Une année est passée depuis l'adoption en grande pompe de la révision de la Constitution autorisant le président Bouteflika à briguer un troisième mandat. Même si une année dans l'histoire d'un pays n'est qu'une marche sur une échelle à hauteur infinie, il s'agit tout de même d'une étape qui a son importance et qui est à même de définir le socle de l'avenir d'un pays. Cette année donc a vu la concrétisation d'un rêve, pas celui d'un peuple mais d'un président qui a décidé de jouir encore de son rang de premier responsable du pays, quitte à triturer la loi fondamentale. Le 12 novembre 2008, 500 parlementaires des deux chambres ont rendu possible la reconduction de Bouteflika et lui ont donné la « baraka » de passer par l'entremise des urnes et devenir pour la troisième fois consécutive président de la République algérienne. La révision de la Constitution qui était présentée par ses initiateurs comme un moyen de mettre de « l'ordre dans la gestion des affaires du pays », confirme, une année après son adoption, qu'elle n'a été que le moyen de maintenir Bouteflika à son poste de premier magistrat. L'amendement de l'article 74 de l'ancienne Constitution, qui limitait le nombre des mandats présidentiels à deux, a été au cœur d'une démarche jugée par les partis de l'opposition comme un viol de la loi fondamentale. Sans soumettre le projet à débat, ni à l'approbation du peuple, les parlementaires des deux chambres ont été conviés à plébisciter un choix autour duquel se base le partage du pouvoir institutionnel. A main levée, comme dans un congrès sans enjeu, 500 parlementaires avaient donné leur quitus pour renforcer le pouvoir du Président, alors que 21 avaient voté contre et 8 se sont abstenus. La non-limitation de mandats a sonné comme la fin d'une époque et le début d'une autre où s'accentue davantage l'écart entre le pouvoir d'un président et les prérogatives du gouvernement et du Parlement. De l'aveu même des signataires de l'acte de révision, de tous les amendements proposés, seule la non-limitation de mandat a vu sa mise à exécution. « Si le troisième mandat est devenu effectif, il reste que les amendements apportés sur la préservation des symboles de la Révolution et celui sur les droits politiques de la femme restent toujours au stade des vœux. « Nous attendons l'amendement de la loi sur les partis et celui du code communal pour voir se concrétiser ce deuxième point sur le rôle politique des femmes », indique Layachi Daadouaa, président du groupe parlementaire du FLN, un parti qui a porté à bras-le-corps le projet de révision de la Constitution. Même constat établi par le chef du groupe parlementaire du MSP, un autre parti qui a soutenu le projet de Bouteflika. « L'accession au troisième mandat est consommée, reste à concrétiser d'autres points », dit-il. Pour rappel, outre la non-limitation de mandats, ladite révision constitutionnelle avait porté sur l'instauration de la fonction de Premier ministre en lieu et place de celle de chef du gouvernement. « Les assemblées élues ont perdu leurs prérogatives » La transformation de cette fonction s'est vue assortie d'une éclipse du chef de l'équipe gouvernementale. « Une année après la révision de la Constitution, les prémices d'une explosion à l'image de celle du 5 octobre 1988 sont là », indique Mohcen Belabbès, député et porte-parole du RCD, parti qui avait voté contre la révision. Le même responsable estime que « de viol de la Constitution on passe au viol de toutes les lois. On a vu comment le chef de l'Etat a fait passer une loi de finances sous l'habillage d'une loi de finances complémentaire sans débat et par voie d'ordonnance. Il n'y a rien à débattre dans la loi de finances actuelle, car la véritable loi de finances est passée en juillet dernier ». Et d'ajouter : « Ce sont les assemblées élues qui ont perdu de leurs prérogatives. Le Parlement est réduit à un rôle de chambre d'enregistrement. Cinq projets de loi sont passés par le Parlement et il ne s'agissait en fait que d'ordonnances. » Le représentant du RCD affirme que « nous sommes dans l'équivalent d'un royaume ». Invité à évaluer la situation politique depuis la révision de la Constitution, le premier secrétaire du FFS, Karim Tabbou, estime de son côté que « le pays est resté dans la même situation de statu quo et d'impasse politique ». Le responsable du FFS, un parti qui a rejeté jusqu'à l'appartenance à un Parlement « complice du pouvoir », considère qu'il y a « une absence de vision que ce soit sur le module politique, économique ou social. Il s'agit d'une situation non pas de mauvaise gouvernance mais de non-gouvernance. Un pays qui est devenu l'otage des réseaux d'intérêts et de corruption qui ont fini par effacer l'Etat ». De l'avis du même responsable politique, les promesses chantées avant la révision de la Constitution ou avant l'élection présidentielle n'ont pas été tenues. « La seule donne dans le troisième mandat c'est la corruption généralisée. Jamais le pays n'a été pillé à cette allure-là. Aujourd'hui, l'Algérie peut réclamer sa médaille d'or en la matière. » Karim Tabbou souligne en outre que pour le meilleur bilan de la révision, c'est l'état des institutions de l'Etat. « C'est un pays dirigé hors normes constitutionnelles. Les Algériens ont vécu l'élection la plus chère de leur histoire et le Conseil constitutionnel vient à la fin approuver une campagne du candidat Bouteflika qu'il a estimée à seulement 1,5 milliard de centimes. Il s'agit-là d'une insulte officielle à l'égard des Algériens. »