Parmi les inconvénients majeurs des décisions ultralibérales, on peut citer l'aggravation des crises macroéconomiques et la tendance lourde à la hausse du chômage et à la baisse de la croissance. Ceci est tout à fait normal vu qu'on s'attelle à réduire les dépenses de l'Etat sans toutefois s'assurer que le secteur privé s'accroît à un rythme qui absorbe toutes les entrées des personnes dans le marché du travail. On a aggravé les problèmes économiques et sociaux. La réapparition et l'approfondissement des inégalités depuis la moitié des années soixante-dix n'a fait que s'accentuer et compliquer la conduite des politiques économiques. Il est bien connu en macroéconomie qu'il est plus facile de relancer l'économie, la croissance et le bien-être dans un système où les revenus sont distribués plus équitablement. Le seul point globalement positif qui en résulte est l'essai un peu partout dans le monde à améliorer les performances des institutions publiques. Ceci ne compense en rien les déséquilibres macroéconomiques et les immenses détresses créées. Mais s'il y a un élément positif mineur créé, il faut le souligner. Cependant, même cet effort de rationalisation des activités administratives a été approfondi et mieux mené par les gouvernements keynésiens. Le plus bel exemple suivi par l'ensemble des pays a été l'œuvre de l'équipe britannique autour de Tony Blair qui a essayé de révolutionner le mode de fonctionnement des institutions de service public en Angleterre. Par la suite, ce sont les pays scandinaves qui ont le plus et le mieux approfondi les réformes administratives en Europe. La France fit une incursion tardive dans les réformes, mais bénéficie de l'expérience des autres pays qui l'ont précédée. Elle a plus de recul. Certains pans de ses administrations sont en train de se moderniser rapidement. Les expériences de modernisation administrative sont encore en cours dans la plupart des pays. Elles ne sont pas achevées. La situation est loin d'être simple. C'est une tâche gigantesque qui — même menée avec le maximum de précautions — réserve des surprises ; tant des situations extrêmement compliquées surgissent. Cependant, tous les pays qui ont fait des réformes profondes ne veulent pas revenir aux modèles trop centralisés et trop bureaucratisées d'antan. Certes, de nouveaux défis surgissent à chaque fois. Certains domaines connaissent des améliorations appréciables, et d'autres des insatisfactions qu'il faudrait prendre en charge. Mais dans l'ensemble, le retour aux systèmes de gestion publique tels que nous les connaissons en Algérie ne semble plus possibles ailleurs. Les mutations essentielles Auparavant, les secteurs publics ressemblaient en partie à nos administrations. Les décisions se prennent toujours en haut de la pyramide. Les responsables ne choisissent nullement leurs subordonnés. Les contrôles exercés sont routiniers et concernent surtout les budgets et les respects des lois et des différentes directives. Pour cela, les sciences administratives tiraient leurs sources surtout du droit et des finances publiques. Le fondement essentiel du bon fonctionnement reposait sur le respect de la standardisation et d'une certaine éthique. Si cette derrière était bien inculquée, elle deviendrait un mode opératoire qui garantirait le bon fonctionnement des institutions administratives. Dès lors que le personnel administratif serait imbu de l'éthique de son métier, alors il ne pourrait qu'être dédié à sa mission, sa raison d'être et la performance ne serait pas loin. Plus le système de formation et la culture des institutions induirait une éthique respectée de tous, plus on pourrait s'attendre à un mode de fonctionnement qui serait acceptable par les citoyens. De surcroît, les processus de standardisation devaient faciliter la manière de faire des institutions. Délivrer un permis de construire nécessiterait les mêmes études, le même dossier et les mêmes contrôles à travers tout le territoire. Ceci devrait induire des économies d'échelles et faciliter le contrôle non financier. La théorie de la bureaucratie (Max Weber) a été préconisée et utilisée à fond et sortie de son contexte. Lorsque les agents de l'administration sont bien formés, sensibilisés et contrôlés, on peut en attendre une certaine efficacité. Mais la plupart des citoyens dans le monde ne sont pas satisfaits des pratiques administratives de leurs pays. Alors des voix se sont élevées un peu partout dans le monde pour moderniser le management des administrations. On a essayé de voir du côté des entreprises, ce qu'il convient de transposer, avec certains ajustements. Les nouveaux systèmes de management administratif se caractérisent par deux tendances lourdes. En premier lieu, l'abandon progressif de systèmes ultra centralisés en donnant plus de responsabilités et de moyens aux institutions locales. Tous les domaines sont concernés, y compris la rémunération. L'abandon de l'avancement et de la rémunération sur la base de l'ancienneté est d'actualité. La seconde et la plus importante révolution a pour nom la convention d'objectifs. On passe d'un accomplissement de tâches à des réalisations de résultats. On ne dit plus à un directeur d'hôpital d'améliorer la qualité des soins, mais de baisser la mortalité dans le département cardiologie de 5%, de réduire les temps d'attente de soins pour des maladies peu graves de 3 semaines à deux semaines dans un délai de six mois, etc. Il y a beaucoup de précautions à prendre et de conditions à mettre en œuvre pour qu'un tel système produise des résultats acceptables. Mais ce qui est sûr, c'est que les modes de management administratifs tels que nous les pratiquons chez nous sont irréversiblement abandonnés partout dans le monde par les pays développés et émergents.