Le monde entier était suspendu à ses lèvres : le président américain n'a finalement pas déçu, y compris dans la Vieille Europe, toute heureuse d'être érigée en partenaire des Etats-Unis dans l'aventure afghane. Le discours d'Obama valait plus par son engagement à continuer la lutte au pays de Karzai avec les alliés retrouvés, que par le nombre de soldats supplémentaires qui allaient être annoncé. Les dirigeants de la France, d'Allemagne, d'Italie, d'Espagne et évidemment du Royaume-Uni ont applaudi à tout rompre le va-t-en guerre du président américain. Pour certains, parce qu'il les dispense de faire un grand effort de guerre. Pour d'autres, pour le simple fait de recevoir une invitation au champ de bataille afghan, comme ne l'aurait jamais fait l'unilatéraliste George Bush. Et dans les deux cas, le discours d'Obama a pris l'allure d'un cri de victoire d'une première bataille, en attendant de gagner la guerre. Hier, tous les pays plus ou moins proches des Etats-Unis ont salué l'annonce par le président américain de l'envoi de 30 000 soldats supplémentaires en Afghanistan. Mais cela ne suffit pas. L'avertissement de Rasmussen Et le secrétaire à la Défense, Robert Gates, a glissé diplomatiquement ce que l'Administration américaine attendait de ses alliés, au-delà des superlatifs et adjectifs ronflants : « Les Etats-Unis souhaitaient que les pays membres de l'Otan envoient entre 5000 à 7000 soldats supplémentaires en Afghanistan ». Voilà qui risque de tempérer l'ardeur fardée des Européens. Le patron de l'OTAN, lui, s'est chargé d'allumer le feu : « Les Américains ont opté pour une approche multilatérale et je crois que les Etats-Unis commenceront à mettre en doute cette approche si les autres alliés ne prennent pas leur part du fardeau. » En clair, les alliés sont mis en demeure de faire un effort de guerre en Afghanistan, faute de quoi l'Administration Obama ferait cavalier seul et à leurs risques et périls… Cette menace verbale d'un probable retour à l'ère Bush de la gestion des crises internationales n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. L'Union européenne a tôt fait de réagir en assurant qu'elle était « prête à travailler en étroite collaboration avec les Etats-Unis et d'autres parties de la communauté internationale pour relever les défis en Afghanistan ». Comme il fallait s'y attendre, c'est le Premier ministre britannique, Gordon Brown, qui a montré à ses amis européens la voie à suivre : « Soyons unis derrière la stratégie de Barack Obama. » Mieux encore, le patron du 10 Downing Street a exclu un début de retrait britannique avant que les Afghans soient en mesure de prendre le contrôle de leur sécurité, évoquant l'échéance de 2011. Londres, qui a le deuxième contingent en nombre derrière les Etats-Unis (près de 10 000 hommes), a déjà confirmé l'envoi de 500 soldats de plus en Afghanistan. Reste Paris, Berlin, Madrid et Rome. Pour ces pays, la prudence semble être le maître mot. Mais ont-ils le choix ? Pas si sûr. Premiers indices : Le chef du gouvernement italien, Silvio Berlusconi, a assuré que l'Italie « ferait sa part », consciente qu'en Afghanistan c'est « la crédibilité de l'Otan, dans la lutte contre le terrorisme qui est en jeu ». Brown montre la voie La France feint de résister. Mais pas pour longtemps. Sarkozy promet de renforcer sa contribution à la formation de l'armée et de la police afghanes d'ici janvier. Berlin préfère attendre la fameuse conférence sur l'Afghanistan prévue fin janvier pour, peut-être, draper son engagement aux couleurs de la communauté internationale. Mais Washington a déjà fixé les contingents supplémentaires pour chacun de ces pays. Selon le quotidien français Le Monde, Obama réclame 10 000 soldats supplémentaires à ses alliés, dont 2000 à l'Allemagne, 1500 à l'Italie, 1500 à la France et 1000 au Royaume-Uni. C'est donc juste une question de temps, et de ton, histoire de sauver la face à un président américain, certes sympathique mais sujet à une poussée d'adrénaline. Le Japon, l'Inde et les autres petits pays gravitant autour des Etats-Unis promettent eux de délier les cordons de leurs bourses pour reconstruire ce que ces renforts en soldats auront détruit en Afghanistan. Seuls les taliban ont cassé un peu l'unanimité en faveur d'Obama. Ils ont promis au président américain de lui renvoyer ses soldats dans des « cercueils ». La guerre en Afghanistan ne fait que commencer.