A Constantine comme ailleurs, les préoccupations des citoyens sont partout, sauf devant les affiches des candidats en lice pour la magistrature suprême. Et pour cause ! Las des séduisantes promesses sans lendemain, les électeurs sont de moins en moins nombreux à se précipiter pour assister aux meetings animés par les émissaires de Bouteflika et ses adversaires, «aidés» quelque peu par la délocalisation de la campagne vers des sites en dehors du centre-ville, lieu de convergence de la population, quelle que soit son obédience politique. La fermeture de la maison de la culture Mohamed Laïd Al Khalifa et du palais de la culture Malek Haddad en vue de leur réhabilitation dans la perspective de l'événement culturel de 2015 pénalise les candidats, car ces deux infrastructures sont situées au cœur de la ville. Avec seulement sept tribunes proposées aux candidats à l'élection présidentielle, la plupart éloignées du centre-ville, les services de la wilaya de Constantine ont largement contribué à plomber une campagne déjà bien tiède. Le désintérêt des citoyens est, en effet, manifeste. «Qu'ils arrêtent de nous prendre pour des ignorants, c'est toujours pareil, ils nous parlent de transparence et d'élections propres. Qu'ils commencent d'abord par retirer Bouteflika de la course. Il est malade, Rabi Yachfih (que Dieu le guérisse), il doit laisser la place à des gens plus capables», affirme, non sans hargne, un jeune adossé à un mur, non loin d'une affiche de Ali Benflis. Des affiches encore rares trois jours après le coup d'envoi de la campagne électorale. «Moi, je ne voterai pas !», lance avec conviction une diplômée en journalisme, qui ajoute : «D'ailleurs, je ne possède pas de carte de vote, car je ne fais pas confiance au système actuel.» L'Algérie au «quitte ou double» La crise de confiance prévalant au sein de la population a la peau dure et ce ne sont pas quelques mandataires, honnis par ces mêmes électeurs qu'ils tentent de courtiser à coups de slogans insipides et exsangues de toute consistance, qui risquent de changer cet état de fait. A Constantine, en tout cas, plus personne n'est dupe. «La population rejette toute cette mascarade, certains prétendus pro-Bouteflika le soutiennent plus par peur des représailles que par conviction. On essaye de jouer le jeu, welli fel guelb fel guelb», déplore une militante du RND, complètement désillusionnée, obligée de «pointer» dans les meetings organisés par la direction de campagne du président-candidat. «Je suis une fonctionnaire et si on ne me voit pas dans les meetings de Bouteflika, on va me taxer d'être une opposante. Imaginez un peu les déboires que j'aurai dans mon travail», précise-t-elle par ailleurs. Coincé dans les embouteillages et pestant contre le tramway et les travaux qui ont encombré la ville au lieu de la décongestionner, un chauffeur de taxi s'emporte, quant à lui, avec beaucoup d'amertume, critiquant les tenants du pouvoir, les accusant de «jouer avec l'Algérie au quitte ou double, comme s'ils jouaient une partie de cartes où tous les coups sont permis pour instaurer leur monarchie autocratique». Pour nombre de Constantinois, cette nouvelle joute électorale s'apparente à un «jeu malsain» auquel ils refusent de prendre part. Constantine arrivera-t-elle, encore une fois, dans le trio des wilayas enregistrant les plus faibles taux de participation aux élections ? Les paris sont ouverts…