– Pourquoi avez-vous décidé de mener aujourd'hui votre combat avec le CNR-UGTA ? Je tiens à rappeler que le combat ne date pas d'aujourd'hui, car les campagnes de violence et de terreur ont commencé il y a quelques années déjà. J'ai moi-même été la cible de cette politique en 2005. Le pouvoir, avec la complicité de Sidi Saïd, a mené à mon encontre un acharnement sans nom, duquel ont découlé de nombreuses plaintes ainsi que des perquisitions faites dans mon domicile. Mais suite à l'affaire des Douanes, j'ai finalement réintégré mon poste en 2012 sur décision du Conseil d'Etat. Avec le comité de réappropriation, nous avons pour ambition d'insuffler une nouvelle dynamique au syndicat, qui se voudrait plus démocratique. L'enjeu de cette rentrée est majeur. Il s'agit du 12e congrès de l'UGTA qui peut anéantir à jamais le syndicat ou, au contraire, le faire renaître d'une dynamique démocratique nouvelle, si une nouvelle organisation et une nouvelle ligne directrice sont appliquées. On ne veut pas faire porter nos revendications à l'UGTA, nous n'attendons rien des structures qui soutiennent et participent à l'illégalité et sont responsables de la déchéance du syndicat aujourd'hui. Le CNRS-UGTA s'adresse aux travailleurs, à la base syndicale qui, elle, a des attentes. Nous avons d'ailleurs reçu le soutien des unions de wilaya de Annaba, Tizi Ouzou, Béjaïa, Oran, Mostaganem et Ouargla avec qui des discussions sont en cours. De même, le CNRS-UGTA est soutenu par la Fédération des Douanes. – Après l'affaire des Douanes de 2005, et au vu de votre souhait de vous adresser «à la base syndicale et non aux institutions», pourquoi agissez-vous en tant que membre de l'UGTA ? J'ai été contraint de prendre ma carte de membre à l'UGTA pour pouvoir agir en tant que tel. Il n'existe aucun autre syndicat au service des Douanes et en créer un nouveau reviendrait à encourager cette logique de division. Je crois encore que l'UGTA peut mener des luttes parce que la base syndicale détient des convictions fortes allant au-delà de la volonté des personnes malintentionnées. Le combat du CNRS-UGTA est basé aujourd'hui sur une volonté démocratique que nous avons une ultime chance d'instaurer à l'occasion du 12e congrès à venir. Nous voulons que les lois mises en vigueur soient respectées, que la législation et que le règlement intérieur du syndicat connu et su de tous soient respectés. Nous souhaitons un retour à la distribution égalitaire des statuts et des sièges. Bon nombre de statutaires n'ont plus aucune attache économique, ils sont tous retraités. Ce qui alimente encore cette lutte, c'est la violation des statuts faite par Sidi Saïd qui réunit les secrétaires généraux en tant qu'organisation, alors qu'il n'en a absolument pas le droit. Ce même secrétaire général a aussi fait l'acquisition d'une centaine de voitures mises à disposition des secrétaires généraux réunis. Seule la commission exécutive nationale peut se réunir, et elle n'a pas été rassemblée jusqu'alors. De plus, le mandat de Sidi Saïd, secrétaire général du syndicat depuis 17 ans déjà, a été reconduit jusqu'en 2019, bafouant toute démocratie. – Pensez-vous que les syndicats autonomes sont en mesure de pouvoir faire entendre les revendications des travailleurs ? Les syndicats autonomes sont des organisations à caractère corporatiste qui ne peuvent être assez influents pour faire valoir les droits des travailleurs. Ils manquent d'organisation et ne disposent pas d'instruments suffisants en terme de lutte stratégique. Ils n'ont pas de vision stratégique. A titre d'exemple, le CLA, comme d'autres syndicats autonomes, ne peut discuter d'objectifs économiques ou politiques, car ses statuts sont limités. La seule manière pour les syndicats autonomes de parvenir à une organisation cohérente, c'est de dépasser les rivalités et les ambitions personnelles de chacun. Ce que j'appelle le «zaïmisme» ne date pas d'aujourd'hui. Il s'agit des ambitions de leadership qui mènent à une atomisation et à une division. Je citerai à titre d'exemple le secteur de l'éducation où différents syndicats existent, alors qu'ils soulèvent les mêmes problèmes. L'UGTA leur a inculqué le fait de vouloir rester dans des postes de responsabilité, ils n'ont pas cette notion d'alternance. – L'UGTA est donc le cœur du morcellement syndical, qu'il soit autonome ou non. Oui, l'UGTA a encouragé cette logique. L'organisation du syndicat est le fruit d'une connivence entre la direction et l'ensemble des fédérations et des unions de wilaya. Le corps de cette organisation est aujourd'hui constitué de retraités qui ont pour volonté de perdurer aux postes de responsabilité le plus longtemps possible. L'UGTA est un appendice du pouvoir, un appendice constitué de rentiers, à l'exception des sections syndicales de base. Du fait de sa position actuelle, le syndicat ne peut pas prétendre faire valoir les droits de l'ensemble des travailleurs. Il faut que le syndicat établisse un régime démocratique, qu'une limitation des mandats soit décidée et que les jeunes générations puissent, elles aussi, accéder à des postes de responsabilité. – Une union syndicale pourrait-elle être une alternative intéressante pour faire valoir les droits des travailleurs auprès du gouvernement ? La clé du syndicat se trouve dans l'organisation. Il est indispensable de conserver la diversité syndicale tout en préservant une organisation efficace pouvant porter la voix des travailleurs. Concernant la possibilité d'une union, le temps nous le dira, mais viendra le jour où les luttes syndicales prendront le dessus sur le reste. – Le CNRS-UGTA est à l'origine d'une pétition visant à révoquer le secrétaire général de l'UGTA, pensez-vous que cette action peut être menée à bien ? Effectivement, nous avons lancé, mardi dernier, une pétition sur internet, visant à recueillir 200 000 signatures pour le départ de Abdelmadjid Sidi Saïd. Nous comptons jusqu'alors 400 signatures sur les deux pétitions mises en ligne, mais on ne peut pas toucher l'intégralité des personnes visées à travers internet. Nous allons chercher des voies sur le terrain dans différentes wilayas, car tout le monde n'a pas encore la culture de l'outil informatique qui est réservé à une élite bourgeoise. Un point sur la campagne de signature sera fait à ce sujet le 13 septembre lors de la réunion du CNRS, où nous discuterons aussi des modifications à venir, concernant le code du travail. A partir de cette réunion, nous pourrons évaluer la portée des signatures recueillies. – Le CNRS-UGTA a-t-il reçu des soutiens des fédérations ou des unions de wilaya ? Oui, nous avons reçu le soutien des unions de wilaya de Annaba, Tizi Ouzou, Béjaïa Oran, Mostaganem et Ouargla avec qui des discussions sont en cours. De même, le CNRS-UGTA est soutenu par la fédération des Douanes. On ne veut pas faire porter nos revendications à l'UGTA, nous n'attendons rien des structures qui soutiennent et participent à l'illégalité et sont responsables de la déchéance du syndicat aujourd'hui. Le CNRS-UGTA s'adresse à la base syndicale. – Quel est votre regard sur la position du syndicat au sein de la tripartite ? La tripartite est, à mon sens, un non-événement, elle accouchera d'un mort-né. Les syndicats autonomes n'y sont pas représentés, ce qui en fait une structure lacunaire. De plus, l'UGTA est considérablement fragilisée et n'est pas en mesure d'exiger quoi que ce soit de l'Etat. Au risque de me répéter, seule une union du nombre autour de convictions communes pourra amener le pouvoir à réviser sa vision de la tripartite qui se limite aujourd'hui à une question de rapport de force.