Ces deux derniers jours, la plupart des boulangers du pays ont gardé les rideaux baissés. Une grève du pain ? Elle était dans l'air depuis au moins une année. On a même évoqué à l'époque une possible augmentation du prix de la baguette. Officiellement, celui-ci est fixé depuis une dizaine d'années à 7,50 DA pour 250 g. Mais combien sont-ils aujourd'hui ces artisans boulangers à pratiquer réellement les prix fixés par l'administration ? Très peu assurément. L'an dernier, beaucoup d'entre eux ont invoqué la hausse du prix de la farine pour justifier leur demande d'augmentation, oubliant de dire en fait qu'ils étaient obligés de s'approvisionner auprès des minotiers privés. Voilà qu'aujourd'hui ils demandent aux autorités du commerce de prendre en considération la hausse des prix des produits entrant dans la composition de ce complément alimentaire quotidien essentiel des Algériens. Les pouvoirs publics, pour leur part, ne veulent rien entendre, et surtout pas d'augmentation par crainte sans doute d'avoir à affronter des « émeutes du pain ». Après la distribution des logements sociaux, des postes de travail au niveau local et tout récemment, avec la vague de froid, celle du gaz butane dans les communes enclavées, le spectre des manifestations contre la hausse des prix du pain donne certainement à réfléchir aux pouvoirs publics. Au-delà de ce bras de fer annoncé entre les artisans boulangers et l'administration du commerce, c'est toute la question de la fonction de régulation de l'activité commerciale par l'Etat qui est ainsi posée. Et si les boulangers ont arrêté leur pétrin durant quarante-huit heures, c'est sans doute parce qu'ils ont été livrés à eux-mêmes et aux autres intervenants intermédiaires qui ont voulu se positionner sur un créneau resté pendant de longues années sous le monopole de l'Etat. Ceux-ci ne se sont pas gênés pour pratiquer les prix qu'ils voulaient. Les boulangers réclament quelque part la même possibilité. La déréglementation a eu pour effet une dérégulation dont les boulangers sont les premiers à en payer les frais. Une remise en ordre des choses sous-entend donc un retour à ces missions négligées de l'Etat, et ce, pas uniquement pour le pain, mais également pour les transports en commun où les usagers sont confrontés à une véritable « loi de la jungle » et où tout le monde fait n'importe quoi et aussi pour tout le secteur de la distribution d'une manière générale. Et c'est dans ces fonctions retrouvées que pourront être définies les conditions dans lesquelles seront assurées les missions de service public par des opérateurs privés et autres artisans au profit des citoyens.