre et chirurgien par accident, qui s'avérera bon architecte par la suite : «Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent» «Dans Florence jadis vivait un médecin Savant hâbleur, dit-on, et célèbre assassin ( …) Laissant de Galien la science suspecte, De méchant médecin devient bon architecte» (Boileau, L'art poétique, champ IV). Je ne veux absolument pas remettre ici en question les qualités intrinsèques de la grande majorité des promus, mais plutôt dénoncer le système pervers qui a permis leur promotion et qui nous impose la minorité qui a géré cette planification afin d'arriver, «accrochée à leur roue» et de perdurer dans un système de meute géré par la loi de la jungle qui pousse les anciens au bannissement, les jeunes à être férocement aux ordres et les pairs de rester à bonne distance : merci au SNECHU de nous rappeler que «Homo homini lupus est» (L'homme est un loup pour l'homme) !