L'Egypte continue à nous cogner dessus sans que nous réagissions. Et ça dure! La tension est montée d'un cran depuis vingt-quatre heures à Alger. Les partis politiques, les représentants de la société civile et la presse sont unanimes à considérer que les autorités algériennes doivent rompre leur silence face aux innommables outrages que subissent, sans discontinuité et depuis une semaine, le peuple algérien, son emblème national et sa dignité. Les dirigeants égyptiens, à ce rythme, finiront par souiller la dignité de tout notre peuple, faute d'une réaction vigoureuse de notre gouvernement. Trop, c'est trop! Avouons que notre orgueil national a pris un sérieux coup, et cela sans qu'aucune capitale arabe n'ait songé, jusqu'à hier, à réagir ou à désapprouver cette campagne haineuse qui renseigne de manière éloquente sur la vraie nature des sentiments qu'ils nourrissent à notre égard. Quand des ministres de Moubarak traitent leurs homologues algériens de voleurs, de menteurs, de bandits et de «baltaguia», quand l'animateur Ibrahim Hidjazi, évoquant son passé de capitaine de l'armée égyptienne lors de la guerre d'Octobre 73, accuse des officiers de l'ANP de «minables», quand de pseudo-intellectuels traitent les Algériens de «peuple primitif» et dont les femmes sont «réputées pour faire le tapin» dans les cabarets du Moyen-Orient, et cela depuis les studios des télévisions officielles et gouvernementales, comme El Masria ou Nile Sport, avec la bénédiction des Moubarak boy's, il n'y a plus raison d'espérer que la curée médiatique, aussi virulente soit-elle, cesserait. Après avoir entretenu «savamment» l'amalgame sur les termes de barbare et de berbère, voilà qu'un nouveau pas est allégrement franchi pour insulter les origines ethniques des populations algériennes en les comparant à des moins que rien! N'y sont-ils pas allés jusqu'à dénigrer nos plus illustres dirigeants de la Révolution et à cracher sur les tombes de nos martyrs en les qualifiant de «chair à canon»? Jamais, depuis l'Indépendance de l'Algérie, une telle haine n'a été déversée, à flots continus, sur notre peuple, et cela dans les moments de tension ou de crise, y compris avec l'ancienne puissance colonisatrice. L'inédit aujourd'hui, c'est un éclopé de l'Histoire, l'Egypte, qui ose s'attaquer à une citadelle inexpugnable du monde arabe, celle qui leur a appris à écrire avec des lettres de sang les mots bravoure et héroïsme. L'Egypte ne nous a jamais rien donné puisqu'elle n'a tout simplement rien à offrir. Aucun Egyptien n'est mort pour l'Algérie. Par contre, lors des guerres de Juin 67 et d'Octobre 73, ce sont bien nos djounoud qui sont tombés à Ismaïlia et à Port Saïd pour défendre ce qui restait de l'intégrité territoriale égyptienne. C'est bien le président Houari Boumédiène qui avait réglé, rubis sur l'ongle, avec un chèque en blanc, les achats d'armes en Union Soviétique, pour une armée de soudards et de bikbachis, sonnée et déjà en déroute. Les dirigeants algériens, ayant accompagné Boumédiene, à l'époque, à Moscou, rapportent cet échange de propos avec Brejnev et Kossyguine. - Monsieur le président, ces armes que vous achetez pour l'armée égyptienne vont finir dans les mains des Israéliens. Ce sont de belles armes, mais permettez-moi de vous dire que les armes les plus redoutables ne pourront rien tant que ceux qui sont censés s'en servir n'ont ni l'aptitude, et encore moins le courage de se battre. Et les Américains riront de nous en disant que si l'Egypte a perdu la guerre, c'est par la faute du mauvais armement soviétique. - Mon devoir d'Arabe et de patriote est de me battre aux côtés de mes frères, répondit, lapidaire, le président algérien. Le drapeau algérien a été brûlé une énième fois au Caire. Et par qui? Des avocats et des intellectuels. Notre honneur a été souillé par des moins que rien et nos femmes traitées publiquement de putains par des chaînes satellitaires égyptiennes reçues dans vingt pays arabes. Dans la patrie des péripatéticiennes, cette sordide accusation fait sourire. Jusqu'à quand allons-nous nous taire? Que pense déjà de nous le monde arabe? A ce train, les pétro-monarchies du Golfe et d'autres affidés des officines de la bande de Moubarak ne lésineront pas à emprunter ce sillon de désespoir pour la mise en terre définitive, après tant de complots ourdis, de l'Algérie. Nous n'avons pas besoin de l'Egypte. Nous ne voulons pas entretenir quelque relation que ce soit avec un gouvernement, avec un système issu de la pire engeance qui nous voue, et l'on vient de nous en apercevoir, une haine viscérale. Presqu'un demi-siècle après notre indépendance, n'est-il pas temps que les Arabes, tous les Arabes, apprennent à nous respecter? Rompre nos relations diplomatiques avec l'Egypte est une exigence aujourd'hui. Mieux, un devoir national qui ne relève ni de la précipitation, et encore moins d'une étroitesse de vue quant à nos rapports avec le monde arabe, en général. 35 millions d'Algériens attendent de nos dirigeants qu'ils prennent leurs responsabilités. Qu'ils réagissent vite et fort. Sinon notre silence finirait par être assimilé à de la couardise. Un mot qui ne figure guère dans notre lexique.