Effacement de la dette dans le cadre des mesures annoncées en ce sens au profit des agriculteurs par le président de la République, le 28 février dernier à Biskra, et arrêt des poursuites judiciaires qui les menacent en conséquence. Telles sont les principales revendications des agriculteurs assimilés auprès des pouvoirs publics. Ils dénoncent aussi les contrats signés avec la Société algérienne de leasing mobilier (Salem), aujourd'hui liquidée. Contrats qu'ils qualifient de « biaisés » et d'« arnaque ». Ils souhaitent l'ouverture d'une enquête sur ce volet et leur intégration dans les programmes nationaux de développement agricole. Comment ces agriculteurs se sont-ils embourbés dans cette situation « inextricable » ? Les « déboires », aux dires de leurs représentants, ont commencé en 2002 avec le lancement du Plan national de développement agricole (PNDA). De jeunes ingénieurs agronomes, techniciens supérieurs et techniciens d'agriculture sont intégrés dans ce dispositif. L'opération est financée à hauteur de 50% par le ministère de l'Agriculture et du Développement rural sous forme d'aide non remboursable et le reste par la Salem à travers des contrats de crédit-bail. Ce qui leur permet d'obtenir de cette société du matériel. Cependant, ils sont confrontés, dès le début de cette opération, à des difficultés qui entravent leur activité. Entre autres difficultés évoquées, la non-acquisition du matériel prévu et dans sa totalité pour travailler, les papiers des équipements acquis « ne nous ont pas été remis pour des raisons inexpliquées malgré nos doléances. Ce qui nous empêche de circuler dans la légalité et condamne ces équipements à rester immobiles. Aussi, les échéanciers de remboursement n'ont pas été effectués dans des délais raisonnables pour éviter l'accumulation des dettes. Les chambres d'agriculture de nos wilayas respectives nous ont remis des cartes d'agriculteurs assimilés. Cartes qui ne sont pas reconnues par les différents services d'administration tels que les services des impôts et la Caisse nationale de sécurité sociale des non-salariés (Casnos). Après des années d'inertie, les responsables de la Salem nous demandent, contre toute attente, de payer des sommes colossales en guise de prétendus arriérés d'échéances impayées qui, à leur avis, seront majorées de pénalités de retard et autres frais accessoires. Dettes dont nous ne sommes ni responsables ni en mesure d'honorer. Ils ont usé de ces pratiques pour se couvrir des éventuelles retombées de leurs précédentes négligences. » Aujourd'hui, « c'est le liquidateur de cette société qui exige de nous le remboursement de la dette, faute de quoi, nous passerons devant les tribunaux ». En plus, affirment les mêmes interlocuteurs, des dispositions de l'ordonnance du 10 janvier 1996 relative au crédit-bail « ne sont pas respectées ». Sachant que l'article 2 du contrat de leasing précise que « le présent contrat est passé selon les dispositions de l'ordonnance du 10 janvier 1996 ». En effet, « les pages du contrat ne sont pas paraphées par les deux parties ». La durée de location et les loyers « ne sont pas mentionnés ». La durée de location doit être fixée d'un commun accord conformément à l'article 12 de ladite ordonnance. « Ce qui n'est pas le cas ». Cette disposition stipule que « la durée de location correspondant à la période irrévocable est fixée d'un commun accord ». Des contrats bourrés d'anomalies Entre-temps, il est relevé que les documents contractuels prévus par l'article 3 du contrat, à savoir les annexes 1, 2 et 3 ayant trait respectivement aux spécificités techniques, l'échéancier de paiement des loyers et les conditions générales « doivent être lus et approuvés par les deux parties, ce qui n'est pas fait ». Autre « anomalie » constatée, le « non-respect » de l'article 4 du contrat de leasing, indiquant que « la location prend effet à la date de livraison ». Or, le matériel « est livré à une date postérieure à celle de l'échéancier de remboursement et de surcroît établi d'une façon unilatérale par le bailleur ». Vu ces « irrégularités », les contrats en question signés entre les deux parties perdent cette qualification et peuvent être frappés de nullité conformément à l'article 11 de l'ordonnance du 10 janvier 1996 qui précise que « le contrat de crédit-bail mobilier correspondant au leasing financier doit, sous peine de perdre une telle qualification, mentionner la durée de location, les loyers, l'option d'achat offerte au crédit preneur en fin de contrat ainsi que la valeur résiduelle du prix d'acquisition du bien loué ». Les mêmes interlocuteurs relèvent des différences de contenus dans les contrats signés entre 2002 et 2005, et ceux passés avec d'autres agriculteurs assimilés entre 2005 et 2007. Ils citent comme exemple, l'article 2 de l'ordonnance du 10 janvier 1996 « qui n'est pas mentionné dans les contrats établis entre 2005 et 2007, et auxquels ils ont aussi ajouté deux annexes ». Et de surcroît, « la Salem impose les dispositions des contrats établis entre 2005 et 2007 aux détenteurs des contrats passés avant cette période. Comment accepter une telle mesure. Elle est d'ailleurs illégale du fait que nous n'avons ni lu ni paraphé le contenu de ces contrats », constatent-ils. Et de poursuivre : « Nous nous sommes présentés au niveau du ministère des Finances, tutelle qui gère les dossiers des agriculteurs endettés pour régler le problème des dettes. Les responsables concernés nous ont signifié que le ministère de l'Agriculture et du Développement rural ne leur a pas transmis nos dossiers. Nous avons alors sollicité le ministère de l'Agriculture. On nous a répondu que nos dossiers sont transférés vers le ministère des Finances où nous sommes retournés pour vérifier si nos dossiers y ont atterri. A notre surprise, des responsables au niveau de cette tutelle nous ont dit qu'ils n'ont jusque-là pas reçu nos dossiers. Nous sommes déplacés ensuite de nombreuses fois au ministère de l'Agriculture pour demander des clarifications en la circonstance mais les responsables concernés refusent de nous recevoir même durant les journées de réception. On nous répond qu'ils sont en réunion ou qu'ils sont sortis alors que nous les voyons au sortir ou à l'entrée du ministère. Ils ne veulent pas de notre présence sur les lieux. » Les mêmes représentants des agriculteurs relèvent qu'il y a au moins 1300 cas d'agriculteurs assimilés à l'échelle nationale qui vivent sous le fardeau de la dette dont 400 sont traduits en justice à cause de ces impayés. En parallèle, « de nombreux assimilés comme nous sont contraints à vendre leur matériel pour honorer leurs dettes, mais ils ont cessé leurs activités et se sont retrouvés chômeurs. De notre côté, nous refusons de vendre nos équipements car une telle solution nous condamnera au chômage. Cela dit, avant d'intégrer le PNDA, nous étions des chômeurs. Aujourd'hui, nous sommes devenus des chômeurs endettés ». Nous avons vainement tenté de recueillir l'avis du ministère de l'Agriculture et du Développement rural et du ministère des Finances.