Une année après la révision de la Constitution ayant introduit l'amendement sur « la promotion des droits politiques de la femme », qu'en est-il aujourd'hui ? Nous avons contacté les partis pour faire le point. Mais derrière les discours et malgré la commission mise sur pied, sur le terrain, rien ne bouge. « Un an après, on ne sait toujours pas sur quoi travaille la commission créée pour mettre au point une loi. On ne sait même pas de quoi discute cette commission », s'interroge Nassera Merah, chercheur universitaire féministe. L'année dernière, entrait dans la nouvelle Constitution l'article 31bis, stipulant que « L'Etat œuvre à la promotion des droits politiques de la femme en augmentant ses chances d'accès à la représentation dans les assemblées élues ». Une conséquence directe de la ratification par l'Algérie en 2004 de la Convention internationale sur les droits politiques des femmes (1952) entrée en vigueur en 1954. Le projet de loi sur lequel travaille la commission devrait permettre aux femmes de bénéficier de ces droits constitutionnels et de se porter candidates en alternance aux assemblées avec un taux de 30%. Du côté des partis politiques, les discours divergent de par la diversité de leurs propositions et positions, mais se montrent unanimes pour justifier cette disparité frappante par le désintérêt de la femme vis-à-vis de la politique. « Si les partis politiques avaient fait des choses concrètes à ce sujet, cela se serait vu. Ils cherchent des formules pour dire qu'ils ne sont pas contre. Certaines formations arrivent même à trouver des arguments, dans l'histoire, qui nous montrent que les femmes ne sont pas mobilisables », poursuit-elle. Nous avons sondé les partis. Derrière le discours, reste une réalité : sur le terrain, la scène politique n'a enregistré aucun changement concret renforçant la représentation de la femme au sein des assemblées élues. Les chiffres ne peuvent que le corroborer : 30 femmes sur 389 à l'APN, 4 sur 144 au Conseil de la Nation, et 3 sur 46 au gouvernement. Saliha Sassi Djeffal. Membre de l'instance exécutive du Front de Libération Nationale (FLN). Députée à l'APN « Une large consultation couplée à une campagne d'information s'est faite et se poursuit au niveau de toutes les structures de base du FLN (1541 kasmas, 54 mouhafadhas). Une plus large représentativité de la femme au sein de ces structures est non seulement une demande récurrente des militantes, mais aussi une des préoccupations majeures du FLN. Toutes les mesures de discrimination positive sont envisagées : élargissement de la base, meilleur classement sur les listes électorales, système des quotas… Une précision concernant le quota : les militantes du FLN n'ont jamais réclamé un quota ''brut'' qui aurait pour conséquence l'émergence de femmes alibis, mais un quota bien encadré, qui tienne compte des critères objectifs de compétence, d'ancienneté, d'expérience et d'engagement, à l'instar de ce qui se fait pour les militants. Au niveau des structures internes du parti FLN, l'instance exécutive compte 9 femmes en son sein (sur 121) et 96 femmes siègent au conseil national (sur environ 500). » Fayrouz Bouamama. Secrétaire nationale chargée de la condition féminine au Front des Forces Sociales (FFS) « Aujourd'hui, la femme n'entre dans le débat politique que pendant les élections. Je cite l'exemple des mères et épouses des disparus qui manifestent chaque semaine et personne n'en parle, bien sûr parce que le pouvoir ne veut que l'on en parle, mais aussi parce que la capitale reste interdite à toute expression politique. Le FFS considère que la question de la femme est indissociable de la revendication démocratique. Des générations de militantes, toutes tendances confondues, toutes classes confondues ont labouré, semé et engrangé. La mise en place d'une école de formation et l'organisation de forums sur les questions politiques ainsi que sur les questions qui touchent particulièrement les femmes a provoqué une véritable dynamique d'adhésion, notamment dans la communauté universitaire estudiantine. En plus de cela, le parti mène actuellement une stratégie d'ouverture qui commence sérieusement à donner ses fruits en matière d'adhésion féminine au FFS. » Fetta Sadat. Secrétaire nationale au Rassemblement pour la Culture et la Démocratie (RCD) chargée de la question des Droits de l'Homme « Comme à l'accoutumée, la femme a fait l'objet d'un alibi. L'article 31 bis porte déjà en son contenu une forme de ségrégation, car limiter les chances d'accès à la représentation dans les assemblées élues à la femme, sans viser l'Exécutif, réduit la femme à ''un mineur'' qui n'a pas les compétences pour accéder à des postes de responsabilité. Une année après la mise en place de cet article, aucune loi expliquant les modalité d'application n'est venue soulever l'ambiguïté sur cet article. Le parti du RCD, dont l'impact du pouvoir est réduit à 19 représentants à l'APN, ne peut proposer de projet. En revanche, en sa qualité de parti prônant la laïcité et la parité entre la femme et l'homme, notre formation œuvre à initier la femme à s'intégrer dans le milieu politique. Au sortir de la Révolution algérienne, la participation de la femme algérienne dans la chose politique a connu une nette régression. Cette dernière revient à l'éloignement de la femme algérienne de la politique, le code de la famille consacrant un rôle minoritaire à la femme, la disposition de l'article II de la Constitution écartant la possibilité de séparer la politique du religieux et la régression de l'éducation. Pire encore, l'incohérence des différentes lois algériennes avec les Conventions internationales ratifiées par l'Etat algérien, ne peut témoigner que de la structure totalitaire du régime algérien. » A l'APN, le RCD compte une femme sur 19 députés. Moussa Touati. Président du Front national algérien (FNA) « L'article 31 bis introduit lors de la révision constitutionnelle ne devait pas avoir lieu. Le fait d'établir un article ''protégeant'' les droits politiques de la femme fait d'elle un être tributaire de la bonne volonté de l'homme. Pour permettre à la femme de bénéficier de ses droits politiques, il faut lui offrir une éducation politique, la préparer à affronter la vie politique en la mettant en confiance. Convaincre la femme algérienne à se présenter aux différentes élections n'est pas chose facile. Mettre en place des amendements visant à défendre la place des femmes au sein des partis politiques, sans conditions d'application, ne règle pas pour autant les choses. Le FNA a mis en place une cellule dont le rôle est de prendre contact avec les femmes, les former et les initier à la scène politique. » Le FNA dénombre 17 élues femmes élues sur 1800, aucune femme députée des 15 députés hommes. Djelloul Djoudi. Porte- parole du Parti des Travailleurs (PT) « L'article 31bis va dans le même sens que le code de la famille, imposant à la femme des barrières avec des lois souvent contestées par notre formation. Le PT n'a pas attendu les dernières dispositions de la Constitution pour faire valoir ses droits à la femme. L'occupation du poste de secrétaire général du parti par une femme en est la preuve. En outre, le PT se déclare contre le système du quota qui est une forme de ségrégation, la réduisant à une représentation limitée au sein des partis politiques. L'article introduit en 2008 n'a vu aucune précision, ce qui laisse planer une confusion totale en matière des droits politiques de la femme. » 11 femmes sur 26 représentent le PT à l'APN. Nadia Loudjertini. Membre du bureau national chargée de la section des affaires de la femme au Rassemblement National Démocratique (RND) « Le gouvernement algérien a mis en place une commission de travail sur un projet de loi précisant les modalités d'application de l'article 31 bis. Le travail n'a pas encore été concrétisé sur le terrain, mais nous avons l'espoir que les responsables se penchent sur ce dossier. Ainsi, la femme pourra exercer ses fonctions politiques en étant protégée par des lois. La question de l'adhésion de la femme aux partis politiques est aussi cruciale que sa condition dans la société algérienne. La femme algérienne doit accomplir bon nombre de missions, en plus du poids de la famille et de la société qui la dissuadent d'une façon ou d'une autre de rejoindre le milieu politique. Pour cela, nous veillons à désigner une femme au niveau de chaque bureau communal, nous organisons des conférences régionales afin de les convaincre d'adhérer à notre engagement. 30% comme quota attribué à la représentation de la femme dans les assemblées élues est insuffisant, certes, mais nous estimons que c'est un bon début pour inculquer à la classe politique l'importance de la présence féminine dans les différentes formations. » Le RND compte une député femme sur 62 et 67 femmes sur 290 au Conseil National.