Il vilipende les pressions qu'exerce cet appareil sécuritaire sur la presse «à travers la publicité» et le «tutorat exercé sur la classe politique». Dans un entretien accordé au site TSA, le secrétaire général de l'ex-parti unique dit clairement qu'il «ne comprend pas pourquoi les militaires sont présents dans les APC, dans les différentes administrations, etc., pourquoi le DRS mène des enquêtes d'habilitation pour les cadres alors que c'est une prérogative de la justice. Est-il normal qu'un citoyen algérien soit interrogé à l'intérieur d'une caserne ? Comment expliquer ces pressions exercées sur la presse à travers la publicité ? Et ce tutorat exercé sur la classe politique ?» Saadani conteste l'influence des militaires sur la presse, la justice et la politique. Il découvre les vertus de la primauté du politique sur le militaire et plaide pour l'instauration d'un Etat «civil». Il reprend à son compte le discours longtemps porté par l'opposition démocratique, contre lequel lui-même et son parti se sont acharnés pendant de longues années. Cette charge de Amar Saadani contre le redoutable «département» de l'armée pourrait sonner comme un nouvel épisode dans le bras de fer qui opposerait le clan présidentiel – dont il est le porte-parole politique, décidément – à l'autre bloc du pouvoir représenté par les militaires et son noyau dur, les services de renseignement. Ils se livrent une «guerre» sur fond de crise de succession qui devient de plus en plus problématique pour les décideurs. Le chef de l'Etat, qui continue à diriger le pays dans un fauteuil roulant, fait mystère de ses intentions. Veut-il partir à la fin de son mandat ou voudrait-il rempiler ? Sans voix, Bouteflika ne sort pas du bois, mais son entourage ne cesse d'envoyer des messages et de marteler qu'il est candidat pour un quatrième mandat. Mais l'épais brouillard qui couvre la «République» n'est pas pour autant dissipé. Les pôles au pouvoir, civils ou militaires, rompus aux méthodes opaques et pernicieuses, ont tellement fermé le jeu politique qu'il est difficile d'y voir plus clair. Fumée noire Pas si aisé de parier sur tel ou tel scénario probable. Les décideurs n'émettent aucun signal et la fumée noire sortant des conclaves, qui se déroulent dans les salons feutrés du régime, brouille toutes les cartes. Elle est le signe d'une crise larvée qui est remontée à la surface depuis que Bouteflika a opéré des changements importants au sein de l'institution militaire que d'aucuns y voient une manœuvre d'affaiblissement du rôle prépondérant du tout puissant Département du renseignement et de la sécurité, voire son «démantèlement». Il faut dire que depuis l'intronisation de Amar Saadani par un coup de force à la tête du FLN et contre une décision de justice, le clan présidentiel attaque pratiquement à visage découvert. La maladie du chef de l'Etat et sa convalescence qui s'éternise n'ont pas entamé les velléités de son entourage à mener «la guerre tactique» pour peser lourdement dans la négociation d'un «consensus» en vue de la succession ou de la reconduction peu probable de Bouteflika. Il faut rappeler qu'à la faveur du remaniement gouvernemental, intervenu le 11 septembre passé, le Président a renforcé son contrôle sur des postes stratégiques au sein de l'appareil gouvernemental, nommant des affidés, essentiellement, aux ministères de la Défense, de l'Intérieur et de la Justice, et au Conseil constitutionnel. Les habits neuf de Bouteflika La nouveauté vient du fait que, dans son offensive, le clan présidentiel tente de séduire une partie de l'opinion en enfourchant un discours qui cherche à «émanciper» l'Etat de l'emprise d'un pouvoir militaire. Amar Saadani, un personnage tourné en dérision par l'opinion publique, semble être chargé de donner le la à cette nouvelle musique aux «belles paroles». Lui qui a dirigé les comités de soutien de Bouteflika avant d'être bombardé à la présidence de l'Assemblée nationale en 2007 par la grâce du même Bouteflika – béni par les autres factions du pouvoir – n'est plus opposé à l'officialisation de la langue amazighe et regrette, la main sur le cœur, l'ingratitude de l'Algérie officielle à l'égard du leader historique Hocine Aït Ahmed. «Sur les plans politique et historique, je trouve qu'on a été injuste avec cet homme et son parti. Il faut que cette situation cesse», a-t-il statué. Surprenant. Mais entre-temps, beaucoup de «sang» a coulé sous les ponts et le pays a fait des bonds géants en arrière. Saadani, qui s'emploie à présenter Bouteflika dans un habit de «réformateur», n'est pas sans savoir que son candidat pour un quatrième mandat s'est farouchement opposé à l'officialisation de tamazight lors de la révision de la Constitution en 2002. Il a aussi décliné toutes les propositions de sortie de crise formulées par l'opposition démocratique qu'incarnait entre autres Hocine Aït Ahmed. Durant quinze ans de règne, Bouteflika et tous ses soutiens n'ont pas caché leur aversion pour les idées de démocratie et de liberté. Le discours de Saadani sonne faux et a cette particularité de brouiller encore davantage les cartes. Dans ce théâtre d'ombres auquel se livrent les décideurs, il y a risque d'exposer le pays à des périls certains tant la perspective politique immédiate demeure confuse.