Le grand gagnant de cette victoire sportive, tous les analystes sont d'accord pour le dire, c'est bien le pouvoir. « La politique, du côté égyptien comme du côté algérien, a accaparé le jeu, explique Noureddine Hakiki, sociologue. C'est très symptomatique : ces régimes ont besoin de ça car ils traversent une crise de démocratie, de partage du pouvoir, d'autorité. Pour camoufler l'échec politique, ils ont besoin du football. En Egypte, ce désordre a été prémédité : si les médias n'ont pas parlé des incidents, si les services de sécurité n'ont pas fait leur travail, c'est parce que des ordres ont été donnés. Le chaos est fondamental pour le maintien du despotisme. » A l'arrivée, la victoire permettrait d'acheter la paix sociale. Youcef Fates, auteur de Le Sport et la politique en Algérie (1), rappelle combien l'histoire de l'Algérie est jalonnée de « va-et-vient entre le stade et le contexte socio-politique ». « En 1986, la violence a dépassé le cadre des affrontements sportifs entre supporters de deux clubs pour s'installer là où les lycéens et les étudiants manifestaient contre le projet de modification des épreuves du baccalauréat (projet introduisant deux nouvelles matières : l'éducation islamique et l'éducation politique) et contre les conditions de vie dans les cités universitaires. La violence des supporters est d'abord l'expression d'une détresse sociale d'une jeunesse délaissée qui trouve dans le stade le seul moyen d'exprimer sa colère face à un régime autoritaire. » Un avis que partage Ahmed Okacha, psychiatre, qui s'est exprimé cette semaine dans l'hebdomadaire égyptien Alyoum alsabah : « La vraie raison de l'enthousiasme des supporters égyptiens est qu'ils voient dans le football ce qu'ils ne voient pas en politique : la transparence et la possibilité de demander des comptes et l'alternance du pouvoir. Si le capitaine d'équipe fait une faute, on le remplace par un autre… » Les supporters sont-ils politisés ? Sans doute, même si le sociologue Noureddine Hakiki s'étonne de cette « soudaine apparition de symboles nationaux très forts : le drapeau, l'hymne national… par des jeunes qui n'ont aucune mémoire collective et sont coupés de leur histoire et de la renaissance d'une espérance qui ne fait pas partie de leur quotidien. » L'explication, pour Youcef Fates, résiderait dans « le retour du sentiment nationaliste en réponse à la mondialisation, auquel le Maghreb et l'Afrique n'échappent pas ». (1) Chez L'Harmattan, 2009